Village de la Justice www.village-justice.com

Prêt immobilier : la Crédit Logement de nouveau sanctionné ! Par Pierre Déat, Avocat.
Parution : jeudi 9 avril 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/pret-immobilier-credit-logement-nouveau-sanctionne,34621.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Le 20 février 2019, la Cour de cassation écartait le recours du Crédit Logement contre un emprunteur pour avoir réglé sa dette de façon prématurée (voir sur le village de la justice : Cautionnement de prêt immobilier : La faute du crédit logement sanctionnée. Par Charlyves Salagnon, Avocat.).
Le 28 janvier dernier, le Crédit Logement a été condamné par la Cour d’appel d’Angers à verser des dommages-intérêts pour une autre dette également réglée de façon prématurée (CA Angers, 28 janv. 2020, n°16-02915). Ces décisions sont d’une importance majeure pour les emprunteurs endettés.

Les prêts immobiliers sont garantis soit par l’inscription d’une hypothèque soit par un organisme institutionnel, la caution [1].

Le principe d’une caution est qu’elle se substitue à l’emprunteur défaillant dans le versement des sommes réclamées par la banque. La caution qui a réglé la dette devient le créancier de l’emprunteur. Elle peut dès lors exiger de lui le remboursement des sommes payées pour son compte.

Contre l’emprunteur, la caution dispose notamment du recours personnel prévu à l’article 2305 du Code civil [2]. Dans le cadre de ce recours, l’emprunteur ne peut pas contester la dette principale, celle que la caution a réglée à la banque.

En principe, la caution ne doit régler la dette réclamée par la banque qu’après en avoir avisé l’emprunteur. Il arrive néanmoins que la caution donne paiement de la dette à l’insu de l’emprunteur qui, par conséquent, perd, sans préavis, l’opportunité d’en contester le bienfondé devant son banquier. Cette situation préjudicie éminemment à ses droits.

Presque jamais sanctionné, le paiement hâtif/prématuré de la caution l’a été dans l’arrêt de la Cour de cassation du 20 février 2019 précité [3].

En l’espèce, la dette avait été réglée par le Crédit Logement sans avertissement préalable de l’emprunteur alors que celui-ci aurait pu opposer à la banque l’irrégularité de la déchéance du terme. La Cour de cassation avait écarté le recours de la caution au visa de l’article 2308 alinéa 2nd du Code civil selon lequel :

« Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier. »

La Cour d’appel d’Angers a été saisie d’un cas de figure analogue dont est issue sa décision du 28 janvier dernier.

Là encore, le règlement de la dette par le Crédit Logement était intervenu sans information préalable des emprunteurs. Ces derniers contestaient les conditions dans lesquelles leur prêt avait été accordé, soulevant un défaut de mise en garde de la banque sur leur capacité de remboursement. La caution avait répondu que ce moyen ne lui était pas opposable.

La Cour d’appel d’Angers a cependant estimé que le paiement hâtif de la caution avait empêché les emprunteurs d’opposer au prêteur le fait qu’il avait manqué à son devoir de mise en garde. La cour a condamné en conséquence la caution à verser aux emprunteurs 40.000 € de dommages et intérêts pour cette faute (à noter que les emprunteurs ont tout de même été condamnés à rembourser la caution car les conditions de l’article 2308, alinéa 2nd du Code civil n’étaient pas réunies dans ce cas).

Ces décisions viennent renforcer les obligations de la caution à l’égard des emprunteurs et rétablir un déséquilibre patent. A bon entendeur…

Pierre DÉAT - Avocat au Barreau de Paris deat.pierre@gmail.com

[1art. L. 513-3 du Code monétaire et financier

[2que l’on distingue du recours subrogatoire de l’article 2306 du Code civil

[3Civ. 1ère, 20 février 2019, n°17-27963