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La dignité du patient en psychiatrie hospitalisé sans consentement. Par François Jacquot, Avocat.
Parution : lundi 24 février 2020
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Cet article a pour vocation d’informer le grand public et non de disserter de manière savante sur le concept de dignité appliqué aux patients hospitalisés sans consentement.

La dignité a plusieurs définitions courantes et aucune véritable définition juridique.

Dans son sens ordinaire le plus large, le mot signifie « le Respect que mérite quelqu’un ou quelque chose ». Le dictionnaire évoque plus précisément « le prestige inaliénable dont jouit une personne en raison de son comportement, ou qui sont attachés à une chose, et qui leur valent considération et respect ou y donnent droit », illustrant cette définition avec l’exemple de « La dignité de la personne humaine » [1].

L’étymologie latine provient de « dignitas », « decere » : « convenir, être convenable ». L’origine grecque du mot dignité est axios : « ce qui est convenable, ce qui vaut, ce qui mérite ».

Avant les atrocités de la seconde guerre mondiale, le droit n’évoquait que très peu la dignité humaine. Mais la conscience collective a été bouleversée par les crimes nazis au point de devoir rappeler dans des textes juridiques ce qui, pourtant, relève de l’évidence depuis que l’Homme est Homme.

Ainsi, sur un plan international, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (ONU, 1948) semble être le premier texte, certes non contraignant, à proclamer cette valeur dès les premières lignes de son préambule :

« Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.
Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme.
Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression
 ».

En conséquence, la Déclaration Universelle prévoit que le premier des droits de l’Homme est que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques adopté le 16 décembre 1966 (entré en vigueur le 23 mars 1976), dont le respect s’impose en France en raison de son caractère obligatoire, apporte des précisions cruciales dans son préambule. Ce dernier prévoit que « conformément aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde », en ajoutant que «  ces droits découlent de la dignité inhérente à la personne humaine  ».

Au plan du droit communautaire, le préambule de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, signée lors du Conseil européen de Nice le 7 décembre 2000(12) dispose que « consciente de son patrimoine spirituel et moral, l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l’Etat de droit ». Le Chapitre I de la Charte est ainsi consacré à la dignité. De son côté, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que le « droit fondamental à la dignité humaine et à l’intégrité de la personne » est un principe général du droit communautaire dont le respect est, à ce titre, une condition de légalité des actes communautaires ». [2]

La dignité humaine est donc au centre de tout le droit international.

Par ailleurs, même si en droit constitutionnel français elle ne figure dans aucun texte, le Conseil Constitutionnel l’a déduite du Préambule de la Constitution de 1946 qui « réaffirme que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. La sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation  » et considère qu’elle « constitue un principe à valeur constitutionnelle ».

Pour résumer, la dignité humaine est le respect dû à toute personne appartenant au genre humain, et qui, de ce fait, lui confère une protection juridique spéciale à travers des droits fondamentaux. Dans le lexique juridique, elle est définie comme la « valeur infinie de la personne humaine qui commande de la traiter toujours d’abord comme une fin et jamais comme un simple moyen. C’est l’attribut fondamental de la personnalité humaine qui la fonde à la fois comme sujet moral et sujet de droit ».

Ainsi, parce que l’Homme est Homme et non objet ou animal, il jouit d’une considération, d’un respect et d’une protection juridique qui sont sans équivalents. Certes, les autres formes de vie méritent également considération et jouissent d’une certaine protection juridique ; mais seul l’être humain, en raison de sa primauté sur toute autre forme de vie, bénéficie d’une absolue protection de sa dignité.

Nous n’entrerons pas plus dans les détails du droit français au sujet du principe de la dignité qui recouvre de nombreuses applications car nous allons nous attacher à exposer l’application de ce principe en droit médical, dans le cas des patients en psychiatrie hospitalisés sans consentement.

Plan de l’article :
§I- Dignité et protection de l’intégrité physique et psychique du patient
§II- Le consentement au traitement psychiatrique

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La dignité du patient en psychiatrie hospitalisé sans consentement. Par François Jacquot, Avocat.
François Jacquot Avocat à Paris

[2CJCE 9 oct. 2001, Pays-Bas c/ Parlement et Conseil, aff. C-377/98, Rec. CJCE 2001, p. I-7079 ; D. 2002. 2925. V. aussi, CJCE 14 oct. 2004, Omega Spielhallen-und Automatenaufstellungs-GmbH c/ Oberbürgermeisterin der Bundesstadt Bonn, aff. C-36/02, AJDA 2005. 152, note Von Walter, Dr. adm., janv. 2005, n° 11, note Cassia.