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La réforme du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs. Par Marie-Dominique Luccioni, Avocat.
Parution : vendredi 1er mai 2020
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Né en 1964 pour favoriser la création artistique et pour tenir compte de la situation spécifique des créateurs d’œuvres de l’esprit, le régime de sécurité sociale des artistes-auteurs a fortement évolué depuis la loi Malraux n°64-1338 du 26 décembre 1964.

En effet, et depuis le 1er janvier 2019, le régime social des artistes-auteurs a été profondément revu par une importante réforme dont les points essentiels sont ci-dessous détaillés.

1. La suppression des numéros d’ordre Maison des artistes et AGESSA.

Avant la réforme.

La Maison des Artistes (ci-après dénommée « la MDA ») et l’Association pour la Gestion de la Sécurité Sociale des Auteurs (ci-après dénommée « l’AGESSA ») attribuaient autrefois un numéro d’ordre, simple numéro d’enregistrement administratif, à chaque artiste-auteur, en sus du numéro de sécurité sociale enregistré.

Depuis la réforme.

Désormais, et pour les personnes démarrant leur activité en 2019, seul le numéro de sécurité sociale permet de justifier de l’affiliation au régime des artistes-auteurs.

Il est toutefois déconseillé pour l’artiste-auteur de faire figurer sur ses factures son numéro de sécurité sociale ; seul suffit son n° SIREN/SIRET et son code NAF/APE qui attestent du caractère professionnel et artistique de son activité.

Les anciens numéros d’ordre de la MDA et de l’AGESSA peuvent simplement être utilisés dans le cadre de la relation avec ces organismes afin d’être identifié lors d’une prise de contact.

2. L’URSSAF en charge de la collecte des cotisations et contributions sociales.

Avant la réforme.

Historiquement, le recouvrement des cotisations et contributions sociales s’effectuait selon les branches d’activités concernées :
- Par la MDA pour tous les artistes-auteurs d’œuvres d’arts graphiques et plastiques ;
- Par l’AGESSA pour de toutes les auteurs catégories d’artistes-auteurs à savoir comme les traducteurs, illustrateurs, auteurs compositeurs, auteurs dramatiques, photographes et autres activités ne relevant pas des arts graphiques et plastiques.

Depuis la réforme.

Depuis le 1er janvier 2020, et dans une optique de simplification du régime, les cotisations et contributions sociales sont appelées par l’URSSAF et non plus par la MDA ou par l’AGESSA. Il n’est désormais plus fait de distinction selon la nature de l’activité artistique, si ce n’est pour les agréments de gestion.

L’URSSAF assure désormais la collecte des cotisations et contributions sociales en lieu et place de la MDA et de l’AGESSA.

A cette fin, l’artiste-auteur doit créer un compte sur www.artistes-auteurs.urssaf.fr.

En dehors de la période de crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19, le calendrier des appels trimestriels reste en revanche inchangé à savoir :
- Un appel exigible au 15 juillet est payable avant le 15 août ;
- Un appel exigible au 15 octobre est payable avant le 15 novembre ;
- Un appel exigible au 15 janvier est payable avant le 15 février ;
- Un appel exigible au 15 avril est payable avant le 15 mai.

Toutefois, la MDA et l’AGESSA ne disparaissent pas et restent les interlocuteurs des artistes-auteurs pour les missions notamment relatives à l’affiliation des artistes-auteurs, leur protection sociale et la gestion de l’action sociale.

3. La suppression de la distinction affilié/assujetti et l’affiliation au régime de sécurité sociale dès le 1er euro gagné.

Avant la réforme.

Autrefois, les terminologies « être assujetti  » et « être affilié » utilisées dans le régime des artistes-auteurs n’avaient ni la même signification qu’au niveau du régime général, ni les mêmes effets.

En effet :

- « Être assujetti » signifiait être cotisant sans pour autant pouvoir bénéficier des prestations sociales résultant du régime et il suffisait d’avoir perçu un revenu artistique pour être assujetti et être soumis au paiement des cotisations sociales afférentes.

- « Être affilié » signifiait être cotisant et bénéficier de l’entière couverture sociale du régime des artistes-auteurs.

Pour être affilié au régime de sécurité sociale des artistes-auteurs, et ainsi bénéficier des prestations sociales correspondantes, l’artiste-auteur devait notamment justifier d’un seuil d’affiliation de revenus artistiques.

L’artiste-auteur devait donc déclarer fiscalement un revenu artistique au moins égal à 900 fois la valeur horaire moyenne du SMIC au cours de l’année n-1 précédant la demande d’affiliation pour être considéré comme affilié au régime :
- soit 9,67 € par heure x 900 = 8.703 € en 2016
- et 9,76 € x 900 = 8.784 euros en 2017.

Depuis la réforme.

Depuis la réforme, la distinction entre les notions d’affilié et d’assujetti précitées a été supprimée.

Ainsi, et à partir du 1er janvier 2019, tout artiste-auteur, et dès lors le premier euro de revenu artistique qu’il tire d’une ou plusieurs activités créatrices entrant dans le champ d’application du régime des artistes-auteurs est dit « affilié » au régime.

Le sens de ce terme a ainsi été modifié.

En revanche, être « affilié » ne signifie pas bénéficier d’une ouverture automatique des droits sociaux dès le premier euro perçu.

En effet, l’ouverture des droits sociaux (maladie, maternité, invalidité, décès, retraite de base) dépend toujours du montant des revenus artistiques annuels perçus.

Les conditions d’ouverture des droits de sécurité sociale et de retraite ne changent pas. Le seuil forfaitaire d’ouverture des droits reste celui de 900 x la valeur horaire moyenne du SMIC.

A ce sujet, la notion de « seuil d’affiliation », qui correspondait avant cette réforme au montant de revenus permettant l’ouverture des droits sociaux, est remplacée par celle de « seuil forfaitaire ».

En 2020, ce seuil forfaitaire correspond à 10,15 € par heure x 900 = 9.135 euros.

4. La dispense de précompte pour les artistes-auteurs déclarant fiscalement en BNC et le cas de la cotisation vieillesse plafonnée.

Avant la réforme.

Les artistes-auteurs étaient soumis au système du précompte.

Ce système correspond à une retenue, effectuée à la source, pour le paiement des cotisations sociales par les tiers appelés diffuseurs (clients ou employeurs) qui rémunèrent l’artiste-auteur.

En réalité, les sommes précomptées ne sont pas les cotisations, mais juste une avance prélevée à la source sur ces cotisations et l’organisme procède ensuite aux régularisations sur la base du revenu qui lui a été déclaré par l’artiste-auteur. Les sommes versées au titre du précompte viennent en déduction des cotisations et contributions dues par l’artiste-auteur affilié ou assujetti. Le diffuseur remet ensuite une certificat de précompte pour justifier le règlement des sommes précomptées.

Jusqu’alors, l’artiste-auteur ne pouvait pas s’opposer au précompte sauf s’il disposait d’une autorisation réglementaire dite de dispense de précompte qu’il devait présentait à tout diffuseur pour éviter tout précompte inutile ; cette dispense n’étant accordée que dans certaines situations.

Ce système s’appliquait à toute personne qui percevait un revenu artistique, quelle que soit sa situation au regard de la sécurité sociale et de l’administration fiscale.

Depuis la réforme.

Depuis le 1er janvier 2019, les artistes-auteurs déclarant leurs revenus en BNC (bénéfices non commerciaux ) sont automatiquement dispensés de précompte dès leur entrée au régime. Ces derniers n’ont donc pas à appliquer le précompte et peuvent fournir à leurs diffuseurs la dispense de précompte. C’est donc l’artiste-auteur qui devra s’acquitter personnellement de ses cotisations et contributions sociales et le diffuseur n’aura plus à précompter.

En revanche, les artistes-auteurs déclarant en BNC qui choisissent d’appliquer le précompte ou qui déclarent leurs revenus en traitements et salaires sont soumis au précompte. Ainsi, et comme sous l’ancien régime précédant la réforme, le diffuseur devra obligatoirement fournir à l’artiste-auteur une certification de précompte pour justifier du paiement.

Pour tous les autres artistes-auteurs déclarant leurs revenus en traitements et salaires (car salarié pour une activité artistique principale), le précompte continue à s’appliquer.

Notons également que depuis la réforme, la cotisation vieillesse (pour la retraite de base) plafonnée en 2019 au taux de 6,90% fait désormais partie du précompte, ce qui n’était pas le cas avant, et ce au même titre que les autres cotisations et contributions sociales.

5. La prise en compte des revenus dits accessoires.

Avant la réforme.

Avant le 1er janvier 2019, les artistes-auteurs devaient être affiliés pour pouvoir déclarer des revenus accessoires dépendant de leur activité.
En effet, les artistes-auteurs, lorsqu’ils étaient affiliés, pouvaient intégrer dans leurs revenus artistiques des activités accessoires non salariées, en principe exclues du champ d’application mais entrant dans le prolongement des activités artistiques afin d’éviter une double affiliation à un autre régime de sécurité sociale.

Sans que cette liste, ne soit exhaustive, on peut compter parmi ces activités :
- Animations d’ateliers ;
- Pratiques artistiques en milieu scolaire ;
- Rencontres et débats publics en lien direct avec l’œuvre de l’artiste-auteur ;
- Formations données dans l’atelier de l’artiste-auteur.

Depuis la réforme.

Depuis cette date, et la suppression de la distinction affilié / assujetti comme expliquée ci-dessus, tous les artistes-auteurs peuvent désormais bénéficier du dispositif des revenus dits accessoires, et ce, quel que soit le montant des revenus artistiques.

En conclusion…

Par cette nouvelle réforme, et sous l’impulsion d’organismes professionnels, le régime des artistes-auteurs, qui leur est propre, tente de devenir un régime de sécurité sociale plus satisfaisant notamment par la suppression de la distinction affilié/assujetti, même si certains points mériteraient, encore et à ce jour, d’être améliorés pour offrir aux artistes-auteurs une meilleure couverture sociale.

Marie-Dominique Luccioni, Avocat au Barreau de Paris
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