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Le délit de blanchiment. Par Avi Bitton, Avocat.
Parution : vendredi 7 février 2020
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Le délit de blanchiment : éléments constitutifs et peines encourues.

Définition du blanchiment.

L’Article 324-1 du Code pénal dispose :

« Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.
Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit.
Le blanchiment est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende
. »

Sont également incriminés le blanchiment du produit du trafic de stupéfiants [1] et le blanchiment du produit du proxénétisme [2].

L’Article 324-1-1 du Code pénal précise :
« Pour l’application de l’Article 324-1, les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus. »

L’Article 324-1 du Code pénal distingue deux types de blanchiment :
- la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus ;
- le concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d’une infraction.

I. La justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus.

A. L’existence d’une première infraction principale.

L’auteur du blanchiment doit avoir aidé l’auteur d’un crime ou d’un délit à justifier de l’origine des biens ou des revenus. Le blanchiment nécessite donc l’existence d’une première infraction, grâce à laquelle un premier auteur a obtenu des biens ou des revenus.

Comme en matière de recel, l’auteur de la première infraction n’a pas à être poursuivi ou condamné pour que l’auteur du blanchiment puisse être poursuivi [3]. Toutefois, la preuve de l’origine infractionnelle des biens ou des revenus doit être apportée pour entrer en voie de condamnation à l’encontre de l’auteur du blanchiment.

B. Elément matériel.

L’auteur du blanchiment doit faciliter par tout moyen la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’une infraction, qui lui a procuré un profit direct ou indirect.

Ainsi, l’auteur de faux certificats de vente, d’attestations mensongères, de factures fictives, permettant la revente d’engins de travaux publics volés se rend coupable du délit de blanchiment [4].

C. Elément moral.

L’auteur du blanchiment doit avoir connaissance de l’origine délictueuse ou criminelle des biens ou des revenus.

La connaissance de l’origine frauduleuse des fonds ou des biens peut être établie par le biais d’un faisceau d’indices. Ainsi, la jurisprudence a retenu les relations familiales ou d’affaire entre l’auteur de la première infraction et l’auteur du blanchiment [5], la profession de l’auteur du blanchiment [6].

II. Le concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d’une infraction.

Il s’agit pour l’auteur du blanchiment de placer ou dissimuler le produit d’une infraction ou de le réintégrer dans le circuit légal, afin de faire disparaître toute trace de son origine frauduleuse.

A. Elément matériel.

Contrairement à la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus, le concours ne porte que sur le produit d’un crime ou d’un délit.

L’Article 324-1-1 du Code pénal établit une présomption selon laquelle les biens ou les revenus ont une origine frauduleuse dès lors que les opérations de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir pour autre justification que la dissimulation de l’origine ou du bénéficiaire des biens ou des revenus.

Apporte ainsi son concours à une opération de placement le conseiller financier qui effectue un placement à l’étranger de sommes confiées par son client et ayant pour origine une fraude fiscale [7].

Par ailleurs, la personne qui reçoit sur son compte bancaire des virements frauduleux et procède à des transferts de fonds vers des bénéficiaires en Russie, apporte son concours personnel actif, en connaissance de cause, à une opération de blanchiment, en tant qu’intermédiaire [8].

De même, le placement des sommes non-déclarées à l’administration fiscale sur un compte bancaire puis l’utilisation de ces fonds pour les dépenses courantes, l’achat de véhicules, la constitution du capital d’une société, sont constitutifs d’une opération de placement et de conversion du produit d’un délit de fraude fiscale [9].

B. Elément moral.

L’auteur du blanchiment doit avoir conscience qu’il apporte son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit d’une infraction.

III. Répression.

A. Peines principales.

1. Peines applicables aux personnes physiques.

L’Article 324-1 du Code pénal prévoit une peine de 5 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende. L’Article 324-2 du Code pénal prévoit qu’en cas de blanchiment commis de manière habituelle, en utilisant les facilitées procurées par une activité professionnelle ou s’il est commis en bande organisée, la peine est portée à 10 ans d’emprisonnement et 750.000 euros d’amende.

Par ailleurs, les peines d’amende peuvent être portées à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment [10].

Lorsque la peine encourue pour l’infraction principale est supérieure à celle prévue pour le blanchiment, la répression du blanchiment est identique à celles des infractions dont l’auteur du blanchiment a eu connaissance [11].

La tentative de blanchiment et de blanchiment aggravé est réprimée par les mêmes peines que le blanchiment et le blanchiment aggravé [12].

2. Peines applicables aux personnes morales.

Les personnes morales coupables de blanchiment encourent une amende dont le montant est porté au quintuple de celle qui peut être prononcée à l’encontre des personnes physiques [13].

Les personnes morales encourent également les peines prévues à l’Article 131-39 du Code pénal (dissolution, interdiction d’exercer des activités professionnelle, le placement sous surveillance judiciaire, l’exclusion des marchés financiers, l’affichage de la décision) et la confiscation de toute ou partie de leurs biens ou ceux dont elles ont la libre disposition.

B. Peines complémentaires.

Concernant les personnes physiques, l’Article 324-7 prévoit les peines complémentaires suivantes :

« 1° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’Article 131-27, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, cette interdiction étant définitive ou provisoire dans le cas prévu à l’Article 324-2 et pour une durée de cinq ans au plus dans le cas prévu à l’Article 324-1, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d’exercice peuvent être prononcées cumulativement ;
2° L’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;
3° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et d’utiliser les cartes de paiement ;
4° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ;
5° L’annulation du permis de conduire avec l’interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;
6° La confiscation d’un ou plusieurs véhicules appartenant au condamné ;
7° La confiscation d’une ou plusieurs armes dont le condamné est le propriétaire ou dont il a la libre disposition ;
8° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit, à l’exception des objets susceptibles de restitution ;
9° L’interdiction, suivant les modalités prévues aux Articles 131-26 et 131-26-1, des droits civiques, civils et de famille ;
10° L’interdiction de séjour suivant les modalités prévues par l’Article 131-31 ;
11° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de quitter le territoire de la République ;
12° La confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »

L’Article 324-8 du Code pénal prévoit qu’une peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée à l’encontre de l’étranger coupable de blanchiment ou de blanchiment aggravé. Cette interdiction peut être définitive ou pour une durée de 10 ans maximum.

Avi Bitton, Avocat, Ancien Membre du Conseil de l’Ordre Tél. : 01.46.47.68.42 Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Article 222-38 du Code pénal.

[2Article 225-6 du Code pénal.

[3Crim. 16 janv. 2013, n°11-83.689.

[4Crim. 26 janv. 2011, n°10-84.081.

[5Crim. 29 mars 2007.

[6Crim. 3 déc. 2003.

[7Crim. 3 déc. 2003, n°02-84.646.

[8Toulouse, 16 janv. 2007.

[9Crim. 27 mars 2018, n°16-87.585.

[10Article 324-3 du Code pénal.

[11Article 324-4 du Code pénal.

[12Article 324-6 du Code pénal.

[13Articles 131-38 et 324-9 du Code pénal.