Village de la Justice www.village-justice.com

Recours contre un permis de construire modificatif : attention à la procédure ! Par Ludovic Giudicelli, Avocat.
Parution : dimanche 26 avril 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/recours-contre-permis-construire-modificatif-attention-procedure,34972.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La cour administrative d’appel de Lyon a rendu un arrêt particulièrement éclairant sur les modalités de recours contre un permis de construire modificatif (Cour administrative d’appel de Lyon, 2 avril 2020, n° 19LY03706).
Elle précise le contenu de l’article L600-5-2 du code de l’urbanisme qui vise à joindre au sein d’une même instance les recours dirigés contre un permis et ses modificatifs.

Les faits de l’affaire sont relativement courants en matière d’urbanisme.

Un particulier a obtenu du Maire de La Clusaz un permis de construire en date du 12 juillet 2018.

Cette autorisation d’urbanisme a été contestée devant le tribunal administratif de Grenoble par des riverains.

Alors que l’instance contre ce permis initial était toujours pendante, le Maire de La Clusaz a délivré un permis de construire modificatif le 23 mai 2019.

Il faut noter que cette demande était spontanée et ne résultait pas d’une demande du juge, en application des articles L600-5 et 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Les mêmes requérants ont alors introduit une requête introductive d’instance dirigée contre le permis de construire modificatif.

Toutefois, faisant une application particulièrement stricte des dispositions de l’article L600-5-2 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette requête par ordonnance en date du 28 août 2019.

C’est dans ce contexte que les requérants ont sollicité de la cour administrative d’appel de Lyon l’annulation de cette ordonnance.

Ce litige s’avère particulièrement instructif puisque les parties faisaient valoir deux interprétations potentielles des dispositions en cause.

D’une part, les requérants soutenaient que la nouvelle requête était recevable dans la mesure où ni le bénéficiaire, ni la commune, n’ont versé le permis de construire modificatif au cours de l’instance portant sur le permis de construire initial.

D’autre part, la commune et le bénéficiaire estimaient que, dans la mesure où le permis de construire modificatif avait été communiqué par lettre recommandée aux requérants, les dispositions de l’article L600-5-2 du code de l’urbanisme s’appliquaient et rendaient la requête irrecevable.

Selon eux, les requérants auraient dû contester le permis de construire modificatif dans le cadre de l’instance concernant le permis de construire initial.

La cour administrative d’appel de Lyon était donc amenée à trancher une question épineuse.

Dans son arrêt, la juridiction administrative a rappelé les termes de l’article L600-5-2 du code de l’urbanisme :

« Lorsqu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d’aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance ».

La Cour précise alors qu’en application de ces dispositions, une requête distincte tendant à l’annulation d’un permis de construire modificatif, d’une décision modificative ou mesure de régularisation est irrecevable si cet acte a été produit dans le cadre de l’instance dirigée contre le permis initial, à l’exception des requêtes introduites par un tiers.

Elle estime que c’est à tort que la juridiction de première instance a considéré que le permis de construire modificatif ne pouvait être contesté que dans le cadre de l’instance, alors pendante, dirigée contre le permis de construire initial du 12 juillet 2018.

La cour a donc fait une interprétation plus conforme à l’esprit de la loi.

Elle a en effet constaté que le permis de construire a été communiqué aux requérants par courrier avec accusé de réception.

Cependant, le permis de construire n’a pas été produit dans le cadre de l’instance en cours dirigée contre le permis de construire initial.

Dès lors, les requérants n’étaient pas irrecevables à contester par un recours distinct le permis de construire modificatif du 23 mai 2019.

Pour cette raison, la cour conclut à l’irrégularité de l’ordonnance du tribunal administratif et à son annulation.

Cette solution, bien que logique, s’avère nécessaire dans la mesure où la rédaction du code de l’urbanisme demeure assez floue.

En synthèse, il faut donc conseiller aux parties d’être particulièrement vigilantes lorsqu’est en jeu la légalité d’un permis de construire modificatif.

Pour la commune et le bénéficiaire, il convient, dès l’existence d’une autorisation d’urbanisme modificative, de produire cet acte dans le cadre de l’instance portant sur le permis de construire initial.

Cette communication doit être réalisée via Télérecours, en précisant qu’elle intervient dans les conditions prévues par l’article L600-5-2 du Code de l’urbanisme.

Pour les requérants, deux solutions semblent s’imposer :
- à défaut de communication du permis modificatif par voie procédural, saisir le juge d’une requête dirigée contre le permis de construire modificatif ;
- en présence d’une communication du permis modificatif par voie procédural, dans le cadre de l’instance dirigée contre le permis de construire initial, compléter les conclusions en sollicitant l’annulation du permis modificatif.

Enfin, les tiers, c’est-à-dire un requérant qui n’aurait pas contesté le permis initial, devra naturellement introduire une requête à l’encontre du permis modificatif dans une nouvelle instance.

Il est donc important de suivre la jurisprudence afin de sécuriser juridiquement le contentieux.

Ludovic Giudicelli Avocat au Barreau de Paris
Comentaires: