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Publicité : 7 restrictions introduites par la Loi économie circulaire. Par Elisabeth Gelot, Avocate.
Parution : mardi 25 février 2020
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Parce que la publicité incite à la surconsommation, et que ses supports génèrent de nombreux déchets, la Loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire, parue au journal officiel du 11 février 2020, a introduit 7 nouvelles obligations et interdictions, qui doivent réduire l’impact environnemental de ce secteur.

Bien qu’on aurait pu espérer des évolutions plus radicales (et surtout plus rapides) au vu de l’urgence climatique, les 7 nouvelles mesures qui sont présentées dans cet article ont néanmoins l’avantage de désormais exister.

1 - Ce qui change dès aujourd’hui : les messages transmis par la publicité.

1.1 L’interdiction de la publicité agressive hors période de soldes.

Désormais, une publicité qui donne l’impression que le consommateur bénéficie d’une réduction de prix comparable à celle des soldes, par le biais d’opérations de promotion coordonnées à l’échelle nationale, est présumée être une pratique commerciale trompeuse [1].

Ce nouvel alinéa vise explicitement à endiguer les opérations publicitaires de type Black Friday.

En effet, celles-ci reposent sur une communication trompeuse en direction des consommateurs, laissant supposer qu’ils bénéficient de réductions de prix considérables, alors qu’une étude de comparaison de prix réalisée par l’UFC-Que Choisir prouve que la moyenne des réductions effectivement pratiquées est inférieure à 2% [2].

Concrètement, les sanctions sont les suivantes [3] : un emprisonnement de deux ans et une amende de 300.000 euros (et 1.500.000 euros pour les entreprises).

Le montant de l’amende peut en outre être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité.

Signalons néanmoins dès à présent que l’application et l’interprétation de cette disposition risque de poser de nombreuses questions dans la pratique.

1.2 L’interdiction de l’obsolescence marketing.

Le Code de l’environnement prévoit désormais que toute publicité ou action de communication commerciale visant à promouvoir la mise au rebut de produits doit contenir une information incitant à la réutilisation ou au recyclage [4].

La loi interdit également toute publicité ou action de communication commerciale incitant à dégrader des produits en état normal de fonctionnement et à empêcher leur réemploi ou réutilisation.

Si le motif de cette disposition est clair (la lutte contre l’obsolescence marketing) [5], son application pose néanmoins de nombreuses questions.

D’après le Rapport de la Commission du développement durable de l’Assemblée [6], il vise les publicités qui incitent explicitement les consommateurs à mettre au rebut des produits, ce qui concrètement reste relativement rare.

Signalons également qu’aucune sanction n’est prévue.

2. Ce qui va changer à compter de 2021 : les méthodes de distribution des publicités.

2.1 L’introduction de sanctions en cas de violation du Stop Pub.

A compter du 1er janvier 2021, le fait de ne pas respecter les autocollants « Stop Pub » ou toute autre mention faisant état du refus de recevoir des publicités sera puni d’une amende de 1.500 euros pour les personnes physiques et 7.500 euros pour les personnes morales [7].

A noter qu’il avait également été envisagé de remplacer le « Stop Pub » par un nouveau dispositif, « Pub Acceptée », mais le maintien du dispositif classique a néanmoins été retenu à l’issue des débats.

2.2 La fin des campagnes publicitaires sur les pare-brises.

A compter du 1er janvier 2021, le dépôt d’imprimés publicitaires à visée commerciale sur les véhicules est interdit [8].

La violation de cette interdiction sera punie d’une amende de 1.500 euros pour les personnes physiques et 7.500 euros pour les personnes morales.

3. Ce qui changera en 2022 et 2023 : les supports utilisés pour la publicité.

3.1 L’interdiction d’expédier de la publicité avec un emballage plastique.

A compter du 1er janvier 2022, il sera interdit d’expédier de la publicité avec un emballage plastique [9].

3.2 L’obligation d’imprimer les prospectus et catalogues sur du papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement.

Cette disposition n’est applicable qu’à compter du 1er janvier 2023 [10].

A ce titre, l’intérêt de cette obligation risque d’être relative dans la pratique, puisque d’ici 2023, la majorité des grandes enseignes auront en effet arrêté la distribution d’imprimés. Plusieurs ont déjà mis fin à ces pratiques, pour des raisons environnementales, mais surtout parce que la publicité digitale est plus ciblée et donc plus efficace.

On peut également regretter que seuls les prospectus publicitaire et catalogues visant à faire de la promotion commerciale à l’attention des consommateurs soient concernés par la loi. La publicité B to B échappe donc à cette obligation.

A noter que la méconnaissance de cette obligation sera punie d’une amende de 1.500 euros pour les personnes physiques et 7.500 euros pour les personnes morales.

3.3 L’interdiction des huiles minérales pour les prospectus et catalogues publicitaires.

A compter du 1er janvier 2023, il sera interdit d’utiliser des huiles minérales pour les lettres de prospectus publicitaires et de catalogues non sollicités visant à faire de la promotion commerciale [11].

Un décret viendra préciser les conditions d’application de cette interdiction.

En conclusion - La publicité numérique, grande absente de la Loi économie circulaire

Les chiffres parlent d’eux-mêmes, les supports physiques de publicité sont en baisse, tandis que la publicité numérique progresse à vitesse grand V [12].

D’ici 2021, la publicité en ligne dépassera largement les autres supports. Et c’est pourtant seulement à ce moment-là que la plupart des mesures pour limiter l’impact des supports papiers entreront en vigueur !

Il aurait donc manifestement fallu prévoir des échéances plus courtes pour limiter l’impact des imprimés, et envisager l’impact environnemental de la publicité numérique.

Mais ce dernier sujet n’est finalement évoqué ni de près, ni de loin, par la loi relative à l’économie circulaire…

Elisabeth GELOT Avocate en droit de l'environnement

[3Article L132-2 et suivants du Code de la consommation.

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