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Le conseiller du salarié : cadre et limites de son intervention. Par Emmanuelle Destaillats, Avocat.
Parution : lundi 20 janvier 2020
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Dans les entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel, le salarié convoqué à un entretien dans le cadre d’une procédure de licenciement ou d’une rupture conventionnelle peut, s’il le souhaite, se faire assister par un de ses collègues ou par un conseiller extérieur, inscrit sur une liste officielle.

Qui est le conseiller du salarié ? Quelle est sa mission ? Quels sont ses droits et obligations ? En quoi consiste son statut protecteur ?

La désignation du conseiller du salarié.

Les conseillers du salarié sont désignés par une liste, préparée par la Direccte après consultation de organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national, siégeant à la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle.

La liste des conseillers du salarié fait l’objet d’un arrêté préfectoral dans chaque département. Elle est publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture et est consultable auprès de l’Inspection du travail et des mairies [1].

Cette liste, révisée tous les trois ans, comporte notamment le nom, l’adresse, la profession ainsi que l’appartenance syndicale éventuelle des conseillers.

Une simple mission d’assistance.

Le conseiller du salarié a pour mission d’assister et de conseiller les salariés convoqués à un entretien préalable à un licenciement ou un entretien de rupture conventionnelle. [2].

Il intervient uniquement auprès de salariés employés dans les entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel.

Au sens du Code du travail et de l’administration, il s’agit des entreprises dépourvues de comité social et économique mais également de délégués syndicaux [3].

Dans la lettre de convocation à l’entretien préalable, l’employeur doit obligatoirement informer le salarié de sa faculté à se faire assister par un conseiller [4]. Il doit par ailleurs indiquer l’adresse des services où la liste des conseillers est tenue à la disposition des salariés. Le défaut de ces mentions obligatoires constitue une irrégularité de procédure.

L’employeur ne peut s’opposer à la présence du conseiller lors de l’entretien ou l’empêcher d’y exercer ses fonctions, sous peine de sanctions pénales [5]. Il peut cependant demander au conseiller de justifier de sa qualité [6].

Durant l’entretien, le conseiller peut intervenir, demander des explications à l’employeur, compléter celles du salarié et présenter ses observations.

Toutefois, la mission du conseiller du salarié est strictement limitée à l’assistance et au conseil du salarié [7].

Par conséquent, il n’a pas le droit de se procurer ou de demander à obtenir des documents concernant un salarié [8]. De même, l’inspection du travail ne peut donner aucun renseignement à un conseiller du salarié qui en ferait la demande, en ce qui concerne la situation de la société, le climat social…

Par ailleurs, il n’appartient pas au conseiller du salarié qui constaterait, à l’occasion de sa mission, des situations non conformes à la réglementation sociale ou aux règles concernant l’hygiène et la sécurité, d’en référer à l’inspection du travail compétente.

Les droits et obligations du conseiller du salarié.

L’autorisation d’absence.

Lorsqu’un conseiller extérieur est lui-même salarié, son employeur est tenu, dans les entreprises d’au moins 11 salariés, de lui laisser le temps nécessaire à l’exercice de sa mission d’assistance et de conseil, dans la limite de 15 heures par mois [9].

Ce temps est assimilé à du temps de travail effectif pour l’appréciation des droits à congés payés, des droits aux prestations des assurances sociales et des prestations familiales ainsi qu’au regard de tous les droits attachés à l’ancienneté dans l’entreprise [10].

La rémunération.

Le conseiller exerce sa fonction à titre gratuit [11].

Toutefois, s’il est salarié, le temps passé par le conseiller durant ses heures de travail afin d’exercer ses missions doit être rémunéré par son employeur [12].

L’employeur sera ensuite remboursé par l’État des salaires maintenus et des charges correspondantes [13].

Le droit à la formation.

Le conseiller bénéficie d’un droit à la formation.

A ce titre, l’employeur doit lui accorder des autorisations d’absence pour les besoins d’une formation, dans la limite de deux semaines par période de trois ans suivant la publication de la liste des conseillers sur laquelle il est inscrit [14].

L’obligation de discrétion et de respect du secret professionnel.

L’article L1232-13 du Code du travail dispose que le conseiller du salarié est tenu au secret professionnel concernant les questions relatives aux procédés de fabrication de l’entreprise dans laquelle il assiste un salarié.

Il est par ailleurs tenu à une obligation de discrétion à l’égard des informations confidentielles dont il aurait pu avoir connaissance lors de la tenue de l’entretien préalable.

En cas de manquement à cette obligation, l’intéressé peut être radié de la liste des conseillers.

Le statut protecteur du conseiller du salarié.

L’exercice de la mission du conseiller du salarié ne peut être une cause de rupture du contrat de travail [15].

A cet égard, il bénéficie d’un statut protecteur, au cours de son mandat et durant les 12 mois suivant la cessation de ses fonctions, lorsque celles-ci ont été exercées pendant au moins un an [16].

Le licenciement, la rupture conventionnelle et la rupture de la période d’essai du conseiller sont ainsi soumis à l’autorisation de l’inspection du travail [17].

Le conseiller peut bénéficier de ce statut protecteur uniquement s’il a informé son employeur de son mandat au plus tard lors de l’entretien préalable à son licenciement, ou avant la notification de la rupture si celle-ci ne nécessite pas d’entretien [18].

Le non-respect de ce statut protecteur entraîne la nullité de la procédure engagée à l’encontre du conseiller extérieur. Par ailleurs, l’absence d’autorisation préalable au licenciement est sanctionnée par une amende de 3.750 euros et d’une peine d’emprisonnement d’un an [19].

Emmanuelle DESTAILLATS

[1C. trav., art. D1232-5.

[2C. trav., art. L1232-4 ; C. trav., art.L1237-12.

[3C. trav., art. L1232-4 ; Circ. DRT n°91-16 du 5 Septembre 1991.

[4C. trav., art. L1232-4.

[5C. trav., art. L1238-1.

[6Soc. 25 Sept 2012 ; n°11-10.684.

[7Circ. DRT n°91-16 du 5 Septembre 1991 ; C. trav., art. L1232-7.

[8Circ. DRT n°91-16 du 5 Septembre 1991.

[9C. trav., art. L1232-8.

[10C. trav., art. L1232-9.

[11C. trav., art. D1232-4.

[12C. trav., art. L1232-9.

[13C. trav., art. L1232-11.

[14C. trav., art. L1232-12.

[15C. trav., art. L1232-14.

[16Soc. 27 Janvier 2010 ; n°08-44.376.

[17C. trav., art. L1232-14.

[18Soc. 14 septembre 2012 ; n°11-21.307.

[19C. trav., art. L2437-1.