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La garantie des vices cachés à l’occasion d’une vente immobilière. Par Jean-Loïc Tixier-Vignancour, Avocat.
Parution : vendredi 24 avril 2020
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Un acquéreur découvre postérieurement à l’achat d’un bien immobilier un ou plusieurs vices cachés l’affectant, dont il n’avait pas été informé au préalable.
Dans quels cas peut-il engager un recours contre le vendeur ?

1. Les caractéristiques du vice caché.

Le régime juridique de la garantie des vices cachés est fixé par l’article 1641 du code civil, lequel dispose que :
"Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus."

Il s’en déduit que le vice reproché doit réunir plusieurs caractéristiques, dont il appartient à l’acquéreur de rapporter la preuve :
- Il doit s’agir d’un vice caché par opposition à un vice apparent, c’est-à-dire que l’acheteur normalement diligent n’a pu en prendre connaissance. Dans le même sens, n’est plus caché le vice dont le vendeur a informé l’acquéreur avant la vente (pour autant que l’information n’ait pas été tronquée),
- Le vice caché doit être inhérent au bien vendu,
- Le vice doit être suffisamment important, de sorte qu’il rend le bien immobilier impropre à l’usage auquel on le destine ou en diminue tellement l’usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis ou à un moindre prix,
- Le vice doit enfin avoir existé au moment de la vente. Les conséquences induites par le vice peuvent pour leur part s’être aggravées postérieurement la vente.

La Cour de cassation considère que la pollution découverte sur un terrain est constitutive d’un vice caché [1]. A cet égard, le vice caché peut résider non pas la connaissance de la pollution du sol mais dans son ampleur [2].

2.La clause d’exclusion de la garantie des vices cachés insérée à l’acte de vente.

Suivant la possibilité offerte par l’article 1643 du Code civil, les actes de vente immobilier prévoient quasi systématiquement une exclusion de la garantie des vices cachés.

Cette clause ne peut toutefois pas bénéficier au vendeur professionnel de l’immobilier. La qualité de vendeur professionnel doit s’apprécier par rapport aux activités immobilières du vendeur.

Lorsque le vendeur est une société, la qualité de vendeur professionnel peut notamment s’apprécier par rapport à son objet social :
- Une société de marchand de biens qui procède habituellement une activité de rachat et de revente peut être qualifiée de vendeur professionnel [3],
- Une solution identique a été rendu pour un lotisseur [4].

Toutefois, la jurisprudence tend à adopter une conception extensive du vendeur professionnel :
- Ont été qualifiées de vendeur professionnel des SCI patrimoniales [5],
- Ainsi que des particuliers ayant des compétences immobilières alors qu’ils contractaient dans un but personnel [6].
- Un vendeur particulier ne pourra pas non plus se prévaloir d’une clause de non-garantie des vices cachés pour les travaux qu’il a réalisés [7].

Vis-à-vis d’un vendeur non-professionnel, l’acquéreur pourra faire obstacle à la clause de non recours à la condition de démontrer sa connaissance du vice au moment de la vente. Cette mise en échec ressort de l’obligation de bonne foi à laquelle les parties à un contrat sont astreintes, laquelle est d’ordre public, de sorte qu’il ne peut y être dérogé.

Il est ainsi jugé que :
- Si le vendeur connaissait les vices de la chose, la mauvaise foi du vendeur est établie [8].
- La mauvaise foi du vendeur lui interdit de se prévaloir de la clause d’exclusion de garantie, qu’il s’agisse d’une réticence à informer l’acheteur ou d’une dissimulation frauduleuse du défaut, et sans qu’il soit possible de distinguer la partie connue du défaut de celle qui ne l’était pas [9],
- La connaissance de ce que l’immeuble était infecté par des insectes xylophages paralyse l’exclusion de la garantie [10].

C’est à l’acheteur de rapporter la preuve que son vendeur est de mauvaise foi [11].

En matière de pollution des sols, pour recevoir application, la clause de non-recours des vices cachés doit répondre à deux conditions :
- Elle doit être suffisamment explicite et précise, ce qui n’est pas le cas de la clause insérée à l’acte de vente qui ne concerne que les vices du sol et du sous-sol à raison des fouilles et des excavations (CA Paris 4ème Chambre section 1, 19 novembre 2009).
- Elle ne peut pas bénéficier à un vendeur professionnel.

3. Mise en œuvre de la garantie des vices cachés.

Suivant les dispositions de l’article 1648 du code civil, l’action en justice doit être intentée dans les 2 ans à compter de la découverte du vice. Le délai de prescription est interrompu par une assignation délivrée par l’acquéreur à son vendeur.

L’acquéreur dispose d’un droit d’option : il peut poursuivre une action rédhibitoire (annulation de la vente) ou une action estimatoire (réduction du prix) à concurrence du coût de la remise en état, outre des dommages et intérêts s’il prouve que le vendeur avait connaissance du vice.

Le recours à une expertise judiciaire sera le plus souvent nécessaire pour l’acquéreur, afin :
- D’établir la connaissance par le vendeur du vice caché au moment de la vente immobilière,
- De démontrer l’antériorité, la gravité et le caractère caché des désordres,
- De chiffrer le montant des travaux de remise en état.

A son issue, et faute d’accord amiable, l’acquéreur devra engager une action judiciaire en ouverture du rapport d’expertise judiciaire contre le vendeur. Celle-ci devra être engagée dans le délai de deux ans suivant l’assignation en référé si la procédure d’expertise venait à se prolonger.

Enfin, la responsabilité de l’agent immobilier ou du notaire de la vente peut également être engagée s’ils ont commis une faute leur étant imputable.

Jean-Loïc TIXIER-VIGNANCOUR Avocat au barreau de Paris (01.44.76.09.20) http://www.tixier-avocats.com

[1Cass. 3ème Civ. 9 octobre 2013 n°12-14502.

[2Cass. 3ème Civ. 8 juin 2006 n°04-19069.

[3CA Paris, 2ème Chambre section A, 20 février 1996 n°93-10943 et 93-20055.

[4CA Amiens, Chambre 1 Section 1, 21 octobre 2010 n°09-00867.

[5Cass. 3ème Civ. 27 octobre 2016, n°15-24232.

[6Cass. 3ème Civ. 13 juillet 2016 n°15-16414.

[7Cass. 3ème Civ. 26 avril 2006 n°04-18466 ; Cass. 3ème Civ. 4 mars 2004 n°13-11058.

[8Cass. 3ème Civ. 18 juin 2008 n°06-20713 et 06-21062.

[9Cass. 3ème Civ. 14 avril 2010 n°09-14455.

[10Cass. 1ère Civ. 13 décembre 2005 n°03-16815.

[11Cass. 3ème Civ. 28 mai 2002 n°01-00363.