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Le ministère de la Justice a besoin d’ingénieurs pour relever les défis de sa transformation numérique.
Parution : samedi 22 février 2020
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Pour réussir sa transformation numérique, le ministère de la Justice doit relever des défis techniques sans commune mesure. L’intervention inédite d’ingénieurs auprès des professionnels du droit s’avère indispensable.
C’est que nous explique ici Arnaud Mazier, Directeur des systèmes d’information au ministère de la Justice.
Article paru dans la revue iimpact éco de décembre 2019.

Quels sont les principaux défis techniques à relever pour mener la transformation numérique de la justice ?

La justice est une administration au cœur du territoire. Un premier défi est donc de rendre le numérique accessible par le très haut débit dans plus de 1.000 sites en France, en ville mais aussi « à la campagne » pour de nombreux établissements pénitentiaires. L’ampleur est considérable dans des échelles de temps très courtes (18 mois environ). Nous tenons nos engagements.

Par rapport aux autres ministères, le ministère de la justice a également un retard à rattraper sur son parc d’outils numériques et informatiques. Par exemple, seulement 700 smartphones sécurisés sont déployés.

C’est un défi technique auquel s’ajoute des enjeux métiers d’une ampleur sans commune mesure. Ceci explique que nous menons 70 projets majeurs en parallèle. Le défi porte à la fois sur le maillage territorial, le volume de projets et la vitesse de réalisation.

On ne doit pas oublier le défi de la sécurité, par exemple, sur la couverture Wifi dont nous devons équiper tous nos établissements pour répondre au besoin de mobilité des acteurs du droit, tout en assurant un niveau de sûreté élevé.

“Cette transformation revêt
 un caractère passionnant pour des ingénieurs tels que les IIM.”

Le ministère ouvre son système d’information (SI) ce qui tranche strictement avec un passé où il n’y avait que très peu de téléservices. Il faut donc changer d’infrastructure pour tout à la fois exposer à l’extérieur nos systèmes d’information tout en protégeant des données de justice, par nature, extrêmement sensibles.

S’agissant de ces données, n’y a-t-il pas également des enjeux en termes de stockage et de valorisation ?


Comme je l’indiquais, le ministère, peu habitué au téléservice, ouvre aujourd’hui de plus en plus son SI à la société civile. Les registres tenus par le ministère de la justice sont donc de plus en plus sollicités. Or, nous sommes un ministère de la con- fiance, il y a donc effectivement un défi de stockage de données tant en volume qu’en durée dans le temps. En effet, la durée de vie opérationnelle de nos données peut être extrêmement longue quand on tra- vaille sur la matière judiciaire par exemple.

L’intelligence artificielle est également présente dans notre transformation. Sur
l’exploitation des données judiciaires, il y a par exemple le projet DATAJUST qui vise à compiler les données pour en déduire des tables de préjudices corporels pouvant éclairer les acteurs du droit dans l’établissement de futures indemnités. Le SSIC [1] porte d’autres chantiers d’intelligence artificielle au service des directions du ministère.

Enfin, pour terminer sur les défis de notre transformation numérique, il y a une marche à franchir en matière d’industrialisation des développements. C’est un challenge autant RH que financier pour le recrutement et le développement des compétences des personnels que sur les marchés publics.

Cette transformation revêt, par la diversité des défis à relever, un caractère passionnant pour des ingénieurs tels que les ingénieurs de l’industrie et des mines (IIM).

Parlons des partenariats avec les administrations et les utilisateurs, quels sont-ils exactement ?


Il y a bien entendu un travail étroit avec la DINUM, qui intervient auprès de nous dans son rôle d’animation et d’appui. Nous avons contribué à sa stratégie TECH.GOUV et nous souscrivons pleinement aux chantiers de simplification tel que le « Dites-le nous une fois » ou « France Connect ».

Nous participons également à des programmes inter- ministériels, par exemple VITAM sur l’archivage numérique porté par le ministère des armées, le mi- nistère des affaires étrangères et le ministère de la culture. Au travers de ces partenariats, le ministère de la Justice s’affirme encore plus dans son rôle d’utilisateur, de contributeur mais également d’acteur de la stratégie opérationnelle de l’Etat en matière de numérique.

En ce qui concerne le développement des applications métiers, les équipes projet collaborent bien entendu avec les directions métiers du ministère et les utilisateurs finaux. Prenons le projet PORTALIS, de refonte de la chaîne civile, nous travaillons main dans la main avec la direction des services judiciaires et la direction des affaires civiles et du Sceau. Ce travail vise à décrire les process métiers puis à porter les développements numériques en mode agile. Les développements sont ensuite testés et améliorés avec les utilisateurs. Enfin, nous travaillons étroitement avec le réseau des professionnels du droit et le tissu académique.

En matière de compétences, quels sont vos besoins ?

Le numérique implique des changements de process et d’organisation au sein du ministère qui nécessitent de recruter massivement de nouvelles compétences.

“Le numérique implique 
des changements de process 
et d’organisation au sein du ministère qui nécessitent de recruter massivement de nouvelles compétences.”

Il faut des compétences juridiques bien entendu, mais le ministère en dispose déjà. Il faut également des compétences techniques, et là, il est nécessaire de les internaliser. Les besoins sont importants en ingénieurs avec des profils généralistes ou plus ciblés, tels que des directeurs ou chef de projets, des auditeurs de projets, des data scientists, des techniciens, des spécialistes de la cyber- sécurité ou encore des acheteurs spécialisés dans le domaine numérique. Ce qui est nouveau, c’est l’intervention plus importante et étroite d’ingénieurs aux côtés de professionnels du droit, de la genèse d’un besoin à sa mise en place auprès de l’utilisateur final, jusqu’à l’appui apporté aux transformations publiques métier par la valorisation des données. En introduisant une certaine objectivité et leur culture de la quantification, ces profils d’ingénieurs bousculent la façon dont étaient vus les projets jusqu’alors au sein du ministère de la Justice.

Les nombreux recrutements font que le SSIC se compose d’agents venant de tous horizons. Ce mariage de cultures est intéressant et fonctionne même si objectivement c’est un défi culturel quotidien. Les échanges que nous avons avec les écoles, et en particulier, l’institut Mines-Télécom Lille-Douai, nous aident à trouver les profils dont nous avons besoin.

Enfin, avez-vous recours à la sous-traitance et comment s’organise-t-elle ?


Le ministère de la Justice sous-traite une part importante de son activité informatique et le fait depuis plusieurs années. Ce recours à la sous-traitance est important pour s’appuyer sur des compétences dont le ministère ne dispose pas en interne. Il faut cependant des compétences internes dédiées pour encadrer et suivre ces prestations. Il s’agit surtout d’internaliser des compétences clés dont le ministère a besoin. Ce sont celles que l’on souhaite en particulier trouver chez les ingénieurs de l’industrie et des mines, qui trouveront chez nous un véritable « terrain de jeu » de transformation à tous les égards.

Revue [iimpact éco->https://www.sniim.com/media/Communications%20SNIIM/iimpact%20%C3%A9co/PDF%20IMPACT%20ECO%20VFF.pdf] éditée par le Syndicat National des Ingénieurs de l'Industrie et des Mines (SNIIM)

[1Service des systèmes d’information et de communication