Village de la Justice www.village-justice.com

Les causes de nullité de la rupture conventionnelle. Par Arthur Tourtet, Avocat.
Parution : lundi 24 février 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/les-causes-nullite-rupture-conventionnelle,33887.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La rupture conventionnelle est un moyen de sortir rapidement d’une relation de travail compliquée avec un minimum de droits, notamment celui de pouvoir bénéficier facilement d’une indemnisation de la part de Pôle Emploi.

Plus avantageuse que la démission, ce mode de rupture du contrat a gagné en popularité.

Toutefois, vous pouvez regretter la signature d’une rupture conventionnelle qui ne vous permet pas de partir de l’entreprise la tête haute.

Est-il possible d’agir en justice afin de remettre en cause une rupture conventionnelle ?

1. Avant d’agir en justice, vérifiez si vous pouvez encore vous rétracter.

Au préalable, si vous venez à peine de signer une rupture conventionnelle, sachez que vous bénéficiez d’un délai de rétractation.

Ce délai est de quinze jours calendaires à compter de la signature [1].

Le décompte commence dès le lendemain de la signature de la rupture Direction des Entreprises,de la Concurrence,de la Consommation,du Travail et de l’Emploi conventionnelle et se termine au dernier jour à 24 heures.

Le formalisme de la rétractation est simple. Vous devez envoyer une lettre par un moyen de nature à démontrer la date à laquelle l’employeur a reçu votre rétractation.

Par mesure de précaution, mieux vaut recourir à une lettre recommandée avec accusé de réception. Une lettre remise en main propre peut également faire l’affaire, à condition de prévoir une décharge attestant qu’elle a effectivement été réceptionnée.

2. L’action en nullité de la rupture conventionnelle.

Si votre délai de rétractation est expiré, la rupture conventionnelle deviendra effective après son homologation par la DIRECCTE [2], homologation obtenue soit par décision explicite, soit en l’absence de décision de refus après l’écoulement d’un délai de 15 jours ouvrables après réception de la rupture conventionnelle.

Dans ce cas, la seule solution qui s’offrira à vous sera de saisir le Conseil des prud’hommes afin d’obtenir la nullité de la rupture conventionnelle.

Sur ce point, vous disposez d’un délai de 12 mois à compter de l’homologation pour agir en justice [3]. Passé ce délai, toute action en nullité serait irrecevable.

Deux types d’arguments peuvent vous permettre d’obtenir la nullité de la rupture conventionnelle : l’absence de libre consentement et le non-respect de la procédure applicable à ce mode de rupture du contrat de travail.

Sur la liberté du consentement, l’Article L1237-11 du Code du travail précise que la rupture conventionnelle ne peut être imposée à l’une ou l’autre des parties.

La rupture conventionnelle reste un acte contractuel comme un autre et ne doit pas souffrir d’un vice de consentement.

L’Article 1130 du Code civil s’applique pleinement, lequel dispose que :
« L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné »
.

La validité de la rupture conventionnelle pourra donc être remise en cause lorsque la signature du salarié aura été obtenue par des menaces, des intimidations ou des mensonges.

L’exemple que racontent certains salariés reste celui la rupture conventionnelle proposée avec la menace d’un licenciement disciplinaire sans indemnités ni chômage en cas de refus (ce qui n’est juridiquement pas possible au passage, car tous les licenciements donnent le droit à une indemnité compensatrice de congés-payés et à des indemnités Pôle Emploi).

La nullité de la rupture conventionnelle a pu être accordée dans les cas suivants :
- Signature obtenue par la promesse de versement d’une contrepartie financière à la clause de non-concurrence que l’employeur n’a finalement pas accordé une fois la rupture conventionnelle devenue définitive [4] ;
- Signature de la rupture conventionnelle alors qu’une procédure de licenciement avait été engagée quelques semaines auparavant, qu’une sanction avait été infligée et que l’entretien pour convenir de la rupture conventionnelle avait duré 15 minutes sans aucun échange [5] ;
- Signature d’une rupture conventionnelle obtenue sous la menace de ternir le parcours professionnel de la salariée et d’un licenciement [6] ;
- Signature de la rupture conventionnelle alors que les facultés mentales du salarié étaient altérées [7].

Il existe également des possibilités d’obtenir la nullité de la rupture conventionnelle pour un vice de forme.

En effet, la rupture conventionnelle fait l’objet d’une procédure obligatoire qui vise à protéger les salariés d’une décision précipitée ou obtenue sous la pression.

Un entretien préalable pour convenir de la rupture conventionnelle doit avoir lieu, entretien durant lequel le salarié a la faculté d’être assisté.

Une convention de rupture en double exemplaire doit être signée et fixer la date de la rupture du contrat, date qui ne peut pas être antérieure au lendemain de l’homologation.

La convention doit également prévoir une indemnité de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement (ou l’indemnité conventionnelle si cette dernière est supérieure).

Comme cela a déjà été évoqué, le salarié bénéficie d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires et la rupture conventionnelle doit être homologuée par DIRECCTE.

Les irrégularités suivantes ont déjà entraînée la nullité de la rupture conventionnelle :
- L’employeur n’avait pas remis un exemplaire de la rupture conventionnelle au salarié [8] ;
- L’exemplaire de la convention remis au salarié ne comportait pas la signature de l’employeur [9] ;
- La rupture conventionnelle ne comportait pas la date de signature [10] ;
- L’employeur ne rapportait pas la preuve de l’existence d’un entretien préalable à la rupture conventionnelle [11].

Si l’indemnité de rupture est inférieure au minimum légal, les juges ne peuvent annuler la rupture conventionnelle. En revanche, ils peuvent accorder le solde de l’indemnité que le salarié aurait dû percevoir [12].

En cas de nullité de la rupture conventionnelle, cette dernière produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse [13].

Attention, en cas de nullité, bien que le salarié puisse demander les indemnités classiquement dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il devra cependant restituer les sommes perçues au titre de la rupture conventionnelle.

Arthur Tourtet Avocat au Barreau du Val d\'Oise

[1C. trav., art. L1237-13.

[2Direction des Entreprises,de la Concurrence,de la Consommation,du Travail et de l’Emploi.

[3C. trav., art. L1237-14.

[4Cass. soc., 9 juin 2015, n° 14-10.192.

[5Cass. soc., 12 février 2014, n° 12-29.208.

[6Cass. soc., 23 mai 2013, 12-13.865.

[7Cass. soc., 16 mai 2018, n° 16-25.852.

[8Cass. soc. 6 fev. 2013 n° 11-27.000.

[9Cass. soc., 3 juillet 2019, n° 17-14.232.

[10Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-23.586.

[11Cass. soc., 1er décembre 2016, n° 15-21.609.

[12Cass. soc. 8 juillet 2015 n° 14-10.139.

[13Cass soc., 30 mai 2018, n° 16-15.273.

Comentaires: