Village de la Justice www.village-justice.com

Des nullités de procédure et de redressement URSSAF. Par Olivier Parrot, Avocat.
Parution : mercredi 15 janvier 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/des-nullites-procedure-redressement-urssaf,33468.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

L’arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2019 (n° pourvoi 18-23.623) est l’occasion de s’arrêter quelques instants sur les moyens d’annuler la procédure et donc le redressement URSSAF qui en résulte.

Régie par le Code de la sécurité sociale, la procédure de contrôle des cotisations et des contributions sociales, dit contrôle URSSAF, comprend les étapes suivantes :
- Envoi d’un avis de contrôle (sauf en cas de travail dissimulé) ;
- Le contrôle stricto sensu (sur place ou sur pièces) ;
- L’envoi d’une lettre d’observations suite à contrôle ;
- L’envoi d’une lettre de mise en demeure.

La « Charte du cotisant contrôlé », document établi par l’URSSAF qui est remis à l’entité contrôlée (société ou travailleur indépendant) en début de contrôle à sa demande, précise expressément : « Le contrôle est une procédure contradictoire qui assure la garantie de vos droits », contradictoire que l’URSSAF doit impérativement respecter.

Le contradictoire résulte notamment du Code de la sécurité sociale, qui fixe des délais ou des mentions obligatoires, formalités substantielles dont l’omission ou l’imprécision aboutissent automatiquement à la nullité du redressement.

L’arrêt du 19 décembre 2019 traite spécifiquement de ces mentions obligatoires.

L’article L.244-2 du Code de la sécurité sociale (comme l’article R.244-2 du même code) prévoit notamment que la lettre de mise en demeure invite l’entité contrôlée « à régulariser sa situation dans le mois », c’est-à-dire à payer.

Dans le cas d’espèce, l’URSSAF a omis de faire figurer, dans la lettre de mise en demeure, cette mention d’un mois pour payer et a soutenu, au stade contentieux, que la mention du délai de recours (d’un mois également à l’époque) valait nécessairement mention du délai de paiement.

Ce raisonnement a été rejeté, sèchement, par la Cour de cassation qui considère que l’article L.244-2 du Code de la sécurité sociale impose que la lettre de mise en demeure porte la mention expresse du délai pour procéder au paiement.

Autrement exprimé, la Cour impose une application stricte des dispositions de l’article L.244-2 du Code de la sécurité sociale et fait de cette mention du délai de paiement une formalité substantielle dont l’absence est sanctionnée par la nullité du redressement.

Contrairement aux dernières décisions rendues en la matière, lesquelles avaient plutôt tendance à venir au secours des approximations, voir des errements, des inspecteurs de l’URSSAF, la Cour de cassation rappelle ainsi qu’elle contrôle le respect du contradictoire par l’URSSAF.

La Cour de cassation revient d’ailleurs régulièrement aux fondamentaux et sanctionne le non respect des règles applicables au contrôle URSSAF.

A titre d’illustration, l’on peut citer l’arrêt rendu le 18 septembre 2014 par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation [1] qui, au visa de l’article R.243-59 du Code de la sécurité sociale, a sanctionné de nullité la lettre d’observations (et donc le redressement y afférant) qui n’était été signée que par l’un des deux inspecteurs du contrôle. (L’article R.243-59 du CSS prévoyant en la matière que la lettre d’observations est « datée et signée par eux ».)

L’obtention de ce type de décision est le fruit d’un travail extrêmement minutieux et rigoureux des cabinets d’avocats compétents en la matière, capables d’identifier et d’exploiter toutes les entorses au principe du contradictoire, liées notamment aux changements incessants de législation en la matière. Nous avons ainsi développé un process d’analyse des nullités de procédure constamment actualisé au regard des évolutions législatives et jurisprudentielles.

Cette rigueur a déjà fait ses preuves. A titre d’exemple, l’on peut citer un arrêt rendu le 31 mai 2018 par la Cour de cassation (n° pourvoi 17-16.179) qui confirme l’arrêt d’appel ayant annulé un redressement à l’origine duquel l’avis de contrôle n’avait pas été adressé à la société contrôlée par lettre RAR (ce qu’imposait expressément l’article R.243-59 du CSS dans sa version applicable à l’espèce).

Il reste que l’annulation d’un redressement URSSAF, du fait notamment d’une méconnaissance du contradictoire par les inspecteurs, est conditionnée par la régularité de la contestation dudit redressement par la société contrôlée, via la saisine de la Commission de Recours Amiable. Autre sujet, qui sera traité dans le cadre d’un article distinct.

Olivier Parrot Cabinet Robiou du Pont Avocat au Barreau de Nantes

[1N° pourvoi 13-23.990