Village de la Justice www.village-justice.com

La beauté de l’avocat sauvera la Justice. Par Loïc Tertrais, Avocat.
Parution : dimanche 16 février 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/beaute-avocat-sauvera-justice,33799.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

« Nous étions des seigneurs, nous allons finir par passer pour de pauvres hères ». Cette parole dépitée d’un grand avocat parisien résume le grand écart social et démographique au sein du plus grand barreau de France (…) rapportait récemment une journaliste du Figaro [1].

Il ne faudrait pas en déduire que la grandeur de l’avocat est fonction de ses revenus. Sa beauté est autre. C’est elle qui sauvera la Justice.

La disparité des revenus entre avocats est une réalité. La question de la rentabilité de la profession est importante : c’est une des raisons de la grève contre la réforme des retraites. Mais le niveau de revenus ne fait pas l’avocat. Avocat fortuné, avocat plus modeste mais toujours avocat.

On peut étendre à l’avocat ce que dit Jacqueline Kelen à propos des héros : « Aimer les héros, se vouloir un héros, c’est en effet sortir de l’ordinaire, (…). Cela n’a rien à voir avec le rang social, avec une culture particulière, ni avec une « race élue », avec des ressources financières » [2].

Qu’est ce qui fait la grandeur de l’avocat ?

Prolongeons l’analogie avec le héros dont le portrait est brossé par Jacqueline Kelen : « Le héros est bien celui qui sort de l’ordinaire : qui sort de l’existence plus grand qu’il n’y est entré. C’est un témoin d’humanité ou encore un humaniste tel que le concevaient et l’illustraient les philosophes et les artistes qui ont fait la Renaissance : un être conscient de sa liberté et de sa dignité, capable de grandeur » [3].

En quoi l’avocat sort de l’ordinaire ? Quelle est la beauté de la profession ? Pour répondre à cette question, déclinons quelques élégances de l’avocat.

Fin juriste.
L’avocat est fin juriste. Il est fort de ses nombreuses années d’études, de ses spécialités, de sa formation continue et de son expérience professionnelle.

Chevaleresque.
L’avocat respecte une déontologie. Il jure d’exercer ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité dans le respect des principes de sa déontologie : honneur, loyauté, désintéressement, confraternité, délicatesse, modération, courtoisie, compétence, dévouement, diligence et prudence.

Ainsi, l’avocat ne se contente pas de dire le droit, il se donne à la justice, paré des valeurs de sa déontologie. L’avocat est donc un humaniste et non un humanitaire au sens où l’entend Jacqueline Kelen : « La voie de l’humanisme est de faire rayonner ce qu’on est, l’entreprise humanitaire cherche à donner ce que l’on a (en trop) : riz, argent, médicaments….Suivant l’ancien précepte qui dénie le gouvernement des autres à qui ne sait se gouverner soi-même, on peut se demander qui peut prétendre offrir autre chose que ce qu’il est : seul un homme d’harmonie peut répandre la paix, seul un philosophe joyeux peut proposer une pensée hédoniste, seul un individu sans masque peut parler de transparence, et seul un homme plein d’amour connait la vrais tolérance » [4].

Auxiliaire de justice.
L’avocat est auxiliaire de justice. C’est un professionnel de la pâte humaine. Son travail est de faire le lien entre un bout du monde réel, la situation de son client, et le juge qui aura à examiner son affaire. André Comte Sponville écrivait dans son petit traité des grandes vertus : « La justice n’existe pas, et n’est une valeur, même, qu’autant qu’il y a des justes pour la défendre » [5].

L’enjeu n’est pas de trouver des moyens techniques pour accélérer le traitement des dossiers. L’enjeu est humain. Il faut tout faire pour que le justiciable rencontre une femme ou un homme « juste », c’est-à-dire une personne formée à la Justice et qui la pratique : l’avocat.

Défenseur des libertés.
L’avocat est épris de liberté. François Sureau, est parrain d’une promotion d’ élèves avocats de l’école des avocats du grand ouest. En visite à l’école, il a rappelé aux étudiants « Vous ne réussirez pas ce métier sans un peu d’anarchie ! » ajoutant qu’ « il faut autoriser même l’inadmissible. Nous avons aujourd’hui un degré d’intolérance à l’expression d’opinion qui est insupportable." Il a « insisté sur le rôle de l’avocat, face aux dérives législatives, aux défaillances d’un Etat, tel un chevalier en robe noire dans la protection des libertés publiques. Une indépendance et un esprit critique qui engendre une solitude de la fonction » [6].

Un philosophe a écrit à juste titre qu’engendrer dans la beauté n’était pas une propriété spéciale des beaux-arts. [7]. Il y a une beauté de l’avocat. Cette beauté porte la justice.

On peut donc conclure cette chronique à la manière de Dostoïevski : Est-il vrai, Maître, que vous ayez dit une fois que la « beauté » de l’avocat sauvera la Justice ? Messieurs, s’écria fortement l’auxiliaire de justice à l’adresse de tous, je vous assure que la beauté de l’avocat sauvera la Justice ! [8].

Me Loïc TERTRAIS

[1Le Figaro 9 février 2020 - A Paris la crise du Barreau illustre tout le malaise des avocats - Paule Gonzalès.

[2Jacqueline Kelen - L’Eternel Masculin -Editions Robert Laffont.

[3Jacqueline Kelen - L’Eternel Masculin -Editions Robert Laffont.

[4Jacqueline Kelen - L’Eternel Masculin - Editions Robert Laffont.

[5André Comte Sponville - Petit traité des grandes vertus - Poche.

[6François Sureau - Intervention reprise dans - 7 jours les petites affiches de Bretagne - Janvier 2020.

[7Expression de Jacques Maritain - L’intuition créatrice dans l’art et dans la poésie.

[8« Est-il vrai, prince, que vous ayez dit une fois que la « beauté » sauvera le monde ? Messieurs, s’écria-t-il fortement à l’adresse de tous, le Prince assure que la beauté sauvera le monde » - Fiodor Dostoïevski - L’idiot.

Comentaires: