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Les nouvelles règles de fixation de la date de référence des biens expropriés situés en ZAC. Par Alexandre Guillois, Avocat.
Parution : lundi 2 mars 2020
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Loi ELAN (portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), entrée en vigueur le 25 novembre 2018, a modifié les règles de fixation de la date de référence des biens expropriés situés en ZAC.

Le législateur souhaite éviter que les propriétaires privés ne bénéficient de la plus-value apportée par les projets d’aménagement initiés et programmés par les personnes publiques.

En ce sens, le principe de la fixation de la date de référence en matière d’expropriation définit à l’article L322-2 du Code de l’expropriation, selon lequel, pour estimer les biens expropriés, le juge doit seulement prendre en considération l’usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique (DUP), est grevé d’exceptions concernant les outils d’urbanisme opérationnel permettant la mise en œuvre de projets d’aménagement.

Au titre des dérogations à ce principe, il convient désormais d’ajouter les biens situés en zone d’aménagement concerté (ZAC) avec l’entrée en vigueur de la Loi ELAN (portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), le 25 novembre 2018.

En application des dispositions nouvelles de l’article L322-2 du Code de l’expropriation, pour apprécier l’usage des biens expropriés situés à l’intérieur du périmètre d’une ZAC, il convient de se placer à la date de publication de l’acte créant la zone si elle est antérieure d’au moins un an à la date d’ouverture de l’enquête publique préalable à la DUP.

Les effets de ces nouvelles dispositions apparaissent cependant limités dans la mesure où les biens situés en ZAC sont également souvent soumis au droit de préemption urbain (DPU), et qu’à ce titre la fixation de la date de référence pour ces biens déroge déjà au droit commun dans la mesure où il y a lieu de prendre en compte la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le POS ou le PLU délimitant la zone dans laquelle est situé le bien en application des dispositions de l’article L. 213-4 du Code de l’urbanisme.

Il apparait que ces nouvelles dispositions seraient d’application résiduelles, lorsqu’une zone de préemption urbaine (ZAD ou DPU) n’a pas été instituée, à la lecture de l’exposé des motifs de l’amendement présenté par le gouvernement pour faire adopter cet alinéa :

Dans le cadre d’un projet mené par la procédure de zone d’aménagement concerté, la date de référence pour la détermination des indemnités d’expropriation dépend de la situation opérationnelle du projet et des mesures d’anticipation qu’a pu mettre en place la collectivité, par l’instauration d’une zone d’aménagement différé ou du droit de préemption urbain.

Si aucune mesure d’anticipation n’a pu être prise, le recours à la déclaration d’utilité publique peut être mobilisé si des expropriations s’avèrent nécessaires. Dans ce cas, la date de référence pour la fixation des indemnités d’expropriation est de un an avant l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique.

Ainsi, si la déclaration d’utilité publique intervient tardivement et que la zone d’aménagement concerté a déjà fait l’objet d’une création, les valeurs foncières peuvent s’envoler, compromettant la réalisation du projet d’aménagement, ou conduisant à un renchérissement des prix des logements construits.

Cet amendement propose de faire de la date de publication de la création de la zone d’aménagement concerté la date de référence pour la détermination des indemnités d’expropriation, faisant coïncider la date à laquelle le juge doit se placer pour fixer l’indemnité d’expropriation, avec la date à laquelle la volonté de procéder à l’aménagement des terrains est actée par la personne à l’initiative de l’opération d’aménagement ou par l’autorité compétente.

Ce mécanisme de détermination de la date de référence n’est pas nouveau puisque, depuis l’entrée en vigueur de la Loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, les dispositions de l’article L213-4 du Code de l’urbanisme prévoient que pour les biens situés dans le périmètre d’une zone d’aménagement différée (ZAD), la date de référence est soit la date de publication de l’acte délimitant le périmètre provisoire de la ZAD, lorsque le bien est situé dans un tel périmètre ou lorsque l’acte créant la zone est publié dans le délai de validité d’un périmètre provisoire, soit la date de publication de l’acte créant la ZAD, si un périmètre provisoire de ZAD n’a pas été délimité, et, dans tous les cas, la date du dernier renouvellement de l’acte créant la ZAD.

Pour renforcer cette exception, le législateur s’est également récemment épanché sur le cas où la ZAD cessait de produire ses effets avant l’intervention de la DUP.

Conformément aux dispositions de l’article L212-2 du Code de l’urbanisme, le droit de préemption dans les ZAD ne peut s’exercer que pendant une période de six ans renouvelable à compter de la publication de l’acte qui a créé la zone.

Lors de la Loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, le législateur a modifié les dispositions de l’article L. 213-6 du Code de l’urbanisme et prévu un second alinéa pour que la date de référence des biens situés dans le périmètre d’une ZAD qui a cessé de produire ses effets avant l’intervention de la DUP reste déterminée selon les modalités de l’article L213-4 du Code de l’urbanisme.

Avant l’entrée en vigueur de cette Loi, lorsque la ZAD cessait de produire ses effets avant l’intervention de la DUP, la date de référence était fixée un an avant l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique (DUP) en application du droit commun et des dispositions de l’article L322-2 du Code de l’expropriation.

Le législateur a donc finalisé et verrouillé le mécanisme d’appréciation de l’usage effectif des biens expropriés situés dans une ZAD ou dans une ZAC par référence au jour ou ces outils d’urbanisme opérationnel ont été créés ou renouvelés, date marquant l’intention des pouvoirs publics de réaliser une opération d’aménagement dans ces zones.

Ces modalités de détermination de la date de référence peuvent être frustrantes pour les expropriés dans la mesure où leurs biens sont évalués en prenant en compte leur usage effectif à une date qui peut être très antérieure à celle où le juge statue.

D’autant que, les biens situés dans ces zones ont souvent une situation privilégiée (à proximité de zones déjà urbanisées), et que les expropriés pouvaient spéculer sur l’ouverture à l’urbanisation des terrains nus situés dans ces zones.

Même si le juge prend en compte cette situation privilégiée pour évaluer les biens, les améliorations de la situation du bien depuis la création des zones ou leur renouvellement ne sont pas prises en compte par le juge pour l’estimer (évolution des documents d’urbanisme, création ou amélioration des réseaux…).

Il reste aux propriétaires de biens situés dans ces zones, qui n’ont plus aucun intérêt à spéculer sur ces biens, leur droit de délaissement prévu pour la ZAD à l’article L212-3 du Code de l’urbanisme, et pour la ZAC à l’article L311-2 du même Code, dans des conditions sensiblement différentes puisque pour les biens situés en ZAD le titulaire du droit de préemption doit se prononcer dans un délai de deux mois, alors que pour les biens situés en ZAC la personne publique qui a pris l’initiative de créer cette zone dispose d’un délai d’un an à compter de la demande.

Alexandre Guillois Avocat