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Municipales 2020 : Foire aux questions sur les élections municipales et la campagne municipale (Deuxième Partie). Par Laurent Bidault, Avocat.
Parution : mardi 25 février 2020
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Les 15 et 22 mars 2020 auront lieu les élections municipales. Ces élections et surtout la campagne - qui débute officiellement le 2 mars à minuit - soulèvent toujours beaucoup de questions tant pour les candidats que pour les électeurs, citoyens voire opposants politiques.
Peut-on distribuer des tracts la veille du scrutin ? Peut-on acheter des mots-clés sur internet ? Un candidat peut-il acheter des "likes" ? Un élu sortant peut-il utiliser son véhicule de fonction pour faire campagne ? Est-ce que je peux répondre à un tract après la fin de la campagne ?

Deuxième série (non exhaustive) [Voir la 1ère partie de cet article ici.] de questions sur le déroulement de la campagne et les moyens de propagande électorale .

1) Peut-on coller des affiches sur les panneaux d’affichage libre ?

Oui.

Depuis le 1er septembre 2019, il est interdit de procéder à des affichages en dehors des emplacements réservés pour chaque candidat ou, le cas échéant, sur les panneaux d’affichage libre [1].

Le collage d’affiches d’un candidat sur les panneaux d’affichage libre ou sur les panneaux d’expression libre est autorisé, contrairement au collage "sauvage".

Bien évidemment, il est également interdit pour un candidat de coller des affiches sur l’emplacement réservé à un autre candidat.

Dans un tel cas, le candidat peut se voir condamner au paiement d’une amende d’un montant de 9.000 euros et se voir ordonner sous astreinte d’enlever l’affichage irrégulier en cause [2].

Enfin, si l’affichage irrégulier a eu une influence déterminante sur le vote (affichage massif, faible écart de voix…), le juge peut prononcer l’annulation du scrutin [3].

2) Le maire peut-il interdire les affichages sur les panneaux d’affichage libre ?

Oui.

Depuis le 1er septembre 2019, il est interdit de coller des affiches électorales en dehors des emplacements prévus par le code électoral, c’est à dire les panneaux électoraux et les panneaux d’affichage libre [4].

Lorsqu’il existe un règlement local de publicité, le maire peut donc ordonner au candidat de remettre en état les panneaux ; ou, en l’absence d’un tel règlement, saisir le Préfet pour qu’il prenne une telle mesure [5].

3) Un candidat peut-il coller des affiches différentes sur les panneaux d’affichage ?

Oui.

Un candidat peut coller des affiches différentes sur les panneaux d’affichage.

En effet, aucune disposition du Code électoral ne s’y oppose [6].

4) Un candidat peut-il coller des affiches le jour du scrutin ?

Oui, mais…

Un candidat peut coller des affiches le jour du scrutin, mais à condition que ce soit pour entretenir les panneaux sur lesquels ses affiches auraient, par exemple, été dégradées ou arrachées.

5) Un candidat peut-il faire de la publicité électorale dans la presse ou à la télévision ?

Non.

Depuis le 1er septembre 2019, les candidats ne peuvent plus faire de publicité électorale dans la presse [7].

Par exemple, est contraire aux règles électorales, la publication de plusieurs articles qui vantaient les réalisations de la municipalité sortante et qui appelaient à ce qu’elle soit réélue [8].

Il en va de même de la publication trois jours avant le scrutin, par un candidat, d’un encart publicitaire appelant à sa réélection et attaquant son adversaire [9].

6) Un quotidien régional peut-il soutenir un candidat ?

Oui.

Au nom de la liberté de la presse, la presse écrite est libre de rendre compte comme elle l’entend de la campagne électorale.

Par exemple, rien n’interdit un quotidien régional à soutenir un candidat. Un tel soutien ne constitue pas une irrégularité [10].

7) Le candidat est-il responsable du contenu de son site internet, de sa page Facebook ou de son compte twitter ?

Oui.

Le candidat est généralement considéré comme le directeur de la publication de son site Internet, de sa page Facebook ou de son compte Twitter. Aussi, il peut être considéré comme responsable des messages injurieux ou diffamatoires qui seraient publiés sur son site ou ses pages.

Il est donc important que le candidat procède à la modération des messages qui y sont publiés (quel que soit leur auteur).

8) Peut-on diffuser des messages sur internet (Réseaux sociaux, Facebook, Twitter,…) appelant à voter pour un candidat la veille du scrutin ?

Non, mais…

En principe, à partir de la veille du scrutin, il est interdit de diffuser, même par voie électronique (internet, réseaux sociaux…) un message à caractère de propagande électorale [11].

Surtout, un candidat ne peut porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment où ses adversaires n’ont plus la possibilité d’y répondre avant la fin de la campagne [12].

Le juge a néanmoins pu considérer que la diffusion de messages de soutien à une liste via Twitter la veille du scrutin, n’était pas de nature à altérer la sincérité du scrutin, compte tenu de l’écart de voix séparant les listes [13].

Dans ce cas, un candidat peut donc a priori diffuser des messages sans élément nouveau de polémique électorale.

9) Un candidat doit-il effacer ses messages sur son site internet ou sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) la veille du scrutin ?

Non.

La seule obligation qui s’impose au candidat est de ne pas diffuser, à partir de la veille du scrutin, des messages à caractère de propagande électorale, même sur les réseaux sociaux [14].

De même, rien n’oblige un candidat à effacer (ou à bloquer) le contenu de son site internet, celui-ci ne doit en revanche pas faire de modifications assimilables à la diffusion de nouveaux messages [15].

10) Un candidat peut-il faire de la publicité sur internet ?

Non.

Toutes les formes de publicité (bandeaux et bannières publicitaires, liens commerciaux ou sponsorisés, référencement commercial, ou de l’achat de mots clefs) sont interdites [16].

Cependant, le Conseil constitutionnel a pu considérer que la brièveté de la diffusion d’un lien de référencement commercial et l’absence de connexions via ce lien, n’avaient pas pu altérer la sincérité du scrutin [17].

11) Un candidat peut-il utiliser le nom de la commune pour son site internet ou sa page Facebook ?

Non.

Un candidat ne peut pas utiliser le nom d’une commune ou, plus généralement, d’une collectivité territoriale, de la République française, d’une institution ou encore d’un service public national ou local, sauf accord de sa part [18] ; [19].

12) Le maire sortant, candidat à sa réélection, peut-il utiliser la page Facebook de la mairie à des fins électorales ?

Non.

Dans une affaire, un maire avait utilisé la page publique Facebook du nom de la commune, page qui mélangeait à la fois des informations institutionnelles (avec un ton proche de celui du bulletin municipal) et de propagande électorale. De plus, la page Facebook interagissait avec le site officiel de la commune.

Le Conseil d’Etat a considéré qu’une telle manœuvre était de nature à créer une confusion dans l’esprit des électeurs, et ce compte tenu du faible écart de voix entre les candidats [20].

13) Un candidat peut-il acheter des mots clés sur un moteur de recherche (Google…) ?

Non.

Le référencement commercial ou l’achat de mots clés sur internet (Google Ads, par exemple) est interdit [21].

Par exemple, le juge administratif a considéré que le référencement commercial d’un candidat était un procédé prohibé qui est de nature à fausser les résultats du scrutin et peut conduire à l’annulation de l’élection, compte tenu du faible écart de voix [22].

14) Un candidat peut-il acheter des followers, des abonnés ou des likes ?

Non.

Il s’agit d’une forme de publicité commerciale interdite [23] ; [24].

15) Un candidat peut-il utiliser les listes électorales ?

Oui.

Tout candidat (comme tout électeur ou parti politique) peut avoir communication ou copie de la liste électorale [25].

La liste doit donc être accessible à tous, dans les mêmes conditions.

En cas de refus de communication de la part de la mairie, il est possible de saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) [26].

16) Un candidat peut-il constituer un fichier ou une base de données des électeurs ?

Oui, mais…

Un candidat peut constituer un fichier ou une base de données avec les coordonnées des électeurs ou de ses soutiens.
Cependant, conformément au règlement général sur la protection des données (RGPD), les électeurs figurant dans le fichier doivent avoir donné leur accord préalable pour y figurer et avoir consenti à l’utilisation de leurs coordonnées.
De plus, si le fichier a pour seule finalité la campagne électorale, le fichier et l’ensemble des données devront être supprimés à l’issue de la campagne.
La CNIL a d’ailleurs réalisé un dossier concernant l’utilisation des données personnelles en campagne électorale [27].

17) Peut-on répondre à un tract diffusé la veille de l’élection ?

Le juge n’a pas annulé le résultat d’une élection même si un tract avait été diffusé tardivement la veille de l’élection, dans la mesure où le tract répondait à un tract diffusé la veille de l’élection et qu’il n’introduisait aucun élément nouveau (même si les propos contenus dans le tract étaient vifs) : ce tract n’est pas de nature à altérer la sincérité du scrutin, compte tenu de l’écart de voix important entre les listes [28].

18) Peut-on mentionner sur ses affiches et bulletins de vote un parti politique dont on n’a pas eu l’investiture ?

Non.

Faire figurer sur ses affiches et ses bulletins de vote la mention d’un parti politique dont le candidat n’a pas reçu l’investiture, est de nature à induire les électeurs en erreur sur la nature des investitures nationales accordées à un candidat et à altérer la sincérité du scrutin.

Par exemple, le Conseil d’Etat a annulé le résultat d’une élection en raison du fait qu’un candidat avait indiqué sur ses affiches et bulletins de vote la mention "UMP - UDI - MoDem" en caractères de grande taille, à la suite de la mention, écrite en petits caractères : "Soutenue par le groupe municipal d’opposition", ce qui a été de nature à faire croire aux électeurs que cette liste bénéficiait de l’investiture de l’UMP et du MoDem, alors que le soutien de ces partis avait été accordé à une autre liste [29].

19) Le maire sortant peut-il utiliser l’image d’un promoteur immobilier ou d’une entreprise de la ville ?

Non.

L’utilisation de l’image d’un promoteur immobilier (plan, schéma, illustration…) ou d’une entreprise située sur le territoire de la ville pourrait constituer une forme de don prohibé.

En effet, une personne morale (à l’exception des partis ou groupements politiques) ne peut participer au financement d’une campagne électorale d’un candidat et particulièrement lui accorder un don, et cela peu importe sa forme [30].

20) Un candidat peut-il utiliser une photo prise par la commune ?

Oui, mais…

Un candidat peut utiliser des photographies prises par la commune, mais à la condition que cette utilisation se fasse en contrepartie du versement d’un prix reflétant le coût de ces photographies [31] ; [32].

Laurent Bidault Avocat au Barreau de Paris Novlaw Avocats www.novlaw.fr

[3Pour une illustration contraire : CE, 24 janvier 1994, n° 138173

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