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A partir de quand une demande de paiement direct auprès du maître de l’ouvrage n’est plus recevable ?
Parution : mercredi 22 janvier 2020
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Dans cette affaire, le Conseil d’Etat rappelle que pour bénéficier du droit au paiement direct par le maître de l’ouvrage des prestations qu’il a effectuées dans le cadre de l’exécution du marché, le sous-traitant agréé doit présenter sa demande de paiement direct au maître de l’ouvrage avant la notification du décompte du marché au titulaire.

CE 2 décembre 2019, Sté FIDES, req.n°425204

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat apporte d’utiles précisions procédurales sur le stade à partir duquel, le sous-traitant perd son droit au paiement direct des prestations réalisées auprès du maître de l’ouvrage. Pour bénéficier du droit au paiement direct par le maître de l’ouvrage des prestations qu’il a effectuées dans le cadre de l’exécution du marché, le sous-traitant agréé doit présenter sa demande de paiement direct au maître de l’ouvrage avant la notification du décompte du marché au titulaire.

Enseignement n°1 : Du rappel utile de la procédure de paiement direct du sous-traitant.

La procédure du paiement direct du sous-traitant d’un marché public est codifiée par les articles R2193-10 à R 2193-16 du Code de la commande publique. L’article R2193-16 du Code de la commande publique.

Le sous-traitant qui entend bénéficier du paiement direct adresse sa demande au titulaire sous pli recommandé avec accusé de réception ou la dépose directement auprès de lui contre récépissé. Cette demande de paiement direct doit correspondre au solde des travaux effectués ou à un acompte.

A compter de l’accomplissement de cette formalité, le titulaire dispose d’un délai de 15 jours pour accepter ou refuser la demande de paiement direct. Pour ce faire, il examine la demande et vérifie si elle correspond aux prestations qui ont effectivement été exécutées par le sous-traitant. Le titulaire peut accepter la totalité des pièces justificatives, une partie des pièces justificatives et en rejeter certaines ou bien rejeter l’ensemble de la demande.

Une fois sa décision prise, le titulaire la notifie au sous-traitant et à l’acheteur. En cas d’acceptation expresse, il joint au projet de décompte adressé à l’acheteur ou son représentant une attestation et indique le montant des sommes à prélever au profit du sous-traitant. Dans l’hypothèse où le titulaire oppose un refus de paiement direct au sous-traitant, il doit motiver sa décision auprès du sous-traitant et de l’acheteur. L’acheteur n’a pas à apprécier la légalité du motif invoqué par le titulaire à l’appui de son refus.

A l’issue du délai de 15 jours, le titulaire qui ne s’est pas manifesté est réputé avoir accepté la demande de paiement direct adressée par le sous-traitant. En parallèle de la demande adressée au titulaire, le sous-traitant adresse sa demande à l’acheteur, qu’il accompagne des copies des factures adressées au titulaire et de l’accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou l’avis postal attestant que le pli a été refusé ou non réclamé.

A la réception de cette demande, l’acheteur adresse alors à son tour, et sans délai, au titulaire du marché une copie des factures produites par le sous-traitant. Il informe par la suite le titulaire du paiement direct du sous-traitant auquel il a procédé pour les prestations que ce dernier a exécutées. Cette demande parallèle adressée à l’acheteur permet au sous-traitant de se prémunir contre l’éventuelle négligence du titulaire dans la transmission de la demande de paiement à l’acheteur et d’exiger de ce dernier le paiement des prestations qu’il a exécutées.

Dans l’hypothèse où le titulaire du marché public n’a ni opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de 15 jours imparti suivant sa réception, ni transmis celle-ci à l’acheteur, le sous-traitant qui n’a pas transmis en parallèle sa demande de paiement à l’acheteur ne pourra prétendre au paiement direct et aucun intérêt moratoire ne pourra être réclamé. Cette transmission parallèle permet en effet à l’acheteur de s’assurer que la demande de paiement a bien été adressée au titulaire et de connaître la date à compter de laquelle, sans manifestation de sa part, il doit procéder au paiement direct du sous-traitant

Enseignement n°2 : Le stade à partir duquel la procédure de paiement direct devient irrecevable auprès du maître de l’ouvrage.

Pour être recevable, le sous-traitant agréé doit présenter sa demande de paiement direct au maître de l’ouvrage avant la notification du décompte du marché au titulaire.

Dans son arrêt du 2 décembre 2019, le Conseil d’Etat pose cette règle dans un considérant de principe selon lequel « pour obtenir le paiement direct par le maître d’ouvrage de tout ou partie des prestations qu’il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser en temps utile sa demande de paiement direct à l’entrepreneur principal, titulaire du marché, et […] au maître d’ouvrage. Une demande adressée après la notification du décompte général du marché au titulaire de celui-ci ne peut être regardée comme ayant été adressée en temps utile ».
Une demande de paiement direct adressée par le sous-traitant postérieurement à la notification du décompté général du marché par le maître de l’ouvrage au titulaire du marché est irrecevable.

Dans ses conclusions sur cette affaire, le Rapporteur public Gilles Pellissier apporte deux précisions particulièrement utiles :

Tout d’abord, en transmettant trop tard sa demande au maître de l’ouvrage le sous-traitant ne perd pas son droit au paiement de ses prestations par le titulaire mais seulement la possibilité d’en obtenir le paiement par le maître de l’ouvrage. En d’autres termes, le sous-traitant pourra se retourner contre le titulaire du marché pour obtenir le paiement de ses prestations, ce d’autant plus que ce dernier aura été réglé des prestations réalisées par son sous-traitant.

Ensuite, la tardiveté de la transmission de la demande de paiement direct n’empêche pas le maître de l’ouvrage de payer directement le sous-traitant. Elle fait seulement obstacle à ce que le paiement qu’il aura pu faire au titulaire soit considéré comme fautif et à ce qu’il soit obligé de payer tout de même le sous-traitant. Mais, tant qu’il n’a pas payé le titulaire, et si la demande de paiement direct ne rencontre aucune objection de la part de ce dernier, il doit y faire droit à quelque moment qu’elle lui parvienne. Au cas où cette somme aurait été inscrite au crédit du titulaire dans le décompte devenu définitif, le Rapporteur public suggère que le maître de l’ouvrage obtienne de la part du titulaire qu’il accepte une modification du décompte sur ce point avant de payer le sous-traitant, pour que le titulaire ne lui oppose pas ensuite le décompte définitif pour l’obliger à lui verser cette somme.

CE 2 décembre 2019, Sté FIDES, req.n°425204 [1].

Me Sébastien PALMIER-Spécialiste en Droit Public Cabinet Palmier & Associés- Experts en marchés publics http://www.sebastien-palmier-avocat.com