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Indemnité spécifique de rupture conventionnelle : attention un an pour agir ! Par Frédéric Chhum, Avocat et Claire Chardès, Juriste.
Parution : jeudi 13 février 2020
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Le 20 novembre 2019 (n° 18-10499) [1], les juges de la Haute Cour ont confirmé que l’action en paiement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle se prescrivait dans un délai d’un an à compter de la date d’homologation de la convention.

1) Faits et procédure.

Le 2 janvier 2014, Monsieur X. et son employeur signent une rupture conventionnelle. Le 3 mars 2014, le salarié saisit en référé le Conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir le paiement de l’indemnité spécifique de rupture de rupture conventionnelle.

L’ordonnance a été rendue le 21 mai 2014. Par suite, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes sur le fond, le 11 juin 2015.

La Cour d’appel de Metz lui oppose la prescription de l’action en paiement de cette indemnité, tirée de l’article L1234-14 du Code du travail.

2) Les arguments soulevés contre la prescription.

En effet, l’article précité prévoit l’application d’un délai d’un an dans lequel l’action doit être intentée. Le salarié tentait d’écarter la prescription d’un, au motif qu’il n’y avait pas de « litige concernant la convention, l’homologation ou le rejet du refus d’homologation au sens de l’article L1234-14 du même code ».

En effet, selon lui, son action « tendant à exiger le respect par l’employeur des obligations qu’il avait souscrites dans la convention quant au paiement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle » n’avait pas à être formée, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration du délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention.

En outre, le salarié se prévalait du délai prévu par l’article L1471-1, dans sa rédaction antérieure à la loi de ratification de 2018 [2]. Cet article disposait alors que toute action relative à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail se prescrivait par deux ans. A ce jour, toute action relative à la rupture doit être menée dans les 12 mois.

Enfin, Monsieur X. a tenté d’obtenir l’application de la prescription triennale instaurée par l’article L3245-1 du Code du travail [3].

Aucun de ces arguments n’a prospéré.

3) La solution retenue par la Cour de cassation.

Pour les juges de la Cour de cassation, le délai d’un an prévu par l’article L1237-14 du Code du travail est applicable en l’espèce. Ainsi, le Conseil de Prud’hommes aurait dû être saisi « avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention », l’ordonnance rendue en mai 2014 ayant mis fin à l’interruption de l’instance.

4) Pour mémoire, la rupture conventionnelle n’est pas une transaction.

A toutes fins utiles, et comme cet arrêt donne un exemple dans lequel une action prud’homale a été menée suite à la conclusion d’une rupture conventionnelle, il convient de rappeler que cette même signature, par le salarié, d’une telle rupture, ne vaut pas renonciation à agir en justice.

En effet, cette idée, très répandue, est fausse.

Outre le délai de rétractation qui lui est octroyé par le Code du travail et qui précède le délai d’homologation dont bénéficie la DIRECCTE, le salarié peut, faire valoir ses droits devant un Conseil de Prud’hommes.

En effet, il est possible de formuler des demandes relatives à l’exécution du contrat de travail, qu’il s’agisse de faits de harcèlement moral ou d’heures supplémentaires par exemple.

Néanmoins, la jurisprudence de la Cour de cassation est très restrictive lorsqu’il s’agit de la contestation de la rupture. La voie judiciaire sera ouverte dans des cas très limités, comme en cas de vice du consentement.

La réponse est bien évidemment différente lorsqu’une transaction a été signée en complément ; en effet, la transaction emporte un renoncement définitif à toute action devant la justice.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum