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Santé au travail et Covid 19 : 5 questions/réponses sur les obligations des employeurs (partie 1). Par Frédéric Chhum et Camille Bonhoure, Avocats.
Parution : samedi 11 avril 2020
Adresse de l'article original :
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Le 28 février 2020, le ministère du Travail publiait un questions/réponses à destination des entreprises et salariés au regard du contexte du Covid-19.
Plusieurs mises à jour sont depuis lors intervenues afin de prendre en considération l’évolution de la situation sanitaire et des mesures gouvernementales.

Le présent article traite :
- Des mesures que doit mettre en œuvre l’employeur pour protéger les salariés dans le contexte de la pandémie COVID 19 (1) ;
- Les mesures spécifiques à mettre en place pour les salariés travaillant en contact avec le public (2) ;
- La mise à jour du DUER au regard de COVID 19 (3) ;
- La conduite à tenir par l’employeur si un salarié de l’entreprise est contaminé au virus COVID 19 (4) ;
- Du droit de retrait des salariés (5).

1) Quelles mesures à prendre afin de protéger la santé des salariés ?

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés, il doit donc prendre les mesures nécessaires pour « assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (article L.4121-1 du Code du travail).

Au regard du contexte sanitaire actuel et de cette obligation, plusieurs mesures sont recommandées par le ministère du Travail.

En priorité, l’employeur doit placer les salariés en télétravail dès que leur emploi le permet et éviter les déplacements professionnels.

Si le télétravail n’est pas possible, l’employeur doit alors aménager les postes de travail afin de limiter les contacts et éviter tout risque de contamination.

Cela passe notamment par :
- Le respect des règles de distanciation et des gestes barrières ;
- Le lavage très régulier des mains ;
- La limitation au stricte nécessaire des réunions ;
- La limitation des regroupements de salariés dans les espaces réduits ;
- Éviter les lieux où se trouvent les personnes fragiles ;
- Le report / l’annulation de tout déplacement non indispensable ;
- La réorganisation du travail (le ministère du Travail préconisant, lorsque cela est possible, la rotation des équipes).

Concernant le port de masques, le ministère du Travail précise que l’employeur peut avoir recours à des masques FFP2 périmés depuis moins de 24 mois, sous condition d’avoir été stockés conformément aux préconisations du fabricant et après avoir fait l’objet de 4 tests successifs dont la liste est établie sur le site du ministère du Travail.

À défaut de prendre des mesures adéquates pour préserver la santé de ses salariés, l’employeur engage sa responsabilité du fait de son obligation de sécurité de résultat.

2) Quelles mesures pour les salariés travaillant au contact du public ?

Le ministère du Travail distingue deux catégories contact avec le public : les contacts brefs et les contacts prolongés et proches.

Pour les contacts brefs, seuls sont recommandées les mesures barrières, c’est-à-dire limiter les contacts et se laver très régulièrement les mains.

Pour les contacts prolongés et proches, le ministère du Travail préconise, outre de se laver très régulièrement les mains, de maintenir une distance d’un mètre entre les salariés et la clientèle et de nettoyer les surfaces avec un produit détergent.

3) Mise à jour du DUER au regard du COVID-19.

L’article R.4121-2 du Code du travail prévoit la mise à jour du DUER lorsqu’une décision d’aménagement important modifie les conditions de santé et de sécurité des salariés.

En l’occurrence, du fait de la pandémie du Covid-19, les entreprises doivent mettre à jour le DUER afin de prévenir d’éventuelles contaminations et assurer la protection de leurs salariés.

Cette actualisation du DUER a pour objectifs :
- D’identifier les situations de travail habituelles pouvant entraîner une transmission du Covid-19, notamment au regard des conditions de transmission du virus et des « contacts étroits » entre salariés ;
- D’anticiper « les risques liés à l’épidémie » et notamment anticiper les risques liés à l’évolution de l’épidémie ;
- D’identifier les risques liés à la nouvelle organisation du travail mise en place suite à l’épidémie (télétravail, aménagement des locaux, nouvelle organisation du travail, etc.).

Du fait de l’actualisation du DUER, des mesures devront alors être prises par les entreprises, que ce soit des mesures de prévention, d’information, de formation ou de protection en cas de risque réalisé.

4) Quelle réaction de l’employeur lorsque des salariés présentent des symptômes / sont contaminés ?

Lorsqu’un salarié présente des symptômes (fièvre, signes respiratoires), l’employeur doit le renvoyer chez lui ou, en cas de symptômes graves, contacter le 15.

Si un salarié s’avère contaminé par le Covid-19, et du fait de son obligation de sécurité de résultat, il est recommandé à l’employeur de nettoyer les sols et les surfaces (le virus pouvant probablement survivre 3 heures).

Les conditions de nettoyage des locaux de l’entreprise font elles aussi l’objet de préconisation de la part du ministère du Travail (équipement des personnes en charge du nettoyage, port de protection et matériel à usage unique, lavage en 3 étapes avec un produit détergent, de l’eau potable et de l’eau de javel).

Le ministère du Travail précise cependant que la fermeture de l’entreprise ne s’impose en présence de cas avérés de Covid-19.

L’employeur doit cependant respecter les préconisations sanitaires. Il peut le cas échéant se rapprocher de la médecine du travail afin d’être accompagné dans la mise en œuvre des mesures de prévention.

5) Le salarié peut-il invoquer son droit de retrait au regard du Covid-19 ?

Prévu par l’article L.4131-1 du Code du travail, le droit de retrait permet à un salarié de se retirer de son poste de travail en cas de motif raisonnable de penser qu’une situation de travail « présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ».

Le ministère du Travail rappelle que le droit de retrait ne peut s’exercer que face à une situation particulière de travail et non face à un contexte général (notamment de pandémie).
Aussi, le ministère du Travail estime que si l’employeur met en œuvre toutes les préconisations sanitaires, le droit de retrait ne pourrait trouver à s’appliquer.

Cependant, l’exercice du droit de retrait par des salariés fera certainement l’objet d’appréciation, au cas par cas, par les juridictions.

En cas d’exercice abusif du droit de retrait, le salarié peut subir une retenue de salaire et, le cas échéant, être licencié pour cause réelle et sérieuse.

Pour plus d’informations sur le droit de retrait en période de Covid-19, voir notre article.

Suite de cet article : "Représentation du personnel et Covid-19 : 5 questions/réponses sur les obligations des employeurs" ici.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum