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La jouissance privative d’une partie commune ne confère pas un droit de propriété exclusif. Par Pauline Darmigny, Avocat.
Parution : dimanche 9 février 2020
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En matière de copropriété immobilière, la loi du 10 juillet 1965 prévoit en son article 1, qu’un lot de copropriété est constitué, obligatoirement, d’une partie privative et d’une quote-part de parties communes, les deux étant indissociables.

Chaque copropriétaire de l’immeuble organisé en copropriété, jouit donc d’une partie privative sur laquelle il dispose d’un droit de propriété absolu et d’une quote-part de parties communes.

Les parties privatives sont la propriété exclusive de leur propriétaire, alors que sur les parties communes de l’immeuble, les copropriétaires sont en situation d’indivision et ne peuvent revendiquer l’exercice d’aucun droit de propriété exclusif.

Par exemple, si des copropriétaires veulent effectuer des travaux sur leur lot privatif, travaux de nature à affecter les parties communes de l’immeuble, ils sont dans l’obligation de solliciter au préalable l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.

Il arrive cependant que la configuration des lieux prête à confusion. En effet, il existe parfois des parties communes de l’immeuble, sur lesquelles un copropriétaire jouit d’un droit exclusif. On pense par exemple à une cour privative sur laquelle, seul le copropriétaire du lot privatif voisin a accès. Il peut s’agir également d’un jardin privatif, dont seul un copropriétaire peut jouir.

Dans ces cas de figure, il n’est pas rare que le copropriétaire en question pense être propriétaire de cette partie commune dont il a seul la jouissance, et se comporte ainsi comme s’il en était l’unique propriétaire.

Néanmoins, si cet espace figure dans le règlement de copropriété de l’immeuble dans la catégorie des parties communes, aucun copropriétaire ne peut revendiquer dessus un quelconque droit de propriété exclusif.

L’article 6-3 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 prévoit que :
« les parties communes à jouissance privative sont les parties communes affectées à l’usage et à l’utilité exclusifs d’un lot. Elles appartiennent indivisément à tous les copropriétaires. Le droit de jouissance privative est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché. Il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d’un lot ».

La loi est sans ambiguïté sur ce sujet. Un droit de jouissance privative sur une partie commune, ne confère pas au propriétaire du lot privatif auquel est attachée cette partie commune, un droit de propriété.

Le droit de jouissance privative sur une partie commune n’enlève pas pour autant à cette dernière, sa caractérisation de « partie commune », sur laquelle aucun copropriétaire de l’immeuble ne peut prétendre à un droit de propriété privatif et exclusif.

Il faut alors en tirer trois conclusions :

1. Le droit de jouissance privative sur une partie commune ne fait pas sortir cette dernière de la catégorie de « partie commune ».

2. Le droit de jouissance privative sur une partie commune est seulement l’accessoire du lot privatif, il n’en fait pas partie.

3. Aucun copropriétaire ne peut donc revendiquer un droit de propriété privatif et exclusif sur un droit de jouissance privative relatif à une partie commune.

Ainsi, sur une cour commune à jouissance exclusive ou encore sur un jardin partie commune à jouissance exclusive d’une copropriétaire, ce dernier ne peut y effectuer aucun travaux sans l’accord de la copropriété.

Le copropriétaire ne peut pas se comporter sur cette partie commune comme s’il était le propriétaire de cette partie commune à jouissance exclusive.

On trouve une illustration récente de cette règle dans un arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation, le 23 janvier 2020 [1].

Dans cette affaire, un couple de copropriétaires d’un lot privatif situé en rez-de-chaussée, jouissait d’un droit de jouissance exclusive sur une partie commune de l’immeuble et précisément sur un jardin. Il souhaitait y faire des travaux afin d’y construire un cabanon.

L’assemblée générale des copropriétaires a refusé de les autoriser à construire dans le jardin, un abri sur une dalle de béton. Les copropriétaires ont assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble, en annulation de cette décision de l’assemblée générale.

Ils ont obtenu gain de cause en appel, les conseillers de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence ont considéré que les copropriétaires avaient la jouissance exclusive de cette partie commune. De fait, ils pouvaient jouir de cette partie commune dans les conditions prévues pour les parties privatives, ce qui excluait d’avoir à demander à l’assemblée générale, l’autorisation d’y faire des travaux.

La Cour de Cassation a cassé l’arrêt d’appel aux motifs que :
« l’attribution d’un droit d’usage privatif sur une partie commune ne modifie pas le caractère de partie commune et que le copropriétaire qui veut effectuer des travaux sur les parties communes dont il a la jouissance privative, doit solliciter l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires ».

Les copropriétaires s’étaient réfugiés derrière leur propre interprétation des dispositions de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1965, lequel article prévoit que :
« sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé ».

Alors que la Cour de Cassation fonde son argumentation sur l’article 6-3 rappelant ainsi que les parties communes conférant un droit de jouissance privative, n’en demeurent pas moins des parties communes, sur lesquelles aucun copropriétaire ne peut se prévaloir d’un droit de propriété.

Cet arrêt de la Cour de la Cassation remet les pendules à l’heure et en profite pour rappeler aux copropriétaires, qu’aucun ne peut effectuer d’acte de propriété telle une emprise ou encore des travaux, sur une partie commune, sans l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires.

En effet, l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit expressément que les copropriétaires qui envisagent d’effectuer des travaux, affectant des parties communes de l’immeuble, doivent au préalable solliciter et obtenir l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, à la majorité absolue, c’est-à-dire, à la majorité des voix de tous les copropriétaires, présents, représentés et/ou absents.

Pauline DARMIGNY Avocat à la Cour https://darmigny-avocat.fr

[1Civ, 3ème 23 janvier 2020 ; n°18-24.676.

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