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De l’impact du Projet Capitant sur la mention manuscrite du Cautionnement. Par Marc Lebarbier et Arnaud Thomas, Etudiants.
Parution : lundi 27 avril 2020
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Le formalisme du cautionnement permet à la caution de prendre conscience de l’étendue de son engagement, fonction essentiellement assurée par la mention manuscrite, écrite par la caution.

I) L’état actuel de la mention manuscrite.

A) La mention manuscrite à titre probatoire : Une fonction en déclin.

L’Article 1376 du Code Civil s’inscrit dans le système de la preuve légale pour les contrats unilatéraux aux termes desquels un débiteur s’engage à payer une somme d’argent ou à livrer une certaine quantité de biens fongibles. Un tel contrat est prouvé au moyen d’un acte sous seing privé revêtu d’une mention manuscrite.

Le cautionnement, répondant par essence aux conditions d’application de ce texte, se voit en conséquence appliquer une telle exigence probatoire. Mais le cautionnement est privé de l’application du droit commun en un grand nombre d’hypothèses. A titre d’exemple les cautionnements souscrits par une personne physique envers un créancier professionnel échappent à l’article 1376, une mention manuscrite étant exigée ad validitatem.

B) La Mention Manuscrite à titre de validité : Une fonction relativement prospère.

L’Article L331-1 du Code de la Consommation impose une mention principale portant sur la somme que la caution s’engage à payer et plus généralement sur l’engagement pris par la caution. Quand le cautionnement est solidaire, une mention manuscrite supplémentaire doit être rédigée [1].

Ces textes sont d’application générale, mais n’ont pas une portée absolue : ils s’appliquent au cautionnement par acte sous seing privé. L’acte authentique et le cautionnement contresigné par avocat échappent à l’exigence d’une mention manuscrite. Ces textes sont également écartés en présence d’une caution personne morale et ne s’appliquent qu’aux créanciers professionnels. On notera que si cette formule est source d’incertitude, la jurisprudence a eu l’occasion de l’éclairer : est un créancier professionnel, celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession [2].

La mention de ces articles est sacramentelle, les mots imposés par la loi doivent être précisément employés. Toutefois, la haute juridiction fait régulièrement preuve de souplesse au regard de cette exigence de formalisme. En effet, la Cour de Cassation a consacré, par un arrêt de principe du 9 novembre 2004, la régularité de la mention en l’absence de dénaturation du sens ou de la portée de la mention manuscrite. Ainsi, les juges du quai de l’Horloge apprécient l’importance du décalage entre le texte de l’article et le texte de l’acte de cautionnement. Si la mention devient confuse et ne remplit plus la fonction de renforcement du consentement, elle devient irrégulière. [3].

C) Réserves sur l’intérêt actuel de la mention manuscrite.

L’objectif de la mention manuscrite est de s’assurer du consentement non vicié du débiteur de l’obligation. En matière de cautionnement, elle permet de s’assurer que la caution a mesuré l’étendue de son engagement. Aldous Huxley conseille ses lecteurs en ces termes : "Ecrivez ! Noircir le papier permet d’éclaircir l’esprit" et c’est précisément l’objectif poursuivi par le formalisme strict du cautionnement. En somme, le but de la mention manuscrite est d’avertir la caution. Donc, une caution initialement profane est avertie après la rédaction de la mention manuscrite.

Or, l’exigence de proportionnalité prétorienne protège a posteriori la caution non-avertie dans les cas où elle n’est pas déjà protégée par la loi (Cela concerne uniquement la personne morale profane). C’est une erreur de la jurisprudence qui oublie que la caution non avertie l’est par la mention manuscrite. Cette surprotection de la caution fera sans doute l’objet, à terme, et il faut l’espérer dès 2021, d’une correction législative.

II) L’avant-projet de réforme des sûretés.

La réforme du 23 mars 2006 a rénové le droit des sûretés, à l’exception faite du régime du cautionnement. Pour pallier cette défaillance, l’avant-projet de réforme des sûretés prévu pour le 23 mai 2021, Projet Capitant, s’articule autour de dispositions générales et réforme le cautionnement. Elle concerne « l’unification et l’intégration au code civil, du régime de la mention manuscrite et de la proportionnalité en étendant à toute personne physique, quelle que soit la qualité du créancier, la protection qui en résulte ».

Le projet de réforme consacre le lien entre la mention manuscrite et l’exigence de proportionnalité, qui ont un objectif commun : La garantie de la solvabilité de la caution à l’issue de la demande en paiement.

Le nouvel article 2298 du Code Civil reprend les dispositions de l’article 1376, dont le champ d’application ne se limite pas au créancier professionnel, mais en étend l’exigibilité, en plaçant la mention manuscrite non plus en tant que condition probatoire, mais en tant que condition de validité du contrat de cautionnement.

Pour se placer dans le sens de l’article L331-1 du Code de la Consommation, le futur article 2298 en reprend les dispositions en les étendant à tout créancier. Il fera doublon avec les articles dudit code qui, de toute évidence, ont vocation à disparaître. L’éventuel nouvel article 2298 se démarque toutefois des articles du Code de la Consommation en ne dictant plus le texte précis que la caution doit rédiger mais simplement ce qu’elle doit comporter.

L’avant-projet tend donc à simplifier le formalisme de la mention manuscrite pour le cautionnement et appelle une unification de son régime. Dans le cas contraire, L’articulation de ces deux articles [4] sera source d’insécurité juridique. En application de l’adage « le spécial déroge au général » le cautionnement entre un créancier professionnel et la caution personne physique restera régie par le code de la consommation. L’article 1376 du code civil ne s’appliquera plus au cautionnement.

En somme, cette simplification ambitieuse est la bienvenue à condition qu’elle emporte la suppression des articles surannés du code de la consommation.

Marc Lebarbier et Arnaud Thomas Master I Droit des Affaires Rennes I

[1Article L.331-2 du Code de la consommation.

[2Cass civ, 25 juin 2009.

[3Cass, 16 mai 2012, 11-17.411 et 15-18.239.

[42298 et L331-1 voire même 1376.

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