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Entretien professionnel : état des lieux de l’obligation et mesures permettant d’éviter l’abondement. Par Tristan Chaix, Avocat.
Parution : mardi 10 mars 2020
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Compte tenu des circonstances exceptionnelles liées à la pandémie du Covid-19, le Gouvernement a ouvert la possibilité pour l’Employeur de reporter l’entretien professionnel au 31 décembre 2020.

De même, les conditions tenant à la réalisation de l’intégralité des entretiens professionnels, et du suivi de formation pour les salariés ayant au moins 6 années d’ancienneté au cours de l’année 2020 seront examinées au 31 décembre 2020, et pas avant (article 1er de l’Ordonnance n°2020-387 du 1er avril portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle).

Aux employeurs qui ne sont pas à jour de leur obligation en la matière d’en profiter pour se mettre à jour, organiser ces entretiens, proposer des formations à ces salariés, afin d’éviter de verser un abondement de 3.000 € sur leur CPF.

Depuis le début de l’année 2020, de nombreuses entreprises ont sonné le branle-bas de combat afin de vérifier si elles étaient en conformité vis-à-vis de leurs obligations d’entretien professionnel et de formation à l’égard de leurs salariés.

Cette recrudescence de l’intérêt porté à cette obligation s’expliquait par l’application, à compter du mois de mars 2020, d’une sanction spécifique à l’égard des Sociétés ne s’étant pas conformées à leurs obligations, à savoir le versement obligatoire d’un abondement de 3.000 euros au compte personnel de formation (CPF) du salarié.

Pour rappel, depuis une loi du 5 mars 2014, chaque employeur a l’obligation d’organiser au moins tous les 2 ans un entretien professionnel à chacun de ses salariés, quelle que soit la forme du contrat de travail.

Par ailleurs, un entretien professionnel doit être proposé au salarié dans certains cas de reprise d’activité :
- A l’issue d’un congé de maternité,
- D’un congé parental d’éducation [1],
- D’un congé de proche aidant,
- D’un congé d’adoption,
- D’un congé sabbatique,
- D’une période de mobilité volontaire sécurisée,
- D’un arrêt longue maladie,
- Ou à l’issue d’un mandat syndical.

Les thèmes de l’entretien sont les suivants :
- Le poste de travail du salarié (tâches, missions, compétences et difficultés rencontrées)
- Les perspectives d’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualifications et d’emploi, salariale, ou encore ses souhaits ;
- Les informations relatives à la validation des acquis de l’expérience (VAE : certification grâce à l’expérience, ouvert au salarié ayant au moins une année d’ancienneté) ;
- Les informations relatives à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation (CPF) [2], et de l’abondement que la Société est susceptible de financer ;
- Et les informations relatives au conseil en évolution professionnelle : dispositif d’accompagnement gratuit et personnalisé proposé à toute personne souhaitant faire le point sur sa situation professionnelle.

Lorsque le salarié a 6 ans d’ancienneté au sein de la Société, l’entretien professionnel fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié permettant d’apprécier s’il a :
- Suivi au moins une action de formation ;
- Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience (VAE) ;
- Bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.

A défaut de respecter ces obligations, un abondement obligatoire au compte personnel de formation (CPF) du salarié a été institué.

Ainsi, en cas de non-respect par l’employeur de l’obligation d’entretien professionnel tous les 2 ans, et d’au moins une formation non obligatoire suivie par le salarié, tous les 6 ans, l’Employeur devra abonder le CPF du salarié intéressé d’un montant de 3.000 euros.

Cette sanction est toutefois limitée aux entreprises ayant un effectif de 50 salariés et plus.

Néanmoins, cela n’exonère pas les entreprises de moins de 50 salariés de leurs responsabilités en la matière vis-à-vis de leurs salariés, qui pourraient solliciter des dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation, ou encore la remise en cause d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, notamment.

L’obligation légale de réaliser l’entretien professionnel ayant été instituée par une loi du 5 mars 2014, cette sanction avait donc vocation à s’appliquer au plus tard le 7 mars 2020, pour les salariés en poste dans l’entreprise avant le 7 mars 2014. Néanmoins, compte tenu de la situation de pandémie exceptionnelle liée au Covid-19, le Gouvernement a repoussé sa prise d’effet au 31 décembre 2020.

Cependant, pour l’année 2020, il est possible, pour une Société qui n’a pas fait bénéficier à un de ses salariés d’une formation non obligatoire, de se dispenser du versement de l’abondement, sous réserve de remplir 2 conditions cumulatives :
- Que le salarié ait tout de même effectué l’ensemble de ses entretiens professionnels [3] ;
- Et qu’il ait bénéficié de 2 des 3 actions suivantes :
- Formation (qu’elle soit considérée comme obligatoire ou non obligatoire),
- Certification par la formation ou une VAE,
- Ou progression salariale ou professionnelle.

A compter de l’année 2021, cette modalité d’exonération n’existera plus, et seul le fait de permettre au salarié de bénéficier d’une action de formation non obligatoire au cours des 6 années d’ancienneté [4] permettrait de se dispenser du versement de l’abondement.

Le Ministère du travail a précisé récemment, dans un document questions-réponses paru au mois de février 2020, qu’à défaut de respecter les modalités de dispense d’abondement, la Société devra « spontanément  » abonder le compte personnel de formation du salarié au plus tard le 28 février 2021.

L’abondement correctif sert donc d’épée de Damoclès pour inciter l’employeur à entrer dans une démarche d’accompagnement de ses salariés dans l’acquisition de nouvelles compétences.

A ce titre, il paraîtrait judicieux d’utiliser cette opportunité pour amener le dialogue social au sein de l’entreprise, sur ces enjeux.

On précisera à cet effet que la loi Avenir Professionnel permet, en conciliation avec les partenaires sociaux, par le biais d’un Accord collectif ou de branche, de prévoir d’autres modalités d’appréciation du parcours professionnel ainsi qu’une périodicité des entretiens professionnels différente de celle des 2 ans, propres à éviter l’abondement correctif.

Aux entreprises de se saisir de cet outil de négociation afin de déterminer de concert les modalités et les échéances les plus pertinentes d’appréciation de la progression professionnelle du salarié.

Tristan CHAIX Avocat Associé DECLIC AVOCATS [->www.declic-avocats.com]

[1Ou temps partiel parental d’éducation.

[31 tous les 2 ans, donc 3 minimum en 6 ans.

[4En plus de la réalisation des entretiens professionnels obligatoires.