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Le délit de non-représentation d’enfants. Par Avi Bitton, Avocat.
Parution : mardi 18 février 2020
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Qu’est-ce que le délit de non-représentation d’enfants ?
Quelles sont les sanctions encourues ?

Définition.

La non-représentation d’enfant est prévue par l’Article 227-5 du Code pénal comme étant « le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer ».

Cette infraction veut protéger l’exercice de l’autorité parentale ainsi que la stabilité de la situation familiale et affective de l’enfant.

Elle doit être distinguée de deux autres infractions voisines :
- l’absence de notification de changement de domicile [1] ;
- la soustraction de mineur [2].

Pour appréhender la non-représentation d’enfant, il est nécessaire d’en exposer les éléments constitutifs (I), avant d’étudier les modalités de répression (II).

I/ Les éléments constitutifs de l’infraction :

- La condition préalable.

La non-représentation d’enfant suppose l’existence d’une obligation de représentation d’un enfant résultant de la loi, d’une décision de justice exécutoire ou encore d’une convention homologuée [3].

- L’élément matériel.

Il est constitué soit :
- par le fait de ne pas remettre l’enfant au titulaire d’un droit. Il peut s’agir d’un droit de visite ou d’hébergement ;
- par le fait de ne pas ramener l’enfant chez le parent qui en a la garde ;
- par le fait d’empêcher l’autre parent d’exercer son droit par exemple en cachant l’enfant ou en inventant des prétextes.

Toutefois l’absence de représentation d’enfant est également caractérisée, lorsque le prévenu a méconnu les modalités de la représentation.

Par exemple, la chambre criminelle de la Cour de cassation a approuvé la condamnation d’une mère ayant refusé de remettre l’enfant à une tierce personne alors que la décision le prévoyait, la tierce personne agissant pour le compte du père [4].

- L’élément moral :

L’élément moral est intentionnel. Il s’agit donc de refuser délibérément de représenter l’enfant à la personne qui a le droit de le réclamer.

II/ La poursuite et la répression de l’infraction.

- La répression.

Ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. Les peines complémentaires de l’Article 227-29 sont également encourues.

- Les circonstances aggravantes.

L’Article 227-9 du Code pénal prévoit deux circonstances aggravantes :
Si l’enfant mineur est retenu au-delà de cinq jours sans que ceux qui ont le droit de réclamer qu’il leur soit représenté sachent où il se trouve ;
Si l’enfant mineur est retenu indûment hors du territoire de la République.

La peine encourue est alors portée à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende.

- Les modalités de poursuite.

La poursuite du délit n’est aucunement subordonnée à la plainte préalable du parent victime de la non-représentation. Le prévenu ne peut donc pas invoquer le désistement de cette dernière [5].

L’action publique se prescrit par six ans, à compter du moment où l’enfant a été représenté. Il s’agit donc d’une infraction continue qui ne cesse qu’avec la représentation de l’enfant [6].

L’infraction est réputée commise dans le lieu où l’enfant doit être représenté ou en cas de silence de la décision de justice sur ce point, au lieu du domicile de la personne à qui doit être remis l’enfant [7].

- Les faits justificatifs.

Le seul fait justificatif pouvant permettre à l’auteur d’échapper à la responsabilité pénale, est l’état de nécessité prévu à l’Article 122-7 du Code pénal.

En effet, les personnes poursuivies peuvent prétendre avoir voulu protéger l’enfant d’un danger. La jurisprudence reste sévère sur ce point, elle exige des preuves permettant de s’assurer que le danger est bien caractérisé [8].

Il est également courant que le prévenu justifie l’absence de représentation par le refus de l’enfant de voir son autre parent.

Or la Cour de cassation considère que la résistance de l’enfant de constitue « ni un fait justificatif ni une excuse légale à moins de circonstances exceptionnelles » [9].

Ces circonstances exceptionnelles ont par exemple été reconnues par les juges du fond dans le cas d’une mère ayant tout mis en œuvre pour rétablir les liens entre son fils âgé de 15 ans et son père. En dépit de ses efforts, l’adolescent refusait toujours de voir son père. [10].

Avi Bitton, Avocat, Ancien Membre du Conseil de l’Ordre Tél. : 01.46.47.68.42 Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Prévue par l’Article 227-6 du Code pénal.

[2Prévue par l’Article 227-7 du Code pénal.

[3Cass. crim., 4 janv. 1983, n°82-92.265.

[4Crim. 14 avr. 1999, Dr. pénal 2000, comm. no 14, obs. M. Véron.

[5Crim., 29 avr. 1976, Bull. crim. no 132.

[6Crim., 23 février 2000, n° 99-84739 Bull. crim n° 83.

[7Cass. crim., 24 juin 1992 n° 91-81.264 ; Cass. crim., 14 avril 1999, n°98-82.853.

[8Cass. crim., 3 septembre 1994, n° 94-85.046.

[9Crim., 13 avr. 1988, no 87-80.712.

[10Toulouse, 3e ch. corr., 8 sept. 2003 : JCP 2004. IV. 1669.

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