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Clause pénale et vente immobilière, un gage de loyauté dans la conduite des pourparlers. Par Emilie Cambournac, Avocat.
Parution : samedi 15 février 2020
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La clause pénale est celle par laquelle une personne, afin d’assurer l’exécution d’une convention et notamment de ses obligations, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution, et notamment dans la majorité des cas, à payer une somme d’argent.

On retrouve souvent ce type de clause dans les compromis de vente ou dans les promesses de vente.

Elles permettent au vendeur, en présence d’une ou plusieurs conditions suspensives, de s’assurer que l’acquéreur mettre tous ses efforts pour que la ou lesdites conditions se réalis(ent).

I. Clause pénale : sanction de l’inexécution.

Si le défaut de réalisation de l’une quelconque des conditions suspensives est imputable à l’acquéreur en raison notamment de la faute, la négligence, la mauvaise foi, ou un abus de droit de ce dernier, le vendeur pourra demander le bénéfice des dispositions de l’article 1304-3 du Code civil et faire déclarer la ou les conditions suspensives réalisées et ce, sans préjudice de l’attribution de dommages et intérêts.

Elles protègent également l’acquéreur d’un éventuel revirement du vendeur : si celui-ci décide de ne plus lui vendre le bien alors même que toutes les conditions suspensives ont été réalisées, il sera tenu de payer à l’acquéreur évincé le montant de la clause pénale.

Pour se délier de son engagement sans bourse délier, il arrive que l’une des parties à l’avant-contrat fasse en sorte que la ou les condition(s) suspensive ne se réalisent pas.

Que prévoit le législateur dans une telle situation ?

La réponse se trouve à l’article 1304-3 du Code civil qui dispose :

« La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement ».

Pour parler plus clairement, dans l’hypothèse d’une condition suspensive prévue dans l’intérêt de l’acheteur (comme par exemple la condition tendant à l’obtention d’un prêt), si celui-ci n’a pas mis toutes les chances de son côté pour qu’elle se réalise, le vendeur pourra le contraindre à signer l’acte authentique, par tous moyens.

Si l’acquéreur persiste dans son refus de réitérer la vente, le vendeur pourra prendre acte de ce refus et invoquer la résolution de plein droit du contrat aux torts de l’acquéreur. Dans cette dernière hypothèse, l’acquéreur sera redevable envers le vendeur du paiement de la clause pénale.

A l’acquéreur malicieux qui viendrait à répondre que la clause pénale est inapplicable du fait de la caducité du compromis de vente, le vendeur pourra se prévaloir de la Jurisprudence rendue en la matière selon laquelle les dispositions conventionnelles relatives à la clause pénale, dans l’hypothèse de la caducité d’un compromis de vente sous seing privé, survivent à celle-ci dès lors que sa seule cause réside spécialement dans l’hypothèse de la non réitération de l’acte et qu’elle a pour objet de sanctionner l’attitude fautive du cocontractant [1].

Cette solution est parfaitement logique dès lors que décider le contraire, priverait de tout effet ce type de clause.

Dans une affaire où un compromis de vente prévoyait une condition suspensive d’obtention d’un prêt, les acquéreurs avaient tenté de se délier de leur engagement en invoquant un refus de prêt.
Les vendeurs les avaient alors assignés en paiement de la clause pénale.

La Cour d’appel de Nancy a donné raison aux vendeurs et a condamné les acquéreurs au paiement de la clause pénale et ce, alors même que ces derniers avaient effectué des démarches pour l’obtention d’un prêt et qu’ils avaient informé l’agence immobilière du refus de la banque de leur octroyer un tel prêt.

La Cour a considéré que les acquéreurs ne justifiaient pas d’avoir entrepris des démarches suffisantes pour l’obtention du prêt : ils ne justifiaient que d’un seul refus de prêt et qui plus est, un refus opposé près d’un mois avant la date limite pour l’obtention du prêt qui était fixée dans le compromis.

Les acquéreurs, qui ne rapportaient pas la preuve d’avoir effectué d’autres démarches postérieurement à cet unique refus, ont non seulement dû s’acquitter du montant de la clause pénale au profit de leurs cocontractants mais également versé des dommages et intérêts à l’agence immobilière pour le préjudice subi du fait de la non réitération de la vente [2].

L’acquéreur doit donc justifier de ses démarches pour l’obtention du prêt.

Il doit avoir véritablement cherché à obtenir le crédit prévu.

Cela implique de devoir solliciter un crédit immobilier dont les caractéristiques sont conformes à ce qui est prévu par le contrat principal : ainsi, si le prêt sollicité ne correspond pas au taux indiqué dans la promesse, le vendeur pourra obtenir la condamnation de son cocontractant à lui verser la clause pénale [3].

La solution est sévère car il est fréquent pour un acquéreur de chercher à obtenir le taux d’emprunt le plus bas possible. Or, les taux mentionnés dans les promesses ne sont pas toujours aussi intéressants que ceux pratiqués par les établissements de crédit.

Pour mettre toutes les chances de vendre son bien de son côté, le vendeur aura tendance à vouloir imposer à l’acquéreur de souscrire un prêt au taux élevé : ainsi, plus le taux sera élevé, plus la banque sera plus encline à accorder le prêt.

Si cette solution est avantageuse pour le vendeur- si la banque accorde le prêt, la condition suspensive est réalisée et l’acquéreur ne peut plus renoncer à la vente, sauf à payer le montant de la clause pénale – elle l’est moins pour l’acquéreur qui va se retrouver avec un taux d’emprunt plus élevé que le taux qu’il aurait pu obtenir s’il n’était pas tenu par les termes du compromis.

Rien n’empêche le candidat acquéreur de rechercher des taux plus bas que ceux stipulés dans l’avant-contrat, mais c’est à ses risques et périls.

Si le prêt lui est refusé, l’acquéreur devra démontrer avoir respecté ses obligations contractuelles. A défaut, il devra payer la clause pénale pour s’être délié de son engagement.

Cela met en avant le soin et la vigilance qu’il faut apporter à la rédaction d’un avant-contrat.
Si le compromis ou la promesse ne précise pas que l’acquéreur devra faire plusieurs demandes de prêt, la Cour de cassation se satisfait d’une seule demande de prêt dès lors que celle-ci est conforme aux caractéristiques stipulées à la promesse (Cass. 3e civ., 8 déc. 1999, n° 98-10766).

II. Sur le montant de la clause pénale.

L’article en vigueur 1231-5 du Code civil précise que « lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre ».

L’article 1231-5 alinéa 2 du Code civil prévoit un tempérament à cette règle :

« Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ».

Alors que l’indemnité d’immobilisation, qui est une somme versée par l’acquéreur potentiel au vendeur afin de sécuriser l’opération immobilière et qui vient en compensation du préjudice de ce dernier en cas d’échec de la vente, a un caractère forfaitaire et qu’elle n’est, de ce fait, pas susceptible de réduction, la clause pénale, qui a davantage un caractère de sanction en cas d’inexécution, par l’une ou l’autre des parties, à ses engagements, laisse la possibilité au juge de la modérer dès lors qu’il est justifié de son caractère manifestement excessif.

Dans quelles circonstances peut avoir lieu une telle modération ?

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, une comparaison entre le préjudice effectivement subi et le montant de l’indemnité décidé initialement permet d’apprécier le caractère excessif ou dérisoire de la clause pénale.

Tel est le cas par exemple lorsque que l’immeuble a trouvé rapidement un acquéreur et pour un bon prix [4].

En fonction des circonstances, le juge peut fixer un montant différent de celui prévu par les parties lors de l’établissement du compromis de vente.

Il est le plus souvent fait référence aux usages lors de l’appréciation du caractère excessif ou non de clauses pénales insérées dans des compromis de ventes immobilières [5].

De nombreuses décisions jurisprudentielles précisent à cet égard qu’il est d’usage en matière de vente immobilière de stipuler une clause pénale s’élevant à 10 % du prix de vente [6].

A contrario, le caractère manifestement excessif de la clause sera retenu si son montant s’écarte de manière significative des usages [7].

La disproportion manifeste n’est donc plus seulement caractérisée au regard de l’étendue de l’inexécution et du préjudice subi par le créancier ; elle l’est aussi par référence à la norme extérieure que constitue l’usage.

En conclusion, la clause pénale qui est le plus souvent prévue dans les avant-contrats, est un gage de loyauté de la part de chacune des parties dans la conduite des pourparlers.

Maître Emilie Cambournac emilie.cambournac@avocat-cambournac.fr www.avocat-cambournac.fr

[1Cass. Com., 22 mars 2011, pourvoi n° 09-16.660

[2Cour d’appel, Nancy, 1re chambre civile, 14 Mai 2019 – n° 18/01033.

[3Cass. 3e civ., 20 nov. 2013, n° 12-29.021 et dans le même sens, Cass. 3e civ., 19 mai 1999, n° 97-14529

[4En ce sens : Cass. 3e civ., 30 janv. 2008, n°06-21145.

[5CA Lyon, 1er mars 2016, n° 15/00952 ; CA Besançon, 31 mai 2016, n° 14/02607.

[6CA Lyon, 30 mai 2017, n° 16/01112.

[7CA Angers, 7 avr. 2015, n° 13/00690 jugeant une clause de 15 % manifestement excessive au regard des usages et du montant résiduel de la facture.

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