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Covid-19 : forfaits touristiques et titres de transport : les conditions d’annulation et de remboursement. Par Rachel Nakache, Avocat.
Parution : mercredi 22 avril 2020
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Vacances annulées pendant le confinement, souhait de réserver des vacances pour cet été, quelles sont les conditions légales d’annulation et de remboursement ?

Les beaux jours s’installent et vous vous demandez où passer vos vacances d’été.

Pourtant, Elisabeth Borne et Jean-Baptiste Djebbari, respectivement Ministre de la transition écologique et solidaire et Secrétaire d’Etat aux transports ont recommandé de ne pas envisager de vacances à l’étranger mais de rester en France pendant cette période délicate liée à la propagation mondiale du Covid-19. Edouard Philippe, Premier Ministre l’a récemment confirmé.

Ainsi, beaucoup de voyageurs se demandent s’ils peuvent annuler leurs vacances réservées avant le confinement et s’ils auront droit au remboursement de celles-ci. D’autres se demandent avec espoir de la levée du confinement d’ici les vacances estivales s’ils peuvent réserver leur voyage maintenant et l’annuler si le confinement devait être prolongé.

Les professionnels du tourisme, de l’hôtellerie, des transports, des activités touristiques, s’interrogent quant à eux sur la politique commerciale à mettre en place pendant la crise sanitaire, sur la façon dont ils vont mettre en œuvre les nouvelles règles légales récemment adoptées et porter ces informations de manière claire et compréhensible à leurs clients.

On peut donc s’interroger sur les conditions d’annulation d’un voyage pendant cette crise sanitaire mondiale, qu’il ait été prévu pour les ponts de mai ou pour les vacances estivales, face à l’incertitude de la reprise des activités liés au tourisme.

Il convient de distinguer les règles en matière d’annulation de contrats de voyages touristiques et séjours (I) de celles relatives à l’annulation d’un titre de transport (II).

I - L’annulation de certains contrats de voyages touristiques et séjours.

L’Ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020 pose le cadre juridique des « conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure »

Il convient de s’intéresser successivement à son champ d’application (a), puis au dispositif prévu (b), et enfin ses suites (c).

a) Champ d’application.

Le champ d’application de l’Ordonnance du 25 mars 2020 porte uniquement sur les annulations :
- de voyages à forfait, ou de services de voyages (hébergement, location de voiture, activités touristiques). Sont concernés les voyages vendus par un organisateur ou détaillant (tour opérateur, agence). Sont exclues les locations entre particuliers telles celles réalisées via Airbnb, Abritel… dont les conditions d’annulation sont prévues par les conditions générales de vente de ces plateformes ;
- liées aux circonstances exceptionnelles de propagation du covid-19 ;
- à l’initiative du consommateur ou du professionnel ;
- intervenues entre le 1er mars et le 15 septembre 2020. L’ordonnance connait ainsi une application rétroactive puisque publiée le 26 mars 2020 mais régissant les annulations intervenues depuis le 1er mars 2020.

L’ordonnance n’évoque que la date à laquelle intervient la résolution du séjour ou du contrat de touristique. Elle n’évoque en revanche pas la date à laquelle ce contrat a été souscrit, soit la date de réservation de celui-ci.

Ainsi, il semble que l’on puisse considérer, pour simple exemple, que la réservation intervenue le 10 mai 2020 d’un hôtel pour un séjour du 1er au 15 août 2020 puisse bénéficier du dispositif d’annulation mis en place par l’Ordonnance dès lors que l’annulation est liée au Covid-19, que ce soit par la prolongation de la période de confinement rendant impossible les déplacements, du maintien de l’interdiction d’ouverture de bars et restaurants rendant difficile à l’hôtel la relance de son activité, ou encore que le voyageur soit affecté par le virus ou qu’il soit à risque.

b) Dispositif mis en place.

L’application temporelle de l’Ordonnance ne portant que sur une période de 6 mois et demi commençant à courir le 1er mars 2020, les annulations de voyages antérieures sont régies par les dispositions de droit commun du code du tourisme.

Ainsi, si l’annulation est intervenue avant le 1er mars 2020, les dispositions des articles L211-14 et R211-10 du Code de la consommation ouvrent droit au consommateur à la résolution sans frais du contrat de voyage et au remboursement intégral des sommes avancées dans un délai de 14 jours suivant l’annulation si celle-ci est liée à des « circonstances exceptionnelles et inévitables », tel le Covid-19. Si toutefois le professionnel devait proposer un avoir, il aurait une durée de 18 mois avec possibilité de remboursement à l’issue de sa validité.

Concernant les annulations de contrats ou voyages touristiques régis par l’ordonnance, soit celles intervenues entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020, elles peuvent conduire :
- soit à un remboursement intégral de la réservation si la situation du professionnel le permet ;
- soit à un avoir du montant de la réservation d’une durée de validité de 18 mois. L’avoir d’une durée de 12 mois tel que généralement pratiqué avant la crise du Covid-19 n’est pas valable.

Les mêmes règles sont applicables pour les avoirs versés pour des voyages annulés à ces dates.

L’information claire du consommateur étant importante, l’Ordonnance prévoit que le professionnel proposant un avoir doit respecter un certain formalisme en :
- informant le consommateur sur support durable ;
- dans un délai de 30 jours après la résolution du contrat ou après la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance si le contrat a été résolu antérieurement ;
- précisant le montant de l’avoir, les conditions de délai et sa durée de validité.

c) Les suites.

Après avoir informé le consommateur de son droit à un avoir, le professionnel dispose d’un délai de 3 mois à compter de la date d’annulation pour proposer une nouvelle prestation à son client :
- identique ou équivalente à celle annulée ;
- ne pouvant excéder le prix de la prestation annulée ;
- sans autre majoration tarifaire que celle prévue au contrat résolu ;
- valable pendant 18 mois.

Il est possible que le prix de la nouvelle prestation diffère par rapport à celui de la prestation annulée. Toutefois, cela ne peut intervenir que dans l’hypothèse d’une demande du voyageur.

Il en résulte que si le prix de la nouvelle prestation devait différer, il doit nécessairement prendre en compte le montant de l’avoir. Cela implique, si la nouvelle prestation est à un prix :
- supérieur à la prestation annulée : que le consommateur devra verser un complément ;
- inférieur à la prestation annulée : que le consommateur conservera le solde de l’avoir.

Si l’avoir n’est pas utilisé, que ce soit partiellement ou dans son intégralité, à l’issue de sa durée de validité de 18 mois, les fonds seront automatiquement remboursés au consommateur.

II- L’annulation du titre de transport.

Les titres de transport, qu’il s’agisse de billets d’avion, de train, de bateau, de bus, d’autocar, sont exclus du dispositif de l’Ordonnance du 25 mars 2020.

Les conditions d’annulation des titres de transport pendant la pandémie du Covid-19 restent donc régies par les règles de droit européen et international.

A cet égard, le 18 mars 2020, la Commission Européenne a adopté de nouvelles lignes directrices concernant « les droits des passagers au regard de l’évolution de la situation en ce qui concerne le Covid-19 », souhaitant ainsi préciser les modalités d’application des dispositions européennes dans ce contexte si particulier.

Sont détaillées ci-après les conditions d’annulation des billets d’avion (a) et de train (b).

Au préalable, il convient de rappeler que « la réglementation de l’UE relative aux droits des passagers ne traite pas des situations dans lesquelles les passagers ne peuvent pas voyager ou souhaitent annuler un voyage de leur propre initiative ».

Ainsi, l’annulation de transport à l’initiative du passager est soumise aux conditions contractuelles souscrites au moment de la réservation. Il convient donc de se référer aux caractéristiques de son titre (remboursable, modifiable) et aux conditions générales de vente du transporteur. Ces dernières peuvent prévoir d’offrir « un bon », soit un avoir au passager, dans un délai fixé par le transporteur selon sa politique commerciale.

a) L’annulation du transport aérien.

1- Champ d’application.

Les règles relatives aux droits des passagers aériens prévues par le règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2004 s’appliquent aux passagers :
- au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un Etat membre soumis aux dispositions du Traité ;
- au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité, (…) si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire. La Cour de Cassation a rappelé l’importance de ce dernier critère dans un arrêt de la 1ère Chambre civile du 26 septembre 2019, n°18-21188.

2- Modalités pratiques d’annulation.

Lorsque la compagnie aérienne annule un vol, cela ouvre droit au passager :
- au remboursement de son billet ;
- à son réacheminement dans les meilleurs délais ;
- à son réacheminement à une date ultérieure à sa convenance.

Concernant le remboursement du billet d’avion, seule hypothèse envisagée ici, il convient de distinguer si :
- la réservation du vol aller et du vol retour a été faite séparément. Dans cette hypothèse, seul le vol annulé sera remboursé ;
- le vol aller et le vol retour ont été réservés ensemble, le passager voyant son vol aller annulé pourra également obtenir le remboursement de son vol retour.

Outre le droit au remboursement de son billet d’avion, il pourrait être envisagé de bénéficier du droit à indemnisation prévu aux articles 5 et 7 du règlement.

Cependant, la Commission européenne a rappelé, dans ses lignes directrices, la dérogation au droit à indemnisation consistant en « des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ». Elle estime que cette dérogation pourrait se voir appliquer concernant la pandémie du Covid-19.

En effet, les pouvoirs publics limitent la circulation des personnes ou interdisent des vols et les compagnies aériennes annulent certains de leurs vols pour des motifs de protection de la santé de l’équipage. Dans ces conditions, la Commission Européenne considère que l’annulation serait donc due à des circonstances exceptionnelles et le passager n’aurait pas le droit à une indemnisation complémentaire.

Il est conseillé de se rapprocher de son transporteur afin de prendre connaissance des conditions d’annulation et de remboursement mises en place dans le cadre de cette crise mondiale.

b) L’annulation du transport ferroviaire.

En matière de transport ferroviaire, le règlement (CE) n°1371/2007 du 23 octobre 2007 prévoit que le transporteur ferroviaire est responsable envers le voyage en cas de :
- suppression d’un train ;
- de retard ;
- de manquement d’une correspondance.

Plus précisément, concernant le retard du train, le règlement prévoit que si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un train arrive avec plus de 60 minutes de retard, le voyageur a immédiatement le choix entre :
- le remboursement intégral du billet ;
- la poursuite du voyage ou un réacheminement vers la destination finale dans les meilleurs délais ;
- ou à une date ultérieure à sa convenance.

Si le voyageur opte pour l’une de ces deux dernières options, il a également le droit à une indemnisation de 25% du prix du billet pour les retards de 60 à 119 minutes et 50% du prix du billet pour les retards de 120 minutes ou plus. Cette indemnisation doit être payée dans le mois qui suit la demande d’indemnisation.

En revanche, aucune indemnisation n’est due si :
- le voyageur a été informé du retard avant d’acheter son billet de train ;
- si le retard reste inférieur à 60 minutes.

En outre, la responsabilité du transporteur ferroviaire ne peut être engagée pour suppression, retard ou correspondance manquée si elles résultent « des circonstances extérieures à l’exploitation ferroviaire et que le transporteur, en dépit de la diligence requise d’après les particularités de l’espèce, ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier ».

Les lignes directrices de la Commission Européenne ne précisent pas si la crise sanitaire actuelle du Covid-19 serait, à l’instar du transport aérien, une circonstance extérieure n’ouvrant pas droit à indemnisation du passager.

En tout état de cause, en France, la SNCF a adopté une politique commerciale exceptionnelle pour faire face à la suppression de ses trains. Elle a ainsi ouvert le droit aux voyageurs d’échanger ou se faire rembourser sans frais leurs billets de train, même non remboursables.

Enfin, il pourrait être utile de se rapprocher de l’assureur lié à l’achat du titre de transport, que ce soit l’assurance souscrite au moment de la réservation ou l’assurance de la carte bancaire ayant servi au paiement si par extraordinaire les conditions du transport et son annulation n’étaient pas prévues dans le cadre ci-avant cité.

Maître Rachel Nakache
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