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Analyse d’un avis de mise en recouvrement : « Dieu est dans les détails ». Par Rodolphe Mossé, Avocat et Laura Jaricot, Fiscaliste.
Parution : jeudi 27 février 2020
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En matière de contentieux, il ne faut jamais omettre de vérifier toutes les pistes d’un éventuel vice de procédure, y compris dans le corps d’un Avis de Mise en Recouvrement (AMR).

Ce n’est ici pas le diable qui se cache dans les détails, mais plutôt Dieu, dans la mesure où l’issue d’un contrôle fiscal peut s’avérer favorable aux contribuables s’ils s’attachent à analyser scrupuleusement les détails de chaque mention devant figurer dans l’avis de mise en recouvrement (AMR) qu’ils ont reçu.

L’AMR est le dernier acte de la procédure de redressement, et concomitamment le premier acte de la procédure de recouvrement.

Il clôture le contrôle fiscal dont le contribuable a fait l’objet et amorce la phase du recouvrement de l’impôt qui a été précédemment rehaussé.

L’AMR est un titre exécutoire et pour être valable et régulier, il doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires, notamment :
- Identification du débiteur destinataire de l’AMR ;
- Nature et montant de l’impôt concerné ;
- Référence aux documents d’informations antérieurement notifiés au contribuable ;
- Indication des effets de la notification de l’avis ;
- Formule exécutoire ;
- Mention des délais et voies de recours.

Il est vrai que la tendance jurisprudentielle actuelle est à la « meyerisation » de tous les pans de la procédure fiscale [1].

En application de cette Jurisprudence, si le vice de forme affectant l’AMR n’a pas privé le contribuable de la possibilité de contester utilement les montants mis en recouvrement (i.e. ne l’a pas privé d’une garantie), la procédure n’est pas entachée d’irrégularité car l’irrégularité est qualifiée de non-substantielle.

Autrement dit, une simple « erreur de plume » sans conséquence pour le contribuable.

Dans ce cas, même en l’absence d’une mention obligatoire, l’AMR ne sera pas considéré comme irrégulier [2].

En effet, la Jurisprudence s’attache au fait que le débiteur ne doit pas pouvoir se méprendre sur la cause et l’objet du paiement qui lui est réclamé par l’Administration fiscale.

Le Conseil d’Etat a ainsi pu juger que le fait que l’Administration fiscale ait indiqué, dans un AMR, que les sommes mises en recouvrement portaient sur la taxe sur les véhicules de sociétés, alors même que le contrôle fiscal dont la société avait fait l’objet avait abouti au rehaussement de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, était constitutif d’une simple erreur matérielle et n’entachait pas la procédure d’irrégularité dans la mesure où le contribuable avait compris à quoi correspondaient les sommes réclamées [3].

Il est néanmoins essentiel de bien analyser un AMR reçu à la suite d’un contrôle fiscal, notamment dans le cas d’un groupe fiscalement intégré, situation dans laquelle la mère intégrante redevable de l’impôt sur les sociétés n’a pas eu connaissance des tenants et des aboutissants de la procédure de contrôle fiscal suivie à l’encontre d’une de ses filiales.

Sur le fondement de l’Article R256-1 al. 4 du Livre des Procédures Fiscales et après une analyse attentive des AMR, il est parfois possible de déceler une anomalie notamment lorsque que l’Administration fiscale ne s’est pas référée au bon document de procédure.

La sentence est sans appel : nullité de l’AMR et donc dégrèvement ou décharge total des impositions mises en recouvrement à la suite de contrôles fiscaux de filiales intégrées.

Rodolphe MOSSÉ - Avocat associé/Laura JARICOT - Fiscaliste senior MOSSÉ & ASSOCIÉS

[1Cf. CE, sect., 16 avril 2012, n°320912, Meyer.

[2Voir pour exemple : CE, 29 mars 2017, 3e et 8e ch., n°391199, Sekhri.

[3Cf. CE, 8 décembre 2017, 8e et 3e ch., n°406133, Ste Ucar Developpement.