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Salaire variable : la détermination des objectifs. Par Xavier Berjot, avocat.
Parution : samedi 7 mars 2020
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Le salaire variable - ou sur objectifs atteints - peut représenter une part significative de la rémunération globale du salarié. Pour cette raison, la détermination des objectifs liés au salaire variable présente une importance capitale.

1/ Les objectifs déterminés de manière unilatérale.

Contrairement à une croyance parfois répandue, les objectifs ne sont pas nécessairement déterminés d’un commun accord entre l’employeur et le salarié.

En effet, pour la Cour de cassation, les objectifs d’un salarié, conditionnant la partie variable de sa rémunération, peuvent être définis par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction (Cass. soc. 22-05-2001 n° 99-41.838).

Lorsque les objectifs sont ainsi déterminés par l’employeur, celui-ci ne dispose pas d’une latitude totale. Au contraire, la jurisprudence encadre son pouvoir de direction.

En premier lieu, les objectifs fixés doivent être réalisables (Cass. soc. 2-12-2003 n° 01-44.192), à défaut de quoi il ne peut être reproché au salarié de ne pas les avoir atteints (Cass. soc. 13-01-2009 n° 06-46.208).

Par ailleurs, les objectifs doivent être portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (Cass. soc. 2-3-2011 n° 08-44.978), dans la mesure où ce dernier doit nécessairement connaître à l’avance les modalités de détermination de son salaire.

Enfin, tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français (C. trav. art. L. 1321-6).

Ainsi, des objectifs définis dans une langue étrangère sont inopposables au salarié (Cass. soc. 29-6-2011 n° 09-67.492) sauf si une traduction en français est rapidement diffusée (Cass. soc. 21-9-2017 n° 16-20.426).

Cette règle est loin d’être théorique, notamment en présence de clauses complexes édictées par des entreprises étrangères à destination de salariés employés en vertu du droit français.

2/ Les objectifs déterminés d’un commun accord.

Lorsque le contrat de travail prévoit que les objectifs doivent être déterminés d’un commun accord, l’employeur est tenu de se rapprocher loyalement du salarié dans cet objectif.

En d’autres termes, l’inexécution, par l’employeur, de son obligation de fixer avec le salarié les objectifs dont dépend la partie variable de la rémunération est susceptible de constituer, en raison de l’importance des sommes en jeu, un manquement empêchant la poursuite du contrat de travail justifiant sa résiliation aux torts de l’employeur (Cass. soc. 19-11-2014 n° 13-22.686).

La Cour de cassation avait déjà statué en ce sens dans un arrêt du 29 juin 2011 (Cass. soc. 29-06-2011 n° 09-65.710) : « Lorsque le contrat de travail prévoit que la rémunération variable dépend d’objectifs fixés annuellement par l’employeur, le défaut de fixation de ces derniers constitue un manquement justifiant une prise d’acte de la rupture par le salarié. »

Par ailleurs, lorsque le salarié est placé dans l’impossibilité d’atteindre ses objectifs par la faute de l’employeur, le préjudice subi est réparé par l’octroi de dommages et intérêts et non par le versement du montant de la prime perçue l’année précédente (Cass. soc. 05-04-2012 n° 11-10.405).

Enfin, le salarié est éligible à l’intégralité de sa rémunération variable annuelle si l’employeur met fin à son contrat de travail, même en cours de période d’essai, dès lors qu’il n’existe aucun élément concret de calcul, d’objectifs actuels ou passés et de période de référence pour le versement de la prime (Cass. soc. 10-07-2013 n° 12-17.921).

3/ La modification des objectifs.

Que le salaire variable soit déterminé unilatéralement par l’employeur ou d’un commun accord entre les parties, la question se pose de savoir si les objectifs peuvent faire l’objet de modifications ou d’ajustements au cours de l’exécution du contrat de travail.

Par principe, la Cour de cassation juge que le paiement de la partie variable de la rémunération constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié (Cass. soc. 08-01-2002 n° 99-44.467).

Ainsi, un employeur, ayant contractuellement l’obligation d’engager chaque année des négociations avec le salarié en vue de fixer d’un commun accord avec lui les objectifs dont dépend la partie variable de sa rémunération, est débiteur de cette partie variable pour les années où il n’établit pas avoir satisfait à cette obligation. En l’absence d’accord, il appartient alors au juge de fixer le montant de cette rémunération (Cass. soc. 19-11-2014 n° 13-22.686).

Plus précisément, lorsque le contrat de travail du salarié prévoit une rémunération comportant une partie variable dont le montant est fixé par accord annuel entre les parties, il incombe au juge, à défaut de conclusion d’un accord sur ce point, de déterminer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause (Cass. soc. 31-01-2018 n° 16-22.828).

Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. soc. 15-05-2019 n° 17-20.615) a adopté cette solution : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence de fixation des objectifs, il lui appartenait de fixer le montant de la rémunération variable pour l’exercice 2011 en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes, et, à défaut, des données de la cause, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Xavier Berjot Avocat Associé SANCY Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b