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Obtenir la restitution d’un bien définitivement confisqué. Par Matthieu Hy, Avocat.
Parution : mercredi 19 février 2020
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Alors qu’une peine, notamment celle de confiscation, n’est plus censée pouvoir être remise en cause une fois qu’elle est définitive, c’est-à-dire une fois épuisés les délais et voies de recours, il est possible, dans certains cas, d’obtenir tout de même la restitution du bien confisqué.

La confiscation d’un bien ne fait pas obstacle à une requête en restitution d’un tiers à la procédure. En effet, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que l’autorité de la chose jugée de la décision prononçant la peine de confiscation ne lui est pas opposable [1].

Cette faculté a dû être ouverte au tiers en raison d’une défaillance textuelle dans la protection du tiers propriétaire.

Les dispositions relatives aux saisies pénales spéciales prévoient la notification de l’ordonnance de saisie tant aux propriétaires qu’aux tiers ayant des droits sur le bien [2], qui disposent donc d’une voie de recours.

En revanche, au stade du jugement, auquel la confiscation peut pourtant intervenir, aucune disposition du Code de procédure pénale ne prévoit que le propriétaire d’un bien saisi (ou le copropriétaire, le nu propriétaire ou l’usufruitier) soit convoqué pour faire valoir ses droits.
Ainsi, lorsqu’il n’est ni prévenu, ni partie civile, le propriétaire d’un bien saisi n’aura pas de visibilité sur l’étape la plus importante de la procédure puisqu’elle est celle qui peut aboutir au transfert de propriété à l’Etat. Il arrive donc que le propriétaire soit informé de la confiscation après qu’elle soit devenue définitive.

La Chambre criminelle a donc ouvert la voie de la requête en restitution sur le fondement de l’article 710 du Code de procédure pénale relatif aux incidents contentieux relatifs à l’exécution des sentences [3].
La juridiction qui a prononcé la peine de confiscation examinera la situation de ce tiers sous l’angle de l’article 131-21 du Code pénal qui assure la protection des tiers de bonne foi. Cette procédure d’origine prétorienne assure notamment le respect des obligations de la France au regard de l’article 1 du Protocole n°1 additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la protection du droit de propriété.

La Cour européenne des droits de l’homme a de nombreuses fois jugé qu’en dépit de l’absence d’exigences procédurales explicitement posées par ce texte, une procédure judiciaire doit « offrir à la personne concernée une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes afin de contester effectivement les mesures portant atteinte aux droits garantis par cette disposition » [4].

En outre, une ingérence dans le droit de propriété « ne peut avoir de légitimité en l’absence d’un débat contradictoire et respectueux du principe de l’égalité des armes » (idem).

La faculté d’utiliser la requête en difficulté d’exécution pour solliciter la restitution d’un bien définitivement confisqué a également été offerte à un accusé acquitté dont le bien avait fait l’objet d’une confiscation [5]. Ainsi, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a reconnu à une partie à la procédure la possibilité de remettre en cause une mesure de confiscation.

Enfin, il existe une dernière hypothèse dans laquelle l’autorité de la chose attachée à la décision ordonnant la confiscation ne fera pas échec à l’examen d’une demande de restitution. Elle correspond au cas où une victime ou un tiers intervenant à la procédure de première instance s’est vu refuser la restitution d’un bien tandis que le prévenu a été condamné à la peine de confiscation du même bien.

L’absence d’appel de ce dernier ne fera pas obstacle à l’examen de la demande de la victime ou du tiers par la Cour d’appel [6].

La chambre criminelle de la Cour de cassation a encore rappelé récemment que "le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d’appel de la part de la personne qui a formulé cette demande, sans que puisse lui être opposée l’autorité de la chose jugée de la décision ordonnant la confiscation" [7].

Matthieu Hy Avocat au Barreau de Paris www.matthieuhy.com [mail->contact@matthieuhy.com]

[1Crim., 20 mai 2015, n°14-81741.

[2Art.706-148, 706-150, 706-153, 706-154, 706-158 C.pr.prén.

[3Crim., 20 mai 2015, précité ; Crim., 20 mai 2015, n°14-81147.

[4Par exemple, Uzan et autres c/ Turquie, 5 mars 2019, n°19620/05, 41487/05, 17613/08 et 19316/08, §214.

[5Crim., 10 avril 2019, n°18-85370.

[6Crim., 26 janvier 2016, n°14-86030 ; Crim., 7 novembre 2018, n°17-87424.

[7Crim., 22 janvier 2020, n°19-80918.

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