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Non-respect du principe du contradictoire prévu à l’article L80 M du Livre des Procédures Fiscales. Par Marie-Paule Dionisi-Naudin, Avocat.
Parution : mardi 28 avril 2020
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Dans un arrêt du 18 mars 2020, la Cour de cassation considère que le principe du contradictoire prévu à l’article L 80 M du Livre des Procédure Fiscales n’est pas respecté lorsque le contribuable reçoit les documents sur lesquels l’administration fonde sa décision après l’établissement du procès-verbal d’infractions [1].

L’article L80 M du Livre des Procédures Fiscales dispose que :

« I.-1. En matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l’administration.

Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l’administration. Il est invité à faire connaître ses observations.

Lorsque l’échange contradictoire a lieu oralement, le contribuable est informé qu’il peut demander à bénéficier d’une communication écrite dans les conditions prévues au 2.

La date, l’heure et le contenu de la communication orale mentionnée à l’alinéa précédent sont consignés par l’administration. Cet enregistrement atteste, sauf preuve contraire, que l’administration a permis au contribuable concerné de faire connaître ses observations.

2. Si le contribuable demande à bénéficier d’une communication écrite, l’administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d’avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

Le contribuable dispose d’un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de taxation pour formuler ses observations ou faire connaître son acceptation.

A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l’issue du délai de trente jours prévu à l’alinéa précédent, l’administration prend sa décision.

Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée  ».

Il résulte de ces dispositions que, lorsque le contribuable demande à bénéficier de la communication écrite des éléments sur lesquels l’Administration envisage les poursuites, celle-ci doit lui adresser une proposition de taxation motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

Dans son arrêt du 18 mars 2020, la Cour de cassation juge que « faute d’avoir eu connaissance des documents sur lesquels l’administration entendait fonder sa décision, le redevable n’avait pas pu faire valoir utilement ses observations avant que celle-ci n’établisse le procès-verbal d’infractions ».

La Cour de cassation considère qu’en application du principe du respect des droits de la défense, qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision.

Dans cette affaire, une société, entrepositaire agréé, avait procédé à l’expédition de boissons alcoolisées en suspension de droits d’accise, après émission de documents administratifs électroniques, à destination d’entreprises situées, notamment, dans des Etats membres de l’Union européenne, les destinataires émettant un document d’apurement à la réception des marchandises.

Après enquête, l’administration des douanes avait retenu que plusieurs des sociétés destinataires des livraisons étaient fictives ou n’avaient jamais reçu les marchandises.

Après notification d’un avis préalable de taxation, l’administration des douanes avait notifié à la société un procès-verbal d’infractions puis un avis de mise en recouvrement (AMR), que cette dernière avait contesté.

Elle faisait valoir que l’intégralité des éléments sur lesquels se fondait l’avis préalable de taxation ne lui avait été transmise qu’après l’établissement du procès-verbal et de l’avis de mise en recouvrement.

En effet, après réception de l’avis préalable du 16 mai 2013, la société avait demandé, dans ses observations formulées par courrier du 11 juin 2013, la communication de ces éléments, qui ne lui sont parvenus que le 23 octobre 2013, et ce après le procès-verbal d’infraction du 31 juillet 2013 et l’avis de mise en recouvrement du 4 septembre 2013.

Cass. com., 18 mars 2020, n° 17-20596, arrêt 268 FS-P+B

Marie-Paule Dionisi-Naudin Spécialiste en droit fiscal et droit douanier www.dionisi-naudin-avocat.fr

[1Cass. com., 18 mars 2020, n° 17-20596, arrêt 268 FS-P+B.