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Des obligations à l’égard des ses ascendants. Par Gildas Neger, Docteur en Droit Public.
Parution : lundi 2 mars 2020
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L’obligation alimentaire découle du Code civil. Cette obligation trouve son origine dans le lien de parenté qui lie des enfants avec leurs parents et d’autres ascendants qui « sont dans le besoin ».
Sont donc concernés les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants appelés souvent "obligés alimentaires".

L’article 205 du Code civil indique que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ». Ces dispositions concernent également les enfants adoptés par filiation plénière. Pour ce qui concerne les enfants adoptés par filiation simple, ils ne perdent pas complètement leurs droits et devoirs à l’égard de leurs parents biologiques.
En effet, ils peuvent être redevables d’une aide alimentaire, sachant que les obligations alimentaires sont prioritaires par rapport à toute autre dette [1].

L’article 206 du Code civil étend pour sa part cette obligation aux gendres et belles-filles (uniquement s’ils sont mariés puisque le texte ne concerne pas les concubins et partenaires de pacs) mais aussi à leurs beaux-parents, tant qu’ils ont un lien de parenté. Assez curieusement, cette obligation n’incombe pas aux parents collatéraux...

Cette prescription concerne toutes les dépenses utiles et nécessaires que les ascendants n’ont pas les moyens de se payer.

Elle englobe donc les frais alimentaires, les soins médicaux, le placement dans une maison de retraite, les vêtements, l’hébergement…

En ces de désaccord entre les parties, le parent, ou son tuteur pourra saisir le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire qui, en fonction des éléments produits sur les ressources de chacun des enfants (s’il y a plusieurs enfants, la part de chacun sera établie en fonction de leurs revenus et dettes respectifs et non pas divisée à parts égales) et les besoins du parent, va fixer le montant et les modalités de versement.

Le juge tiendra compte « des seules ressources du débiteur d’aliments, afin de déterminer les obligations pécuniaires » [2]. La cour de cassation précise toutefois qu’en l’absence de renseignements précis sur les revenus et charges d’un enfant, mais que ce dernier exploitait une entreprise dont il ne contestait pas tirer des revenus lui permettant d’assurer un certain train de vie, était en mesure de payer à son père [3].

En cas de non versement de l’obligation alimentaire pendant plus de deux mois et s’il existe un jugement, cette absence de paiement pourra être considérée comme un délit (abandon de famille).

Dès lors l’article 227-3 du Code pénal [4] pourrait trouver à s’appliquer :

« Le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou l’un des titres mentionnés aux 2° à 5° du I de l’article 373-2-2 du code civil lui imposant de verser au profit d’un enfant mineur, d’un descendant, d’un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le code civil, en demeurant plus de deux mois sans s’acquitter intégralement de cette obligation, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende

Les infractions prévues par le premier alinéa du présent article sont assimilées à des abandons de famille pour l’application du 3° de l’article 373 du code civil »..

Il convient de préciser que c’est à l’ascendant concerné ou au tiers (hôpitaux, organismes d’aide sociale, EHPAD…) qui aura subvenu à ses besoins, de saisir le tribunal. Précisons que seuls les établissements publics de santé disposent d’un recours par voie d’action directe contre les débiteurs d’aliments.

Donc le fait qu’un établissement privé de santé soit habilité à assurer l’hébergement de personnes âgées ne l’autorise pas à exercer ce type de recours réservé aux seuls établissements publics puisqu’aux termes de l’article L. 6145-11 du Code de la santé publique, « les établissements publics de santé peuvent toujours exercer leur recours, s’il y a lieu, contre les hospitalisés, contre leurs débiteurs et contre les personnes désignées par les articles 205, 206, 207 et 2012 du code civil ».

Dans l’hypothèse les parents n’ont pas élevé leurs enfants, ces derniers sont dispensés de cette obligation (« pupilles de l’État  » article L228-1 du Code de l’action sociale et des familles), « enfants qui pendant au moins 3 ans, avant leurs 12 ans, ont été enlevés à leur famille par décision judiciaire » article L132-6 du Code de l’action sociale et des familles).

Il en sera de même, en tout ou partie, lorsque les ascendants auront manqué gravement à leurs obligations parentales [5]. Voire s’ils ont commis des actes de violence à l’égard de leurs enfants ou si ces derniers ont été abandonnés. A charge du juge d’apprécier souverainement les évènements pour décharger, en tout ou partie, l’enfant de cette obligation.

Cette obligation cesse au décès du parent ou bien dans l’hypothèse (peu probable) dans laquelle il pourra à nouveau s’assumer seul.

Et si l’actif successoral est insuffisant, les enfants seront tenus, au titre de l’article 205 du Code civil, au paiement des frais d’obsèques du parent et ce, là encore, à proportion de leurs ressources.

Il existe un "outil" de calcul de l’obligation alimentaire [6].

Gildas Neger Docteur en Droit Public

[4Modifié par Loi n°2019-1446 du 24 décembre 2019.

[5Article 207 du Code civil.