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Confinement, congés payés et RTT : quelles sont les règles ? Par David Amanou, Avocat.
Parution : samedi 4 avril 2020
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La covid-19 a induit des modifications législatives notamment en droit du Travail et, plus particulièrement, à la prise de congés payés et RTT.
Quelles sont les règles en la matière pendant cette période de confinement ? Que peut vous imposer votre employeur et à quelles conditions ?
Revue synthétique des dispositions contenues dans l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020.
Article vérifié par l’auteur en septembre 2023.

J’ai posé mes congés pendant la période de confinement, puis-je les déplacer ?

L’ordonnance n’évoque pas cette question.

En revanche, en vertu de l’article L 3141-16 du Code du Travail, il n’y a aucun droit pour le salarié.

Pour modifier la date des congés, il faudra nécessairement conclure un accord bilatéral avec l’employeur.

A ce jour, je n’ai posé aucun jour de congé : à quelles conditions mon employeur peut-il tout de même me contraindre à les prendre ?

L’article 1 de l’ordonnance du 25 mars 2020 dispose qu’un « accord d’entreprise, ou, à défaut, un accord de branche peut déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc, à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés ».

Ainsi, plusieurs conditions doivent être cumulativement remplies pour que l’employeur puisse contraindre son salarié à puiser dans son solde de congés restant alors même qu’il n’en avait posé aucun :
- la signature préalable d’un accord d’entreprise (dans les TPE de moins de 11 salariés, l’accord est acquis dès ratification par au moins deux-tiers des salariés) ou, à défaut, d’un accord de branche ;
- une limite fixée à six jours de congés ;
- un jour franc (c’est-à-dire un jour plein en excluant le jour de la signature, soit le surlendemain si c’est un jour ouvrable) entre la date de signature de l’accord et le moment de la prise de congé.

A noter que la période de congés imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.

Je n’ai pas posé de jour et nous n’avons signé aucun accord : mon employeur peut-il tout de même me contraindre à ponctionner dans mes congés restants ?

Non, l’ordonnance du 25 mars 2020 est parfaitement claire : elle impose l’établissement d’un accord d’entreprise ou de branche.

A défaut d’accord, l’employeur ne peut pas astreindre l’employé à prélever dans le solde de congés restant.

A nuancer toutefois avec le droit commun du Travail puisque, dans certaines hypothèses légalement définies, l’employeur peut imposer les dates de congé dans certaines conditions (entre le 1er mai et le 31 octobre, en particulier pour la fermeture annuelle de l’entreprise, et en respectant un préavis minimum d’un mois etc.).

J’ai déjà posé mes jours cet été : mon employeur peut-il demander à ce que je modifie mes dates et prenne mes congés pendant le confinement ?

L’ordonnance du 25 mars 2020 n’évoque pas cette question.

Par conséquent, c’est le droit commun et, plus précisément, les dispositions de l’article L 3141-16 du Code du Travail de qui prennent le relais.

Il s’en évince que l’ordre et les dates de départ ne peuvent être modifiés « moins d’un mois avant la date de départ prévue », « sauf en cas de circonstances exceptionnelles ».

Ainsi, dans le cas où l’employé a déjà posé ses congés, l’employeur est en droit de modifier les dates en l’obligeant notamment à en prendre pendant le confinement.

Un délai de prévenance d’un mois avant la date de départ initialement fixée doit théoriquement être respecté, sauf à considérer – ce qui paraît plausible - que la situation actuelle est une « circonstance exceptionnelle » au sens du Code du Travail.

Quoiqu’il en soit, en toutes hypothèses, cela signifie que si vous avez posé des congés cet été, l’employeur peut tout à fait vous solliciter afin que vous les déplaciez pendant la période de confinement.

Peut-on me contraindre à poser mes jours RTT ? A quelles conditions ?

Les articles 2 à 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020 disposent que les jours RTT, jours de repos liés au forfait jours et jours placés sur un compte épargne temps (CET), peuvent être imposés ou déplacés à certaines conditions :
- « Lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie » ; la formule est opportunément imprécise, certainement afin que les employeurs puissent invoquer cette disposition en de nombreuses circonstances ;
- Avec un maximum de 10 jours RTT ;
- En respectant un préavis minimum d’un jour franc.

A l’instar des congés, la période de jours RTT et de repos imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.

En revanche, contrairement aux congés, une telle décision ne nécessite pas d’accord d’entreprise ou de branche. L’employeur peut y recourir unilatéralement.

Maître David Amanou Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine [ldda-avocats.fr]
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