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Injure publique et identité de genre. Par Aubéri de Salecroix, Avocat.
Parution : mercredi 5 février 2020
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La Chambre criminelle s’est prononcée pour la 1ère fois depuis l’entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 dite « Égalité et citoyenneté » sur des propos injurieux visant les personnes transgenres.

Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 19-80.796

« Transgenres. Les malheureux qui veulent changer de sexe sont des vicieux et des malades qui relèvent de la psychiatrie ».

Tels étaient les propos publiés sur son compte Twitter pour lesquels l’ancien président de Radio Courtoisie mais également haut fonctionnaire, était poursuivi par le Parquet du chef d’injure publique envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre [1].

En effet, en modifiant les articles 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, la loi du 27 janvier 2017 dite « Égalité et citoyenneté » est venue renforcer la répression de la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, la diffamation et l’injure publiques commises à l’encontre d’une ou plusieurs personnes à raison de leur identité non plus « sexuelle » mais plus largement « de genre ».

L’assimilations aux infractions racistes est évidente et toutes deux bénéficient d’une exception à la règle selon laquelle, en matière d’infraction à la loi sur la presse, la qualification du fait incriminé est irrévocablement fixée par l’acte de poursuite. Ainsi, le nouvel article 54-1 permet à la juridiction de requalifier l’infraction.

En l’espèce, le tribunal correctionnel et la Cour d’appel de Paris avaient condamné le prévenu au paiement d’une amende de 1.000 € au motif que l’emploi du terme « vicieux » était manifestement outrageant, et donc injurieux (Paris, 12 déc. 2018, n° 18/03112).

La Cour de cassation a confirmé que le propos visait bien un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre, au sens de l’article 33, alinéa 4, issu de la loi du 27 janvier 2017.

Si elle écarte de la prévention les qualificatifs de « malheureux » et de « malades qui relèvent de la psychiatrie », en ce qu’ils ne peuvent être considérés comme outrageants ou méprisants car ils font référence au malheur ou à la maladie physique ou mentale, en revanche elle estime que le terme « vicieux » est outrageant puisqu’il signifie « dépravé, immoral, pervers et se dit de personnes ayant un comportement réprouvé par le sentiment moral collectif ».

Elle confirme que les explications du prévenu, selon lesquelles la maladie en ferait des vicieux, ou faisant référence à certains cas évoqués aux États-Unis, ne peuvent être retenues car le message étant à cet égard affirmatif et sans nuances.

Précisons en effet que le Conseil constitutionnel a validé au nom des droits de la défense que l’exception de vérité puisse désormais être invoquée à titre de fait justificatif, ce qui était jusqu’alors exclu.

En conclusion, tenant compte de la tonalité du message dans son ensemble, la Cour de cassation, retient le caractère injurieux du qualificatif « vicieux », outrageant à l’égard des personnes transgenres, qu’il atteint dans leur identité de genre.

Aubéri Salecroix Avocat [->asalecroix.avocat@gmail.com] https://www.facebook.com/Cabinet-davocat-Aub%C3%A9ri-Salecroix-1914523838761774/ Droit de la famille Droit pénal

[1Article 33, al. 4, de la loi du 29 juillet 1881.