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Procédure d’attribution des occupations du domaine public. Par Anthony Quevarec, Avocat.
Parution : vendredi 27 mars 2020
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L’ordonnance du 19 avril 2017 a soumis l’attribution des occupations domaniales à une procédure de mise en concurrence, dont les modalités sont librement déterminées. La simple lecture de ces dispositions ne permet pas d’établir clairement l’étendue de ses obligations (domaine privé ?) et les modalités de publication, contrairement au droit de la commande publique.

Les autorisations d’occupation temporaire (AOT) du domaine public ont longtemps échappé aux obligations de publicité et de mise en concurrence, en dépit de quelques décisions contraires [1].

La Cour de justice de l’Union européenne a fait évolué cette situation. Dans son arrêt Promoimpresa Srl, elle a jugé que les titres d’occupation du domaine public devaient être attribués après la mise en place d’une procédure de publicité et de mise en concurrence [2]

Cela a conduit les pouvoirs publics à prendre une ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Le nouvel article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) expose ainsi que : « Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l’article L. 2122-1 permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. »

Ces règles sont applicables aux domaines public et privé des personnes publiques (A), sous réserve des exceptions mentionnées aux articles L. 2122-1-2 et suivants du CG3P. En pratique il appartiendra à la collectivité de publier un avis d’appel public à la concurrence allégé et de rédiger un règlement de consultation (B).

A. Une procédure applicable au domaine public et privé des personnes publiques

Les dispositions du CG3P suscitaient une interrogation importante : les procédures de passation étaient-elles applicables au domaine privé ? Deux éléments principaux permettaient d’en douter :

-  D’une part, les articles applicables se situent dans le livre du CG3P relatif au domaine public (et non au « domaine privé »).
-  D’autre part, une certaine tradition impliquait que le domaine privé échappe à une mise en concurrence au motif qu’il s’agit d’une gestion purement privée [3].

La Cour de Justice ne reconnaît toutefois pas la distinction domaine public/domaine privé. Par suite, l’arrêt Promoimpresa Srl s’applique également au domaine privé.

L’ordonnance de 2017 ayant été prise à la suite de cette décision, les AOT délivrées sur le domaine privé y sont également soumises, ce qui a été confirmé par une réponse ministérielle du 29 janvier 2019 [4]. Il ne pourra qu’être conseillé aux décideurs publics de prévoir une telle procédure dans le cas de l’occupation d’une parcelle du domaine privé.

B. Contenu de l’avis d’appel public à concurrence

En premier lieu, l’article L. 2122-1-1 du CG3P ne fixe pas de règles particulières s’agissant de la forme et du contenu à respecter : « l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. »

Il s’en déduit que l’autorité administrative est libre de la forme et du contenu de la procédure. Ce qui demeure essentiel, c’est que chaque candidat potentiel puisse avoir connaissance de la procédure. Il peut dès lors être opportun de publier un avis au BOAMP (occupation aux enjeux importants) ou dans des journaux d’annonces légales, sites internet de la collectivité, etc.. En pratique, il est conseillé de mentionner dans un règlement de la consultation les éléments suivants :

-  Objet de la mise en concurrence (localisation de la parcelle)
-  Durée de l’occupation du domaine public
-  Montant de la redevance
-  Possibilité ou non de négocier
-  Attestation sur l’honneur quant aux condamnation, faillites, etc.
-  Critères de sélection et pondération associée (montant de la redevance, aménagement de l’espace, esthétique, expérience du candidat…)

La jurisprudence commence à se construire sur ce point. Le tribunal administratif de la Réunion a ainsi pu suspendre, à la faveur d’un référé-suspension, un arrêté portant délivrance d’une AOT au motif qu’aucune procédure de passation n’avait été organisée conformément au CG3P [5].

Il conviendra donc d’être le plus transparent possible et de prévoir des documents de la consultation les plus exhaustifs possibles.

En second lieu, des mesures de publicité allégées sont prévues dans deux cas de figure :

-  Lorsque l’occupation ou l’utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité, l’autorité compétente n’est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d’un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d’attribution [6].
-  Lorsque la délivrance du titre mentionné à l’article L. 2122-1 intervient à la suite d’une manifestation d’intérêt spontanée, l’autorité compétente doit s’assurer au préalable par une publicité suffisante, de l’absence de toute autre manifestation d’intérêt concurrente [7].

Il conviendra lorsqu’une occupation du domaine public est envisagée de susciter tout intérêt concurrent, en portant à la connaissance du public le projet d’AOT. Cette information peut notamment prendre la forme d’avis publiés dans la presse quotidienne ou spécialisée. A défaut, l’attribution encourt la censure du juge [8].

Anthony QUEVAREC Avocat 14 Cours de l\\\'Intendance 33000 BORDEAUX Tél. +33 (0)5 57 83 73 16 anthony-quevarec-avocat.fr https://consultation.avocat.fr/avocat-bordeaux/anthony-quevarec-44365.html

[1TA Nîmes, 24 janvier 2008, n° 0620809

[2CJUE, 14 juillet 2016, aff. C-458/14.

[3CE, 12 juin 1998, Grein, n° 171795, Lebon T. pp. 739 et 1128

[4Rép. Min. n° 12868 : JOAN 29 janvier 2019, p. 861

[5TA Réunion, ord. réf., 16 mars 2018, n° 1800124

[62ème alinéa de l’article L. 2122-1-1

[7article L. 2122-1-4

[8TA Marseille, ord. réf., 18 avril 2019, n° 1902792