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Le détournement de clientèle. Par Benjamin Dague, détective privé.
Parution : lundi 6 avril 2020
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Un article présentant l’un des agissements fautifs susceptible de permettre une action en concurrence déloyale. Identifier et comprendre la notion de détournement de clientèle afin de trouver les armes pour faire cesser le préjudice et obtenir réparation.

Vous êtes chef d’entreprise et suspectez un détournement de clientèle de la part d’un sous-traitant, d’un concurrent ou d’un de vos anciens salariés ? Ce détournement de clientèle entraine de graves dysfonctionnements et une désorganisation pour votre entreprise ?

Afin d’agir et vous défendre, il convient de cerner précisément le fondement juridique de la notion de détournement de clientèle afin de pouvoir caractériser cette dernière. Il est important de comprendre comment identifier les actes susceptibles de constituer un détournement de clientèle et donc justifier une action en concurrence déloyale.

1 : La notion de détournement de clientèle : caractéristiques et fondement juridique.

Parmi les actes pouvant justifier une action en concurrence déloyale il convient de mettre en exergue la désorganisation de l’entreprise, le dénigrement, la confusion ou encore le parasitisme. Ainsi, ces derniers pourront notamment avoir pour objectif un détournement de clientèle.

Cette notion n’est pas explicitement définie par la loi ou la jurisprudence en France. Néanmoins, dans un arrêt du 22 octobre 1985, la cour de cassation donne une définition assez large des actes de concurrence déloyale en précisant qu’ils peuvent être considérés comme « l’abus de liberté du commerce, causant volontairement ou non, un trouble commercial ».
D’un point de vue strictement juridique, rappelons que la concurrence déloyale trouve son fondement dans les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil (responsabilité civile).

Il faut donc retenir que le détournement de clientèle doit avoir pour origine une faute et avoir causé un préjudice à l’entreprise victime. En dernier lieu, il conviendra de démontrer l’existence d’un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

D’une manière générale, il faut considérer que le détournement de clientèle pourra être retenu lorsqu’un acte de déloyauté aura été utilisé pour capter la clientèle de l’entreprise victime. Il convient de préciser que l’intention de nuire n’est pas une condition obligatoire pour pouvoir retenir la concurrence déloyale.

En outre, comme indiqué plus haut ces actes pourront prendre la forme de dénigrement commercial (exemple : remise en cause des compétences de l’entreprise victime de détournement de clientèle), de parasitisme (ce dernier est défini par la Cour de cassation comme « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire »), de désorganisation de l’entreprise (exemple : détournement de fichiers clients) ou création d’une confusion (exemple : création d’une confusion dans l’esprit du consommateur en imitant des signes visuels d’une marque).

Le préjudice subit par l’entreprise peut être de différente nature. Ainsi, le détournement de clientèle pourra avoir eu pour conséquence une baisse de chiffre d’affaire, une mise en péril de la société, une perte de chance de développer l’entreprise ou une perte de clientèle.

Afin de ne pas mettre à mal le principe fondamental de la libre concurrence, il conviendra d’établir un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi. En d’autres termes, il faudra impérativement prouver que le préjudice subi par l’entreprise victime de détournement de clientèle est la conséquence directe de l’acte de déloyauté commis par le concurrent.

Les causes susceptibles d’entrainer une diminution de l’activité ou une perte de chiffre d’affaire peuvent êtres diverses et ne pas nécessairement être la conséquence d’actes de concurrence déloyale.

Il apparait que la démonstration d’un lien de causalité entre une faute et un préjudice peut s’avérer délicate. En ce sens, la jurisprudence prend en considération cette difficulté et se montre réaliste en adoptant une position, en règle générale, pragmatique.

2 : Les différents acteurs pouvant être à l’origine d’un détournement de clientèle.

Les personnes physiques ou morales susceptibles de se livrer à un détournement de clientèle peuvent être diverses et variées.

En effet, un associé, un sous-traitant, une entreprise étrangère ou un salarié peuvent être à l’origine d’un détournement de clientèle susceptible d’être qualifié d’acte de concurrence déloyale.

Concernant les salariés il convient de distinguer deux situations :

Le principe général qui doit être mis en avant est celui de l’obligation de loyauté du salarié vis-à-vis de son employeur. En application de ce principe, un salarié doit s’interdire d’avoir des agissements qui seraient contraires aux intérêts de la société dans laquelle il est employé.

Une réponse ministérielle publiée au journal officiel de l’assemblée nationale le 24 août 1998 précise que « cette obligation interdit au salarié de développer, directement ou indirectement, pour son compte ou celui d’un tiers, tout acte de concurrence à l’encontre de l’entreprise qui l’emploie pendant la durée de son contrat de travail comme pendant la suspension de celui-ci ». Cette réponse vient préciser que le devoir de loyauté et par extension l’interdiction de se livrer à du détournement de clientèle perdurent durant un arrêt maladie ou des congés payés.

Afin de se prémunir contre des actes de déloyauté qui permettraient un détournement de clientèle, l’employeur pourra veiller à insérer dans le contrat de travail une clause de non-concurrence. A condition qu’elle respecte les principes de limitation dans le temps, de zone géographique et d’indemnisation, cette clause permettra à l’employeur de se garantir contre un détournement de clientèle par son ancien salarié.

En l’absence de clause de non-concurrence et à condition qu’il ne se livre pas au dénigrement de son ancien employeur et à une campagne entrainant la confusion avec ce dernier, l’ex salarié pourra continuer à évoluer dans le même secteur d’activité et tenter de capter la clientèle qu’il désire.

M. Benjamin DAGUE Directeur d'enquêtes privées / Agence Fox détectives