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Les avocats et la médiation, quelles affinités ?
Parution : jeudi 5 mars 2020
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On parle de médiation dans le domaine juridique depuis une vingtaine d’années, mais c’est à partir de la loi du 22 décembre 2010 [1] et les décrets des 13 janvier 2011 [2] et 22 janvier 2012 [3] que la culture du règlement alternatif des différends s’affirme petit à petit auprès du justiciable comme des professionnels du droit.
Le recours à la médiation est actuellement fortement impulsée par le législateur, et il semblerait que les choses bougent en la matière du côté des avocats.
C’est pour comprendre quels sont les rapports que ces derniers entretiennent avec la médiation et quel usage ils en ont que le Village de la Justice a lancé en décembre 2019 une enquête auprès de la profession. Et ces avocats se sentent concernés par le sujet puisque près de 400 d’entre-eux nous ont répondu !
En voici les 4 principales leçons.

L’objet du questionnaire, adressé uniquement aux avocats, était de connaître les liens qu’ils entretiennent avec la médiation juridique, à savoir la possibilité de régler un différent de façon amiable sans recourir à un juge, et leur positionnement envers ce mode alternatif de règlement des différends.

En 2020 on peut clairement se prononcer sur le fait que la médiation est une notion, voire une pratique, familière à la profession d’avocat !

1. La médiation : une pratique des avocats.

Il ressort de cette enquête que la médiation est loin d’être inconnue des avocats et que ces derniers se sont appropriés ce mode alternatif de règlement des différends. Selon l’enquête, une très grande partie des répondants pratiquent la médiation, et quand ils n’en font pas usage, ils en ont une certaine connaissance.

A noter que 80% de ceux pour qui la médiation est "une pratique" ont suivi une formation contre 23% pour ceux pour qui c’est "une connaissance" sans pratique, et 16% pour ceux pour qui c’est "un désintérêt".

Qu’ils pratiquent ou non la médiation, 70% des répondants estiment que la médiation est une compétence que doit acquérir l’avocat.

2. Les avocats sont formés à la médiation.

Plus de 66% des répondants ont précisé avoir reçu une formation en médiation que ce soit dans le cadre de leurs études initiales ou plus tard dans le cadre de la formation continue.

Cette enquête nous donne un aperçu plus précis des structures auprès desquelles les avocats se forment en matière de médiation (voir document ci-après).

Elle nous permet également de prendre conscience que ces structures sont nombreuses et variées, cela va de l’université au travers de DU spécialisés, en passant par les structures dédiées à la médiation (type ARMEDIS, IFOMENE, EPMN, AFPDC, ASMAJ, CNPM, CMAP...), les écoles d’avocats ou encore les barreaux eux-mêmes.

En haut du classement arrive l’IFOMEN (pour 37% des répondants), puis les universités et les DU spécialisés (pour 14% des répondants), en troisième position les écoles d’avocats (pour 8% des répondants), puis le CMAP (pour 7% des répondants).

Organismes ou structures les plus cités auprès desquels les avocats se sont formés à la médiation :

IFOMEN 37%
D.U. ou UNIVERSITE 14%
ECOLE D’AVOCATS 8%
CMAP 7%
IHEMN 5%
ARMEDIS 5%
ORDRE DES AVOCATS 4%
CENTRE DE MEDIATION 3%
EIMA 2%
EPMN 1%
ASMAJ 1%
AFPDC 1%
ABC MEDIATION 1%
CNAM 1%
OMPI 1%
CNPM 1%

3. La médiation est un potentiel de développement des cabinets d’avocats.

A la question : "Pensez-vous que la médiation soit un potentiel de développement pour votre cabinet ?" près de 60% des répondants ont répondu par l’affirmative !

Voici les principales raisons pour lesquelles ils estiment que la pratique de la médiation par leur cabinet est complémentaire, voire nécessaire :

- Pour répondre à une évolution sociale et une demande de leurs clients ;
- Pour rassurer les clients et pallier à l’aléa judiciaire (surtout pour les entreprises) ;
- Pour pallier à la durée longue et onéreuse d’un différend porté devant le juge ;
- Moyen de diversification et de fidélisation de la clientèle ;
- Pour apaiser les conflits et responsabiliser les parties ;
- Moyen de valorisation du rôle de l’avocat qui retrouve son rôle de conseil et d’assistant ;
- Permet une intervention de l’avocat dans une matière non pratiquée au sein du cabinet.

A contrario, les avocats pour qui la pratique de ce mode de règlement amiable des différends ne représente pas un potentiel de développement ont évoqué les raisons suivantes :

- Surcoût pour les clients et problème de l’accès ou non à l’aide juridictionnelle
- Mauvais ratio temps passé par l’avocat et rémunération ;
- Difficulté à déterminer les honoraires et à les facturer ;
- Formation à la médiation trop coûteuse ;
- Cristallisation des positions des différentes parties ;
- Pas assez de recul sur le taux de réussite des médiations ;
- Réticence des clients.

4. Les avocats sont prêts "à partager" la médiation.

Une autre information intéressante recueillie à la suite de cette enquête est que pour près de 78 % des répondants, la médiation peut être pratiquée par toute personne ayant suivie une formation adaptée.

En conclusion, cette étude nous montre que les avocats se sont bien familiarisés avec la médiation et qu’ils en ont pour la plupart une vision majoritairement positive, comme l’illustre leurs réponses (plusieurs réponses possibles) à la question "bonus" ci-dessous...

C’est une évidence désormais, les avocats développent une "stratégie de l’amiable" au sein de leur cabinet et pour ce faire font usage des outils que sont la négociation, le droit collaboratif, la procédure participative... et plus particulièrement la médiation. Pour cette dernière 80% des avocats ayant répondu à notre enquête estiment qu’elle peut être pratiqué "dans tous les domaines du droit" ; réalité corroborée par l’enquête menée par le CNB (voir ci-après).

Les chiffres 2021 du CNB relatif aux MARD :
En 2021, Le CNB a réalisé une enquête auprès des avocats et des justiciables sur les modes alternatifs de règlement des différends.
- 56% des Français ont connaissance des Mard dont le plus connu est la médiation.
- 82% des avocats ayant répondu à l’enquête ont accompagné leurs clients dans un de ces modes alternatifs de règlement des différends (79 % à l’occasion d’une médiation ou d’une conciliation, 22 % à l’occasion d’un arbitrage, 18 % d’un processus collaboratif et 12 % à l’occasion d’une procédure participative.)
- Les avocats ont également pris l’habitude de le proposer à leurs clients, puisque 73 % d’entre-eux ont répondu qu’ils le faisaient souvent (41 %) ou très souvent (32 %) et 27 % qu’ils ne le faisaient que rarement ou très rarement.

Rédaction du Village de la Justice.

[1Loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaire, JORF du 23 décembre 2010.

[2Décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l’arbitrage, JORF du 14 janvier 2011.

[3Décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends, JORF du 22 janvier 2012.

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