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L’heure de la médiation environnementale. Par Joëlle Aknin, Avocate.
Parution : mardi 3 mars 2020
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C’est un sujet d’une actualité brûlante et absolument passionnant, avec la création d’une juridiction spécialisée : celui de la place de la médiation environnementale.

Puisque la protection de l’environnement est soumise à un encadrement normatif de plus en plus abouti (I) les intérêts divergents qui nécessairement s’opposent désignent la médiation comme l’instrument idéal de la prévention et de la résolution des conflits dans ce domaine (II).

I. L’encadrement normatif de la protection de l’environnement.

La protection de l’environnement est actuellement assurée par la Charte de l’environnement de 2004, intégrée au bloc de constitutionnalité et composée de 10 articles relatifs au droit de chaque homme de vivre dans un environnement sain.

Elle comprend, à ce titre, des droits et surtout des devoirs, qui s’imposent à toute personne, y compris les personnes morales.

Récemment, le Conseil constitutionnel a d’ailleurs érigé la protection de l’environnement comme objectif à valeur constitutionnelle [1].

C’est également grâce à deux lois récentes que le législateur a renforcé la protection de l’environnement.

D’abord, la loi n°2016-1087 du 8 aout 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a inséré dans le Code Civil un Chapitre 3 consacré à « la réparation du préjudice écologique », l’Article 1247 de ce Code le définissant comme « une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ».

Ensuite, la loi n°2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a complété le dispositif normatif applicable en France en matière de responsabilité sociétale des entreprises en créant l’obligation, pour les sociétés par actions employant, en leur sein ou dans leurs filiales, au moins 5.000 salariés en France ou au moins 10.000 salariés dans le monde, d’établir un plan de vigilance, de le mettre en œuvre et de le publier.

Quant au dispositif répressif, l’Article 410-1 du Code pénal qui place « l’équilibre du milieu naturel et de l’environnement » au nombre des intérêts fondamentaux de la nation, au même titre que son indépendance, l’intégrité de son territoire ou sa sécurité.

II. La médiation, solution idéale aux conflits environnementaux ?

Pourquoi la médiation apparaît-elle comme l’instrument phare de la résolution des conflits dans le domaine de l’environnement ?

Tout d’abord, en raison de la technicité du contentieux environnemental, qui implique de nombreuses parties [2] et qui présente de nombreux enjeux [3] difficilement pris en compte dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Ces conflits ayant vocation à augmenter dans les années à venir, il est nécessaire de s’orienter vers un processus de dialogue intelligent et constructif.

Ensuite, grâce à la souplesse du fonctionnement de la médiation environnementale, les parties pourront mieux appréhender la notion d’une réparation en nature, exigée « par priorité » selon l’Article 1249 du Code Civil.

Le but est d’amener les parties à trouver une solution « satisfactoire », privilégiant la restauration des milieux.

Ainsi, si des dommages-intérêts sont attribués, ils doivent être affectés à la cause environnementale.

Enfin, cet instrument permettra de responsabiliser les acteurs concernés ou affectés par un problème environnemental, l’accord obtenu à l’issue de la médiation représentant l’engagement réel et consenti de l’ensemble des parties.

Ainsi, la médiation, outil de droit préventif et anticipatif, constitue l’outil le plus adapté au conflit environnemental. Permettant un dialogue entre toutes les parties, la médiation a également l’avantage de s’appliquer aussi bien en amont, avant la survenance du dommage, qu’en aval, dans le cas du règlement des différends.

Elle a fait ses preuves dans de nombreux pays dans le Monde, aux Etats-Unis depuis 1970, en Allemagne et surtout au Québec où elle a prouvé son efficacité.

Joelle AKNIN, Avocate au Barreau de PARIS, Médiateur CMAP [->http://www.joelle-aknin.com/]

[1Décision QPC du 31 janvier 2020.

[2Professionnels, entreprises, associations, collectivités territoriales, administrations, usagers.

[3Economiques, sécuritaires, démocratiques.