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Sous-location d’un logement d’habitation et risques avérés. Par Charles Paumier, Avocat.
Parution : dimanche 29 mars 2020
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L’on voit fleurir de plus en plus d’annonces de plateformes immobilières (Airbnb, Smartrenting, Booking…) proposant de sous-louer un logement pendant une petite période, en général le temps des vacances du locataire.

S’il peut être tentant de partir en vacances tout en ayant son loyer de remboursé pendant son absence, il est néanmoins nécessaire de connaitre les risques liés à ce type de contrat et plus généralement les risques liés à la sous-location.

1. La sous-location est par principe interdite, sauf accord du bailleur.

L’article 8 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dispose :
« Le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l’autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours.
En cas de cessation du contrat principal, le sous-locataire ne peut se prévaloir d’aucun droit à l’encontre du bailleur ni d’aucun titre d’occupation.
Les autres dispositions de la présente loi ne sont pas applicables au contrat de sous-location.
 »

Cette interdiction concerne aussi bien la sous-location partielle que la sous-location totale du bien.

Ainsi, à titre d’exemple, un étudiant locataire d’un appartement disposant de plusieurs pièces doit obtenir l’accord de son bailleur pour pouvoir louer une chambre dont il ne se servirait pas.

La sous-location du bien suppose une contrepartie en nature ou argent. Le prêt d’habitation ou l’hébergement à titre gratuit, pour une petite durée, ne sont pas concernés par cette interdiction légale (le bailleur ne peut pas interdire au locataire d’héberger des personnes ne vivant pas habituellement avec lui – article 4 loi 1989).

En pratique, les baux d’habitation prévoient habituellement une clause qui interdit expressément la sous-location à peine de résiliation du bail.

A défaut, le bailleur doit fournir une autorisation écrite qui porte sur le principe de la sous-location du logement et son prix.

L’autorisation doit être transmise au sous-locataire.

La jurisprudence s’est renforcée depuis quelques années, amenant les plateformes de gestion de logements à imposer systématiquement la communication de l’autorisation écrite du bailleur.

2. Le loyer de la sous-location ne peut pas être supérieur à celui de la location principale

Lorsqu’un locataire souhaite sous-louer son logement, il devra avoir l’accord du bailleur sur le prix du loyer. Ce prix ne peut pas être supérieur à celui du loyer principal.

A défaut, si le prix du loyer de la sous-location est supérieur à celui du loyer principal, le bailleur pourra intenter une action contre son locataire pour obtenir la partie excédentaire, voire dans certains cas la résolution du bail.

Cette limite légale du prix a été imposée pour éviter que le locataire réalise un profit. Elle sert aussi à éviter la fraude consistant à louer un logement de manière fictive et sous-louer de manière plus onéreuse le logement.

Certaines agences immobilières se vantent de pouvoir payer au locataire absent son loyer en totalité.
Si légalement c’est possible, cela implique que le locataire ne pourra pas obtenir un sous loyer supérieur à son loyer.

En conséquence, l’agence immobilière qui gère la location ne pourra pas réaliser de bénéfice entre le loyer payé au locataire principal et le sous loyer perçu, sauf à être rémunéré explicitement pour le service rendu dans le cadre de son mandat de gestion.

Compte tenu de ces restrictions légales, il est tentant de s’interroger sur la réelle rémunération de l’intermédiaire dès lors que des publicités prônent un sous loyer correspondant au loyer principal et une absence de coût de gestion … à moins que l’intermédiaire souhaite développer un modèle économique sans ressources…).

3. Quels sont les risques de la sous-location pour le locataire ?

Le locataire qui sous-loue son logement doit avoir l’accord écrit de son bailleur. A défaut, il risque de recevoir un congé de la part du bailleur et de devoir lui restituer les fruits de cette sous-location non autorisée [1].

La sous-location engage contractuellement et réciproquement le locataire et le sous-locataire, qu’il y ait ou non un mandataire gérant la location.
Le mandataire gérant la location est en relation contractuelle avec le locataire, lequel lui a confié un mandat de gestion de son bien locatif.

En cas de dégradations du bien loué par le sous-locataire, le dépôt de garantie servira à indemniser le locataire. Si le coût des travaux de réfection devait être supérieur au montant du dépôt de garantie, il appartiendra au locataire d’engager une procédure à l’encontre du sous-locataire.
La responsabilité du gestionnaire pourrait éventuellement être engagée en cas de faute avérée [2].

Enfin, il ne faut pas minimiser le risque d’absence de départ du sous-locataire à la fin du contrat.
Dans cette hypothèse, il ne sera pas possible au locataire de rentrer dans les lieux objet du contrat de sous-location.
En effet, le locataire se rendrait coupable d’une violation de domicile au regard de l’article 226-4 alinéa 1er du code pénal

Le locataire ne pourra pas expulser manu militari le sous-locataire et devra engager une procédure judiciaire d’expulsion d’un occupant devenu sans droit ni titre.

Cette procédure est longue et la législation est de plus en plus protectrice des droits des locataires.

Notamment, la période de la trêve hivernale (1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante) sera applicable au sous-locataire conformément à l’article L.412-6 du Code des procédures civiles d’exécution. En effet, il sera très difficile (pour ne pas dire impossible) de démontrer que la personne restant dans les lieux est entrée par voie de fait étant donné qu’elle est entrée dans les lieux en signant un contrat de sous-location.

En conclusion, si la sous-location peut être financièrement intéressante, elle peut aussi rencontrer des conséquences très contraignantes et non négligeables.

Charles PAUMIER, Avocat https://avocat-paumier.fr

[1Civ. 3e, 12 sept. 2019, n° 18-20.727

[2article 1992 du Code civil

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