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Les délits d’évasion et de connivence à l’évasion. Par Avi Bitton, Avocat.
Parution : jeudi 30 avril 2020
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Qui peut être accusé d’évasion ou de connivence à l’évasion ?
Qu’est-ce qu’une évasion ?
Quelles sont les peines encourues ?

Le délit d’évasion est défini comme « le fait, par un détenu, de se soustraire à la garde à laquelle il est soumis » [1]. Ainsi, le détenu est punissable qu’il s’évade du fait d’une situation fortuite ou d’une négligence de ses gardiens.

Le délit de connivence à l’évasion, quant à lui, est défini comme le « fait, par toute personne chargée de sa surveillance, de faciliter ou de préparer, même par abstention volontaire, l’évasion d’un détenu » [2].

I. La définition de l’évasion et de la connivence à l’évasion.

L’infraction ne peut être commise que par des personnes ayant un statut particulier prévu par la loi (A) et elle implique la réunion d’un élément matériel et d’un élément intentionnel (B).

A. Les personnes concernées.

Qu’il s’agisse du délit d’évasion comme de la connivence, leur auteur doit avoir un statut particulier.

Pour le délit d’évasion, l’auteur doit être détenu.

Pour le délit de connivence à l’évasion, l’auteur doit être chargé de la surveillance du détenu.

Un détenu est une personne soit :

- placée en garde à vue,
- en instance ou en cours de présentation à l’autorité judiciaire à l’issue d’une garde-à-vue ou en exécution d’un mandat d’amener ou d’arrêt,
- à laquelle a été notifiée un mandat de dépôt ou un mandat d’arrêt continuant de produire effet,
- exécute une peine privative de liberté,
- a été arrêtée pour exécuter une peine privative de liberté,
- est placée sous écrou extraditionnel [3].

En revanche, une personne détenue sur décision administrative ne peut pas commettre le délit d’évasion. De même qu’une personne à laquelle le placement en garde à vue n’a pas encore été notifié.

Concernant la personne chargée de la surveillance du détenu, il s’agit évidemment du personnel pénitentiaire mais cette notion a été étendue à toute personne habilitée, par ses fonctions, à pénétrer dans un établissement de l’administration pénitentiaire ou à approcher, à quelque titre que ce soit, les détenus [4].

Ainsi un avocat, un médecin ou encore un visiteur de prison peuvent être poursuivis. Au contraire, les familles ne sont pas visées par le texte.

B. Les éléments constitutifs du délit.

Le délit d’évasion nécessite un acte positif consistant à s’échapper, à se soustraire à la garde à laquelle le détenu est soumis.

En revanche, le délit de connivence à l’évasion peut soit être un acte positif consistant à faciliter ou préparer l’évasion du détenu, soit une abstention volontaire d’agir permettant de faciliter l’évasion du détenu. L’infraction est considérée comme constituée même si l’évasion n’a pas lieu.

Dans les deux cas, l’infraction doit être intentionnelle.

L’article 434-29 du Code pénal assimile à l’évasion le fait pour :

- un détenu placé dans un établissement sanitaire ou hospitalier, de se soustraire à la surveillance à laquelle il est soumis ;

- tout condamné, de se soustraire au contrôle auquel il est soumis alors qu’il a fait l’objet d’une décision, soit de placement à l’extérieur d’un établissement pénitentiaire, soit de placement sous surveillance électronique, ou qu’il bénéficie, soit du régime de la semi-liberté, soit d’une permission de sortir ;

- tout condamné, de ne pas réintégrer l’établissement pénitentiaire à l’issue d’une mesure de suspension ou de fractionnement de l’emprisonnement, de placement à l’extérieur, de semi-liberté, ou de permission de sortir ;

- tout condamné placé sous surveillance électronique, de neutraliser par quelque moyen que ce soit le procédé permettant de détecter à distance sa présence ou son absence dans le lieu désigné par le juge de l’application des peines ;

Ainsi, en ne respectant pas les horaires prévus dans le cadre de la semi-liberté, une personne est susceptible d’être poursuivie pour évasion. C’est également le cas d’une personne retirant son bracelet électronique sans autorisation du juge [5].

II. Poursuite et répression de l’évasion et de la connivence à l’évasion.

A. Poursuite.

Une procédure dérogatoire est applicable pour la poursuite des auteurs du délit d’évasion.

Premièrement, le délit d’évasion entre dans le champ d’application de la géolocalisation [6]. Ainsi, même si la peine encourue est inférieure à 5 ans d’emprisonnement, l’usage de la géolocalisation est exceptionnellement rendu possible afin de retrouver son auteur.

Deuxièmement, la procédure particulière d’enquête, de poursuite, d’instruction et de jugement relative à la criminalité et à la délinquance organisées est applicable au délit d’évasion commis en bande organisée, à l’exception des dispositions relatives à la garde à vue [7].

B. Peines.

Le délit d’évasion et le délit de connivence à l’évasion ne sont pas réprimés des mêmes peines.

1° Le délit d’évasion.

L’auteur d’un délit d’évasion encoure 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Le délit d’évasion est réprimé plus sévèrement lorsqu’il a été commis sous la menace d’une arme ou d’une substance explosive, incendiaire ou toxique, lorsqu’il a été fait usage de ces moyens, ou lorsque les faits sont commis en bande organisée, que les membres de cette bande soient ou non des détenus [8].

Lorsque l’évasion est réalisée par violence, effraction ou corruption, la peine est portée à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Lorsque l’évasion est réalisée sous la menace d’une arme ou d’une substance explosive, incendiaire ou toxique, la peine est portée à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

Lorsqu’il a été fait usage d’une arme ou d’une substance explosive, incendiaire ou toxique ou lorsque les faits sont commis en bande organisée, que les membres de cette bande soient ou non des détenus, la peine est portée à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

2° La connivence à l’évasion.

Le délit de connivence à l’évasion est réprimé plus sévèrement que le délit d’évasion lui-même : il est est puni de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende [9].

Lorsque le délit de connivence consiste en la fourniture ou l’usage d’une arme ou d’une substance explosive, incendiaire ou toxique, l’infraction est punie de 15 ans de réclusion criminelle et de 225 000 € d’amende [10].

3° La complicité d’évasion.

Enfin, il faut souligner que la complicité d’évasion est un délit spécifiquement prévu par la loi.

Le fait pour toute personne, de procurer à un détenu tout moyen de se soustraire à la garde à laquelle il était soumis, est puni de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende [11].

L’infraction est caractérisée que le concours soit efficace ou qu’il ne le soit pas.

Si le concours apporté s’accompagne de violence, d’effraction ou de corruption, l’infraction est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

Si ce concours consiste en la fourniture ou l’usage d’une arme ou d’une substance explosive, incendiaire ou toxique, l’infraction est punie de 7 ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende [12].

Avi Bitton, Avocat, Ancien Membre du Conseil de l’Ordre Tél. : 01.46.47.68.42 Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1C. pén., art 434-27

[2C. pén., art. 434-33

[3C. pén., art. 434-28

[4C. pén., art. 434-33, al. 2

[5article 434-29 du Code pénal

[6articles 230-32 à 230-44 du Code de procédure pénale

[7CPP, art. 706-73-1, 1

[8C. pén., art. 434-30

[9C. pén., art. 434-33, al. 1er, C. pén., art. 434-33, al. 2

[10C. pén., art. 434-33, al. 3

[11C. pén., art. 434-32, al. 1er

[12C. pén., art. 434-32, al. 2 . ; C. pén., art. 434-32, al. 3