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Le délit d’abus de biens sociaux. Par Avi Bitton, Avocat.
Parution : vendredi 24 janvier 2020
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Abus de biens sociaux : Quels sont les éléments constitutifs du délit ? Quelles sont les peines encourues ?

Définition de l’abus de biens sociaux.

L’article L241-3 4° du Code de commerce dispose :
« Est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375.000 euros le fait, pour les gérants [d’une société à responsabilité limitée], de faire, de mauvaise foi, des biens ou des crédits de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement. »

L’article L242-6 3° du Code de commerce dispose :
« Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375.000 euros le fait pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement. »

I. Cadre de l’abus de biens sociaux.

Les articles L241-3 et L242-6 du Code de commerce prévoient que les abus de biens sociaux ne peuvent être réprimés que lorsqu’ils sont commis au sein d’une société à responsabilité limitée ou d’une société anonyme.

Ainsi, le délit d’abus de biens sociaux ne peut être constitué au sein d’une société civile ou d’une association. En revanche, le délit d’abus de confiance pourra éventuellement être poursuivi.

II. Qualité de l’auteur de l’abus de biens sociaux.

Si l’abus de biens sociaux ne peut être commis que dans un certain type de société, il ne peut également être commis que par une liste limitative de personnes. L’article L241-3 4° prévoit qu’au sein d’une société à responsabilité limitée, l’auteur doit avoir la qualité de gérant pour être poursuivi.

Concernant les sociétés anonymes, seuls le président, les administrateurs ou les directeurs généraux peuvent être poursuivis.

III. Eléments matériel.

A. L’usage des biens ou du crédit de la société.

Le terme d’usage est utilisé au sens large. En effet, l’utilisation abusive des biens de la société, dans un intérêt personnel, sans volonté d’appropriation est suffisante pour caractériser l’élément matériel [1].

B. L’usage contraire à l’intérêt de la société.

La jurisprudence considère que l’usage des biens ou de crédit de la société est contraire aux intérêts de celle-ci lorsque le dirigeant expose la société à un risque de perte [2], à un risque anormal de poursuites pénales ou fiscales [3]. Plus généralement, l’usage des biens de la société est considéré abusif lorsqu’il est fait dans un but illicite [4].

C. L’usage par le gérant à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société.

L’intérêt personnel du gérant peut être moral ou matériel [5]. Ainsi, « commettent le délit d’abus de biens sociaux les gérants d’une SARL qui mettent à profit leur situation très fortement majoritaire dans la répartition du capital social pour faire prendre par l’assemblée une délibération leur attribuant des appointements excessifs eu égard aux ressources et à la situation financière de la société et qui perçoivent ensuite ces appointements » [6].

Commet également le délit d’abus de biens sociaux le dirigeant d’une société qui effectue des virements depuis le compte bancaire de la société vers son compte personnel, émet des chèques depuis le compte de la société et retire des espèces du compte de la société, sans fournir de justificatif de frais qu’il aurait avancés [7].

IV. Eléments moral.

L’auteur de l’abus de biens sociaux doit avoir conscience que ses agissements sont contraires à l’intérêt de la société. Par ailleurs, l’usage doit être fait à des fins personnelles, pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle l’auteur est intéressé directement ou indirectement.

Selon la jurisprudence, la négligence ou le défaut de surveillance de la part du dirigeant ne peuvent être retenus à son encontre que s’il avait connaissance d’agissements délictueux qu’il était en mesure d’empêcher [8].

La Cour de cassation a par ailleurs établi une présomption, selon laquelle « s’il n’est pas justifié qu’ils ont été utilisés dans le seul intérêt de la société, les fonds sociaux, prélevés de manière occulte par un dirigeant social, l’ont nécessairement été dans son intérêt personnel. » [9].

V. Répression.

Les articles L241-3 et L242-6 du Code de commerce prévoient une peine de 5 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende.

L’article L249-1 du Code de commerce prévoit que les personnes physiques coupables d’abus de biens sociaux encourent également des peines complémentaires. Il peut s’agir de l’interdiction d’exercer une fonction publique, ou une activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise, d’exercer une profession commerciale ou industrielle, une interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler, à titre quelconque une entreprise commerciale, industrielle ou une société commerciale.

Avi Bitton, Avocat, Ancien Membre du Conseil de l’Ordre [->avocat@avibitton.com] [->https://www.avibitton.com]

[1Crim., 8 mars 1967.

[2Crim., 8 déc. 1971.

[3Crim., 17 déc. 2015, n°14-86.602.

[4Crim., 22 avr. 1992, n°90-85.125.

[5Crim., 8 déc. 1971 précité.

[6Crim., 15 oct. 1998, no 97-80.757.

[7Crim., 31 oct. 2000, n°99-87.399.

[8Crim., 19 déc. 1973.

[9Crim., 11 janv. 1996, n°95-81.776.