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Elfo ou le « code du bonheur », regards juridiques sur la série "Désenchantée". Par Antoine Lunven, Etudiant.
Parution : lundi 27 avril 2020
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Cet article s’intéresse au premier épisode de la série "Désenchantée" et analyse les dispositions qui régissent Elfwood, un monde imaginaire où cohabitent des elfes. Les dispositions fictives sont contenues dans un "code du bonheur", inspirées de dispositions juridiques réelles.

Elfo est un elfe qui vit et travaille à Elfwood (une communauté partagée entre le communisme soviétique et le libéralisme économique), dans une manufacture de fabrication de boîtes à bonbons.

C’est un travail à la chaîne, en cadence, qui de plus, nécessite que l’ouvrier travaille en étant joyeux en vertu du « code du bonheur ». Or contrairement aux dispositions prohibitives du code joyeux, Elfo est différent des autres, en qu’il ne correspond pas à la description d’un elfe joyeux. Cette attitude différenciatrice va choquer sa communauté et provoquera son expulsion la cité d’Elfwood.

Le diktat du code joyeux peut prêter à sourire, mais ce souhait ou cette exigence se retrouve dans de nombres ordres juridiques ainsi que dans le droit positif (telle que la récente révision de la Constitution Brésilienne qui introduit un nouvel amendement dit du droit au bonheur, contenant notamment les droits à l’éducation, à l’alimentation, au logement, sans que toutefois le Gouvernement n’est à les garantir ou à les rendre effectif).

L’une des apparitions les plus remarquables du droit au bonheur est celle contenue dans la déclaration d’indépendances des Etats-Unis, de 1776 qui prescrit « the poursuit of hapiness », c’est-à-dire le droit à la recherche, à la poursuite du bonheur. Cette finalité du droit peut être la poursuite du bonheur plus matériel par le droit de propriété, ce qui reflète le caractère bourgeois de la DDHC en ses articles 2 et 17. Cela correspond à une première génération de droits à un accès au bonheur.

Cependant, cette recherche du bonheur évolue selon les conceptions et les besoins de la société, faisant apparaître une seconde génération de droits-joyeux. Ainsi, les exigences du Front populaire en 1936, ainsi que la possibilité de partir en vacances pour les familles des classes moyennes, qui se dessine par l’introduction de congés payés, participent à ce droit au bonheur socio-économique.

C’est ce que reflète le préambule de la Constitution de 1946 en son alinéa 10, prévoit que « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». De plus, l’idée de la solidarité ressort dans l’alinéa suivant, en prévoyant que la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». A cela s’ajoute, le droit à non-discrimination, le droit à avoir un travail, le droit à l’allocation chômage, le droit à la grève.

Finalement, l’accès au bonheur, aujourd’hui, est encore plus diversifié et éparse. Par exemple, la loi qui introduit, le mariage pour tous s’inscrit dans cette portée de pouvoir donner aux citoyens d’accéder au bonheur, et à tous les citoyens sans distinction, peut être relié au droit à fonder à une famille, donc une multitude de droits à la paternité, à la maternité, voire à la PMA. Le droit à l’environnement sain participe au bonheur, ou le conditionne. Le droit à l’éducation fait partie ces droits fondamentaux

Ainsi, s’il n’y a pas proprement de code joyeux, il y a bien évidemment des dispositions directrices tendant à ce que la société accède au bonheur. Si la grande majorité de ces dispositions ne sont pas dotées d’effet direct, elles ont le mérite d’éclairer le droit et de lui donner un objectif à atteindre.

Ainsi la question de savoir si ces dispositions sont prohibitives ou non, n’est pas une question juridique, mais philosophique.

Antoine Lunven, étudiant en droit public Linkedin : https://www.linkedin.com/in/antoine-lunven-01/