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Médecine du travail et COVID-19 : que prévoit l’ordonnance n°2020-386 du 1er avril 2020 ? Par Frédéric Chhum et Camille Bonhoure, Avocats.
Parution : vendredi 10 avril 2020
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Durant la période actuelle de crise sanitaire liée au Coronavirus, les entreprises doivent adapter leur production et leur organisation de travail.

Ces adaptations passent nécessairement par une modification des pratiques des salariés et ce afin de préserver leur santé, leur sécurité et limiter les risques de contamination.

Par une ordonnance n°2020-386 du 1er avril 2020, les pouvoirs publics aménagent les conditions d’exercice des services de santé au travail et ce afin d’accompagner au mieux les employeurs durant la crise sanitaire.

1) Covid-19 : une mission de prévention renforcée pour le médecin du travail.

1.1) Les Services de Santé au Travail (SST) participent à la lutte contre la propagation du COVID-19.

L’article L.4622-1 du Code du travail dispose que les services de santé au travail « ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».

Aussi, durant la période de pandémie du covid-19 le rôle du médecin du travail et des services de santé au travail sont d’autant plus importants afin de préserver la santé et la sécurité des salariés.

L’article 1 de l’ordonnance du 1er avril 2020 rappelle ainsi que les services de santé au travail « participent à la lutte contre la propagation du covid-19 ».

Les premières actions des services de santé au travail visées par l’ordonnance sont :
- La diffusion de messages de prévention contre le risque de contagion ;
- L’appui des entreprises dans la définition et la mise en œuvre de mesures de prévention adéquates ;
- L’accompagnement des entreprises faisant face à un accroissement ou à une adaptation de leur activité.

L’entreprise doit ainsi s’associer aux services de santé au travail afin d’informer les salariés sur les gestes et pratiques à avoir mais également pour déterminer les mesures à prendre (port de masques, de gants ou combinaisons, modalités de nettoyage des locaux, adaptation des postes de travail, etc.).

1.2) Dérogation aux durées maximales de travail : consultation des SST.

De plus, et au-delà des risques directs liés au COVID-19, les services de santé au travail doivent également être consultés lorsque l’entreprise entend déroger aux durées maximales de travail ou aux durées légales de repos.

En effet, l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 prévoit la possibilité, pour les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaire à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, de déroger aux durées légales de travail.

Or, dans une telle hypothèse, l’accompagnement par les services de santé au travail s’avéra d’autant plus important pour limiter les risques psychosociaux (burn-out, épuisement professionnel, accident du travail, etc.).

2) Accroissement des pouvoirs du médecin du travail durant la pandémie de COVID-19.

2.1) Possibilité pour le médecin du travail de prescrire ou renouveler un arrêt de travail en présence d’infection ou de suspicion d’infection au covid-19.

En principe, seul l’arrêt maladie prescrit par le médecin traitant est générateur d’indemnités journalières de sécurité sociale, le médecin du travail ayant quant à lui un rôle « exclusivement préventif » (article L.4622-3 du Code du travail).

Par dérogation et jusqu’au 31 août 2020, le médecin du travail pourra désormais prescrire ou renouveler un arrêt de travail en présence d’infection ou de suspicion d’infection au COVID-19.

Cette mesure permet ainsi de limiter les risques de contamination au sein de l’entreprise, tout en soulageant les médecins généralistes.

2.2) Possibilité de procéder à des tests de dépistage du COVID-19.

De plus, l’article 2 de l’ordonnance prévoit que le médecin du travail peut procéder à des tests de dépistage du COVID-19.

Cette nouvelle prérogative de la médecine du travail a pour objectif affiché, selon le ministère du Travail, « d’associer les services de santé au travail à une politique de tests plus massifs dans une perspective de sortie de confinement ».

Néanmoins, l’ordonnance ne précise pas dans quelle mesure les services de santé au travail seront fournis en équipement de protection et en tests de dépistage.

3) Report des visites médicales et des interventions auprès des entreprises.

L’objectif affiché de l’ordonnance du 1er avril 2020 est de concentrer l’activité des services de santé au travail sur la prévention, la détection et la lutte contre le COVID-19.

Aussi, et si les articles L.4624-1 et suivants du Code du travail prévoient l’organisation de visites médicales d’embauche et périodiques pour tous les salariés, ces prérogatives font l’objet d’aménagements importants durant la pandémie de COVID-19...

L’article 3 de l’ordonnance prévoit ainsi que ces visites médicales peuvent être reportées, sauf à ce que le médecin du travail estime indispensable de les maintenir.

Cela concernera notamment les travailleurs devant faire l’objet d’un suivi particulier (travailleurs handicapés, travailleurs mineurs, femmes enceintes, etc) ou affectés à des travaux présentant des risques particuliers pour leur santé ou celle de leurs collègues.

L’article 3 de l’ordonnance précise en outre que le report d’une visite médicale ne fait pas obstacle à l’embauche ou la reprise du travail.

De même, les services de santé au travail peuvent être amenés à intervenir au sein des entreprises dans le cadre d’action de prévention.

Durant la période du covid-19, ces interventions doivent être reportées, sauf urgence, et ce afin de concentrer l’activité sur la prévention du COVID-19.

Des interventions et actions de prévention en rapport avec le covid-19 peuvent et doivent donc intervenir au sein des entreprises en priorité.

L’ensemble de ces mesures sont applicables au plus tard jusqu’au 31 août 2020.

Source.

Ordonnance n°2020-386 du 1er avril 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d’autorisation d’activité partielle.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum