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URSSAF : le rescrit social, une procédure aux intérêts sous-estimés. Par Elodie Nesa, Elève-Avocat.
Parution : mardi 3 mars 2020
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A l’heure où le législateur créé et modifie notre droit à un rythme effréné, il est toujours plus complexe pour les cotisants de s’y retrouver.

Employeurs, comme indépendants, peuvent rapidement se retrouver noyés face à un océan de dispositions législatives dont la compréhension n’est pas la plus aisée, pour qui n’est pas familiarisé avec le langage juridique.

Face à cette problématique, la procédure du rescrit social apparaît comme une véritable bouée de sauvetage souvent inconnue des principaux intéressés.

Présentation du rescrit social.

La procédure du rescrit social a été instaurée par une ordonnance du 6 juin 2005, dans le but de répondre aux interrogations des cotisants.

Prévue à l’Article L243-6-3 du Code de la Sécurité sociale, elle permet à tout cotisant de solliciter l’URSSAF (Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales) afin d’obtenir une décision explicite sur l’application de la réglementation relative aux cotisations et contributions sociales dans une situation précise.

Malgré les tentatives successives du législateur de rendre cette procédure accessible, force est de constater qu’elle demeure souvent inconnue des cotisants, voire méprisée. Pourquoi ? Parce que se rapprocher de l’URSSAF et « attirer son attention » provoque souvent des craintes, pourtant injustifiées.

En pratique, le rescrit social présente deux avantages notables à souligner :
- D’une part, l’utilisation de cette procédure apporte à l’employeur des précisions sur les pratiques qu’il peut appliquer au sein de son entreprise, et celles qu’il doit s’abstenir de mettre en place. Le rescrit est notamment utile en cas de doute sur l’application d’une exonération de cotisations sociales [1].
- D’autre part, provoquer une décision explicite de l’URSSAF, sur une situation de fait précise, peut permettre à un employeur de se faire « valider » une pratique déjà instaurée dans son entreprise. En cas de contrôle de l’URSSAF, la décision ainsi obtenue sera opposable à l’organisme de recouvrement.

Ainsi, tout employeur (ou indépendant) peut avoir un intérêt à interroger l’URSSAF, afin de bénéficier d’une meilleure compréhension des dispositions du Code de la sécurité sociale qui s’appliquent à sa situation.

Qui peut bénéficier de cette procédure ?

La demande de rescrit social peut être formulée par tout cotisant ou futur cotisant.

Depuis l’ordonnance n°2015-1628 du 10 décembre 2015, la demande peut aussi être émise par un tiers agissant pour le compte d’un cotisant, tel qu’un avocat ou un expert-comptable.

Par ailleurs, cette ordonnance a créé le rescrit de branche. Cette procédure permet à une organisation professionnelle d’employeurs, ou à une organisation syndicale de salariés représentative de la branche, de saisir l’ACOSS (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale) d’une demande portant sur une application des dispositions du Code de la Sécurité sociale à une situation précise.

A noter que depuis la loi du 22 décembre 2018 [2], le rescrit social est également ouvert aux cotisants et futurs cotisants relevant du Régime Général des Indépendants, soit aux commerçants, artisans et professions libérales.

Quelle forme doit prendre la demande de rescrit ?

La demande de rescrit peut être formulée par tout moyen permettant d’apporter la preuve de sa date de réception [3]. Les demandes par email ou par lettre recommandée avec accusée de réception sont donc à privilégier, bien qu’une remise en main propre contre décharge soit aussi envisageable.

Une fois la demande reçue, l’URSSAF s’assure qu’elle est complète.

A ce titre, la demande doit obligatoirement comporter certaines mentions :
- Le nom et l’adresse du cotisant ou futur cotisant ;
- Le numéro permettant l’identification du cotisant, ou du nouveau cotisant lorsqu’il en dispose ;
- Les indications relatives aux dispositions législatives et réglementaires au regard desquelles la situation du demandeur doit être appréciée ;
- Une présentation précise et complète de la situation de nature à permettre à l’organisme de recouvrement d’apprécier les conditions dans lesquelles s’applique la réglementation.

A savoir que si la demande est formulée par un tiers, son nom et ses coordonnées doivent aussi être précisés.

Aussi, toutes les pièces utiles doivent être jointes à cette demande, pour que l’URSSAF puisse se prononcer en toute connaissance de cause par rapport à la situation en question.

Sous quelles conditions la demande est-elle recevable ?

Pour qu’elle soit examinée par l’URSSAF, la demande de rescrit social doit répondre à deux conditions essentielles :
- La question posée doit être nouvelle, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas avoir déjà donné lieu à une réponse concernant une problématique et une situation juridique identique ;
- La question posée doit être sérieuse, c’est-à-dire qu’elle doit faire naître un doute ou une hésitation pour le demandeur sur l’application de la législation sociale à une situation précise.

Comment l’URSSAF traite-t-elle la demande de rescrit social ?

Dans un premier temps, l’URSSAF vérifie le caractère complet du dossier.

Le dossier est réputé complet si, dans un délai de vingt jours à compter de sa réception, l’URSSAF n’a pas fait connaître au demandeur la liste des pièces ou des informations manquantes.

Si nécessaire, le demandeur est invité à régulariser sa situation, en communiquant à l’URSSAF les éléments manquants par tout moyen permettant d’identifier sa date de réception.

Dès la réception de ces pièces, l’organisme de recouvrement notifie au demandeur que son dossier est complet.

Cependant, en l’absence de réception des éléments manquants dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande de régularisation, la demande de rescrit est réputée caduque.

Dans un second temps, l’URSSAF doit répondre à la demande de rescrit dans un délai de trois mois, à compter de la réception du dossier complet. La décision de l’URSSAF doit être motivée et signée par son directeur ou délégataire.

De plus, la décision doit mentionner les voies et délais de recours.

En cas d’absence de réponse de l’URSSAF dans ce délai de trois mois, le cotisant bénéficie d’une certaine protection : aucun redressement ne peut être opéré sur le point précis qui a fait l’objet de la demande jusqu’à ce que l’organisme rende une décision explicite.

Ainsi, si la demande portait sur l’application d’une exonération ou d’une pratique, que le demandeur n’a pas attendu la réponse de l’URSSAF pour la mettre en œuvre, et que la réponse apportée est négative, la période de retard de l’URSSAF ne peut pas faire l’objet d’un redressement. Le redressement ne pourra porter que sur la période d’instruction de trois mois, et sur celle postérieure à la décision prise par l’organisme.

Quels effets produisent la décision rendue par l’URSSAF ?

D’abord, cette décision ne s’applique qu’à l’établissement pour lequel la demande est effectuée. Si le demandeur appartient à un groupe, elle est applicable à l’intégralité des établissements du groupe uniquement si la demande comporte cette précision.

Ensuite, la décision est opposable pour l’avenir à l’ensemble des URSSAF tant que la situation de fait exposée dans la demande, ou que la législation au regard de laquelle la situation du demandeur a été appréciée, n’ont pas été modifiées.

Si par la suite, l’URSSAF entend modifier sa position, celle-ci n’aura d’effet que pour l’avenir et sera notifiée au demandeur. Le courrier de l’URSSAF doit informer des délais et voies de recours, ainsi que de la possibilité de saisir l’ACOSS d’une contestation.

Par conséquent, une décision de rescrit ne peut être remise en cause que si :
- La situation de fait décrite dans la demande a changé ;
- La législation au regard de laquelle la situation a été appréciée a changé ;
- L’URSSAF entend rectifier, pour l’avenir, l’analyse de la situation de fait.

Quelles voies de recours sont offertes au demandeur ?

Comme il l’a été précédemment souligné, le demandeur dispose de la faculté de solliciter l’intervention de l’ACOSS si l’URSSAF entend modifier sa décision, et ce dans un délai de trente jours suivant la nouvelle décision adoptée.

Sinon, le demandeur peut saisir la Commission de recours amiable dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision rendue par l’URSSAF.

A savoir…

La demande de rescrit social ne peut être formulée sur un point précis si un contrôle portant sur les mêmes bases de cotisations sociales est en cours, c’est-à-dire, lorsque le cotisant a reçu un avis de passage de l’URSSAF.

En effet, la Cour de cassation a pu juger que « la demande du cotisant ou futur cotisant ayant pour objet de connaître l’application à sa situation, des règles d’assiette et de paiement (…) ne peut être formulée lorsqu’un contrôle portant sur les mêmes bases de cotisations de sécurité sociale a été engagé » [4].

C’est également le cas lorsqu’un contentieux, en rapport avec la demande, est en cours sans que ne soit intervenue une décision de justice définitive.

En conclusion.

En conséquence, la procédure du rescrit social peut être d’une grande utilité lorsqu’un employeur souhaite connaître la position de l’URSSAF sur les pratiques qu’il entend mettre en œuvre au sein de son entreprise, voire sur celles déjà en vigueur. Le rescrit permet de sécuriser une situation, et d’éviter de rester dans l’incertitude quant à la juste application des dispositions du Code de la Sécurité sociale. En cas de doutes, il est préférable d’interroger l’URSSAF, plutôt que de poursuivre des pratiques susceptibles de faire l’objet d’un redressement par la suite.

Aussi, et dans l’hypothèse où l’employeur ferait l’objet d’un contrôle sur place, la décision préalablement rendue par l’URSSAF dans le cadre d’un rescrit social serait opposable si le redressement envisagé venait en contradiction avec ladite décision.

Liens utiles : Notice de l’URSSAF
Modèle de demande de rescrit social

Elodie Nesa Juriste - En attente de prestation de serment Droit du travail/Droit de la sécurité sociale

[1Calcul d’un avantage en nature, exonération d’une contribution…

[2L. n°2018-1203 ; CSS Article L243-6-3.

[3CSS, Article R243643-2.

[4Cass. 2ème civ., 28 mai 2014, n°13-16.915.