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Notion d’état de besoin et déduction d’une pension alimentaire versée à l’un de ses enfants ou à l’un de ses parents. Par Dimitri Delpech, Avocat.
Parution : mardi 21 avril 2020
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Depuis le lundi 20 avril 2020 les Français peuvent déclarer en ligne leurs revenus de l’année 2019.

Comme tous les ans de nombreuses questions se posent. Parmi celles-ci il y a notamment la question des conditions de déductibilité d’une pension alimentaire versée à un ascendant ou à un descendant dans un état de besoin.

Le Code civil dispose à son article 205 que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ».

Cette obligation est réciproque : les parents doivent des aliments à leurs enfants dans le besoin (article 207 du Code civil).

En vertu de ces obligations civiles les pensions versées sont déductibles du revenu imposable sur le plan fiscal. En contrepartie elles doivent être déclarées par le créancier (article 156 du Code général des impôts).

Etant donné que le créancier doit être dans un état de besoin cela ne devrait pas générer de taxation au titre de l’impôt sur le revenu puisque celui-ci devrait être non imposable.

Pour l’imposition des revenus de l’année de 2019 (déclaration d’impôt à faire en 2020) la déduction est plafonnée sur le plan fiscal à 5.947 euros.

Le débiteur doit être en mesure de justifier le versement de la pension (paiement de factures pour le compte du bénéficiaire, virements bancaires sur le compte du bénéficiaire) et il doit être en mesure de justifier que le créancier est dans un état de besoin.

La notion d’état de besoin est difficile à appréhender car elle n’est précisée ni par le Code civil ni par le Code général des impôts.

En outre cette notion est subjective. L’état de besoin n’est pas perçu de la même manière par tout le monde.

Peut-on déterminer un seuil de revenu en dessous duquel le bénéficiaire est considéré comme étant dans un état de besoin ?

Le Conseil d’Etat a retenu le critère du SMIC pour évaluer l’état de besoin du bénéficiaire et a même admis qu’un revenu un peu supérieur au SMIC pouvait justifier l’état de besoin [1].

Cette référence a été reprise par les juridictions du fond [2].

Cependant ce mois-ci la Cour administrative d’appel de Lyon a refusé de reconnaître l’état de besoin d’une personne ayant des revenus proches du SMIC mais un peu supérieurs à celui-ci [3].

Elle confirme le sens d’un arrêt qu’elle avait rendu 2 ans auparavant [4].

Ces arrêts semblent sévères. Peut-on estimer que l’on est à l’abri du besoin avec le SMIC d’aujourd’hui ?

Les juges justifient leur solution dans le premier cas en estimant que la bénéficiaire de la pension alimentaire était célibataire et sans enfant à charge. Dans le second cas les juges retiennent l’insuffisance des justifications pour fonder leur solution.

En revanche il y a deux situations dans lesquelles on peut estimer que la notion d’état de besoin est admise.

La première est le revenu inférieur au seuil de pauvreté [5].

La seconde est la situation dans laquelle le bénéficiaire est étudiant [6].

En conclusion l’état de besoin semble être admis pour un créancier ayant des revenus inférieurs au seuil de pauvreté ou un créancier qui est étudiant.

En revanche la situation dans laquelle le bénéficiaire aurait des revenus compris entre le seuil de pauvreté et l’équivalent d’un peu plus que le SMIC se fera au cas par cas.

Le contribuable devra dans ce cas-là justifier l’état de besoin du bénéficiaire par des charges particulières auxquelles il doit faire face : frais de santé, enfants à charge, frais de déplacement élevés pour des raisons professionnelles, etc.

Dimitri Delpech, Avocat. [->dimitridelpech.avocat@gmail.com]

[1Conseil d’Etat, 8 / 7 SSR, 21 mars 1983, n° 28054.

[2Cour administrative d’appel de Nantes, 17 avril 2001, n° 97NT01923.

[3Cour administrative d’appel de Lyon, 3 avril 2020, n° 18LY02221.

[4Cour administrative d’appel de Lyon, 26 juin 2018, n° 17LY01166.

[5Cour administrative d’appel de Nantes, 28 juin 2019, n° 18NT00356.

[6Cour administrative d’appel de Lyon, 30 janvier 2020, n° 18LY02021.