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Comment le juge administratif fait application de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ? Par Ludovic Giudicelli, Avocat.
Parution : mardi 7 avril 2020
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Le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt intéressant concernant l’application de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme [1], notamment lorsqu’il existe des avis favorables au projet émis lors de l’instruction par la sous-commission départementale d’incendie et de secours et le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS).

Les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme sont souvent invoquées par les requérants à l’occasion de recours dirigés à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme.

Ces dispositions précisent que « le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations ».

Cet article du Règlement National d’Urbanisme s’applique nonobstant l’existence d’un document d’urbanisme [2].

Les requérants qui invoquent ces dispositions doivent démontrer que le projet est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique en évoquant plusieurs éléments :

-  la situation du projet ;

-  les caractéristiques du projet ;

-  l’importance du projet ;

-  l’implantation du projet à proximité d’autres installations.

Les requérants produisent alors plusieurs éléments pour consolider leur argumentation (études de risque, historique des catastrophes naturelles, documents réglementaires…).

Dans sa décision du 2 mars 2020, le Conseil d’Etat vient rassurer les porteurs de projet qui voient leur autorisation d’urbanisme contestée sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

En effet, la plus haute juridiction administrative française semble désormais faire prévaloir les avis favorables au projet émis lors de l’instruction par la sous-commission départementale d’incendie et de secours et le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS).

Dans l’affaire commentée, le Maire de Saint-Palais-sur-Mer a délivré à une société un permis de construire une terrasse temporaire pour partie sur le domaine public maritime.

Un riverain a d’abord sollicité l’annulation de l’arrêté de permis de construire devant le tribunal administratif, sans succès, puis obtenu gain de cause auprès de la cour administrative d’appel.

La cour a annulé l’autorisation d’urbanisme sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme en considérant que le projet présenterait un risque pour la sécurité publique au motif qu’en cas de forte marée, le terrain d’assiette du projet serait susceptible d’être envahi par l’océan, ce qui rendrait impraticables les escaliers permettant l’accès et l’évacuation de la terrasse par la plage.

Le Conseil d’Etat a toutefois considéré que la cour a commis une erreur manifeste d’appréciation et a dénaturé les pièces du dossier.

La cour aurait dû écarter l’existence d’un risque d’atteinte à la sécurité publique dans la mesure où le projet avait reçu des avis favorables de la sous-commission départementale d’incendie et de secours et du SDIS.

Dès lors, selon cette jurisprudence du Conseil d’Etat, l’existence de tels avis favorables émis au cours de l’instruction pourrait désormais venir faire obstacle à l’annulation du permis de construire sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

Les requérants devront donc redoubler d’effort et d’imagination pour trouver des arguments de nature à limiter la portée de ces avis.

Ludovic Giudicelli Avocat au Barreau de Paris

[1Conseil d’Etat, 2 mars 2020, Mairie de Saint-Palais-sur-Mer, n° 411056, Inédit au recueilLebon - https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000041675186&fastReqId=1708395024&fastPos=1

[2article R. 111-1 du code de l’urbanisme