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L’indemnité transactionnelle de licenciement à l’épreuve du prélèvement à la source. Par Aurélie Dalmasso et Lucas Lopez, Avocats.
Parution : dimanche 5 avril 2020
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Depuis la mise en place du prélèvement à la source, nombreuses sont les entreprises qui, soucieuses de ne prendre aucun risque, collectent l’impôt sur le revenu sur l’indemnité de licenciement versée dans un cadre transactionnel alors même que ces indemnités peuvent, dans certains cas, être exonérées d’imposition.

Quelle est la solution ?

L’article 80 duodecies, 1,1° du CGI exonère intégralement d’impôt sur le revenu, sans aucun plafonnement, l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Néanmoins, à l’heure où les résolutions amiables des conflits sont privilégiées, la question s’est posée de savoir si cette exonération s’applique lorsque l’indemnité est versée par l’employeur dans un cadre transactionnel, en dehors de toute décision de justice.

Depuis une décision du Conseil Constitutionnel n°2013-340 du 20 septembre 2013, nous savons que l’exonération d’impôt sur le revenu s’applique à toute somme versée pour réparer l’absence de cause réelle et sérieuse d’un licenciement, même lorsqu’elle est due en exécution d’une transaction.

En cas de transaction, il appartient donc à l’administration et, lorsqu’il est saisi, au juge de l’impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction [1], cette qualification étant faite par le juge au vu des pièces de l’instruction [2].

Ainsi, depuis ces jurisprudences, le contribuable qui perçoit une indemnité transactionnelle venant réparer un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne doit pas la déclarer sur sa déclaration d’impôt sur le revenu, puisqu’elle est par principe exonérée.

Cette décision n’est pas sans risque pour le contribuable puisque l’administration fiscale en cas de contrôle, ou le juge s’il est saisi, peut considérer le licenciement comme fondé sur une cause réelle et sérieuse et décider d’imposer l’indemnité versée, avec application des intérêts de retard, et d’une majoration pour manquement délibéré si l’intention de dissimuler est démontrée.

Néanmoins, le choix de déclarer ou non, appartenait au contribuable, qui au vu de sa situation pouvait légitimement décider de ne pas procéder à cette déclaration, notamment dans les cas où l’entreprise avait clairement affiché l’absence de cause réelle et sérieuse à son licenciement.

Malheureusement, depuis le 1er janvier 2019 et la mise en place du prélèvement à la source, la situation s’est dégradée pour les salariés victimes de licenciements abusifs.

En effet, les entreprises collectent désormais l’impôt sur le revenu en lieu et place de leurs salariés sur les sommes qui leur sont versées et encourent des sanctions en cas de défaut de prélèvement.
Le salarié n’assume donc plus seul les risques d’une requalification de l’indemnité transactionnelle par l’administration fiscale ou par le juge.

De ce fait, pour s’exonérer de toute responsabilité, de nombreuses entreprises collectent systématiquement l’impôt sur le revenu sur les indemnités transactionnelles versées.

Le salarié licencié subit alors une double peine puisqu’en plus d’être victime d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme importante est prélevée sur son indemnité, alors même que le législateur a entendu exonérer les indemnités venant réparer ce type de licenciement.

Le prélèvement systématique de l’impôt sur le revenu sur les indemnités transactionnelles pourrait même inciter les salariés à refuser de régler leur sort à l’amiable et à préférer une issue contentieuse qui offre une exonération garantie en cas de prononcé d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mais alors, quelle est la solution ?

Tout d’abord, la négociation, car de nombreux employeurs n’ont pas connaissance de la législation applicable et de la jurisprudence en vigueur, et à son exposé, il arrive que certains d’entre eux renoncent au prélèvement à la source.

En cas d’échec des négociations et si l’employeur maintient sa décision de prélever l’impôt, il convient alors de contester ce prélèvement devant l’administration fiscale par l’introduction d’une réclamation contentieuse, et en cas de rejet de la réclamation, par l’introduction d’un recours devant le juge de l’impôt.

Pour rappel, ces derniers qualifieront l’indemnité au vu des pièces de l’instruction, il est donc indispensable de se constituer un dossier probant, tant sur le plan du droit du travail que sur le plan fiscal.

Aurélie Dalmasso & Lucas Lopez Avocats [->dalmasso.aurelie@avocat-conseil.fr]

[1CE 1-4-2015 n° 365253

[2CE 5-7-2018 n° 401157 ; CE 30-1-2019 n° 414136