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Les droits du conjoint locataire victime de violences conjugales depuis la loi Elan. Par Ilanit Sagand, Avocat.
Parution : vendredi 8 mai 2020
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La loi ELAN (portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) du 23.11.2018 a été publiée au Journal Officiel du 24.11.2018.

Ainsi les rapports entre bailleur et locataire sont fortement impactés par ces dispositions nouvelles. Une nouveauté issue de l’article 8-2 notamment traite du sujet des titulaires d’un bail en cas de violences conjugales émanant du conjoint.

I - Rappel des sanctions encourues par les auteurs de violences conjugales.

Selon qu’il s’agisse de violences physiques, sexuelles ou psychologiques, la loi prévoit des peines distinctes. Rappelons qu’il s’agit de peines maximales que le Tribunal correctionnel appliquera au cas par cas selon la gravité des faits et selon le profil de l’auteur des violences ( a-t-il déjà un casier judiciaire ? pour ce type d’infractions ? est il en récidive ?...).

Dans le cas de violences physiques.

Des violences conjugales ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à 8 jours ou n’ayant pas entraîné d’ITT sont punies au maximum :
• de 3 ans de prison,
• et 45 000 € d’amende.

Si ces violences ont entraîné une ITT supérieure à 8 jours, la peine maximale est de :
• 5 ans de prison,
• et 75 000 € d’amende.

Si les violences conjugales sont fréquentes, elles peuvent être qualifiées de violences habituelles. La peine maximale est alors de :
• 5 ans de prison et 75 000 €d’amende, en cas d’ITT inférieure ou égale à 8 jours,
• 10 ans de prison et 150 000 d’amende en cas d’ITT supérieure à 8 jours.

En cas de violences ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner, la peine encourue est de :
• 20 ans de prison, si la mort a été causée par un seul cas de violences,
• 30 ans de prison, si la mort a été causée par des violences répétées.

En cas de meurtre ou de tentative de meurtre (si l’auteur a délibérément voulu tuer sa victime), la peine encourue est la prison à perpétuité.

Dans l’hypothèse de violences psychologiques.

Ces violences sont également réprimées par la loi quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques mais sont plus délicates à prouver.
En cas de harcèlement moral au sein du couple, si les faits ont entraîné une ITT inférieure ou égale à 8 jours (anxiété, ou s’ils n’ont entraîné aucune incapacité de travail dépression...), la peine maximale est de :
• 3 ans de prison,
• et 45 000 € d’amende.

Enfin s’agissant des Violences sexuelles :

Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage.
En cas de viol au sein d’un couple, la peine maximale est de 20 ans de prison.
En cas d’agression sexuelle autre que le viol, les peines sont de 7 ans d’emprisonnement et de 100.000 € d’amende.

Néanmoins ce qu’il faut savoir c’est que suite à un dépôt de plainte de la victime, le Procureur de la République près le Tribunal judiciaire peut décider de ne pas poursuivre l’auteur des violences devant un Tribunal correctionnel c’est notamment le cas de violences légères et isolées.

Et même dans le cas où le Procureur transmet le dossier au Tribunal correctionnel, la victime doit savoir que l’auteur des violences qui est par ailleurs souvent le père de ses enfants n’ira pas forcément en prison mais pourra faire l’objet d’autres sanctions pénales.

Le procureur peut notamment avoir recours, à différentes sanctions moins coercitives qu’une peine de prison :
• La composition pénale,
• Le rappel à la loi,
• Un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple (accompli par l’auteur des faits à ses frais),
• Une médiation pénale, uniquement si la victime est d’accord.

II - La locataire victime de violences conjugales.

La loi nouvelle a jouté dans la loi de 1989 portant sur les baux d’habitation un nouvel article 8-2 lequel précise les droits du conjoint locataire victime de violences conjugales et qui se trouve contraint de quitter le logement.

Cet article permet au membre du couple victime de violences de ne pas régler sa part de loyers mais il doit remplir des conditions.

Le conjoint ou partenaire lié par un PACS ou concubin notoire du locataire qui quitte le logement, en raison de violences exercées au sein du couple ou de violences sur l’enfant, doit informer le bailleur par lettre recommandée avec AR des faits de violences commises à son encontre ou sur l’enfant.

La loi exige néanmoins qu’il accompagne son courrier de l’Ordonnance de protection délivrée par le Juge aux Affaires Familiales ou de la copie d’un jugement ordonnant la condamnation pénale de son conjoint pour ces faits de violences.

Dés lors la solidarité du locataire victime de violences ou celle de la personne s’étant porté caution pour elle, prennent fin au lendemain de la première présentation au bailleur du courrier recommandé, pour les nouvelles dettes locatives c’est-à-dire les dettes nées après ce courrier.

Il convient d’apporter des précisions sur ce qu’est une Ordonnance de protection.

Si vous êtes victime de violences conjugales, vous pouvez déposer auprès du juge aux affaires familiales ce que l’on appelle une requête en vue de la délivrance d’une ordonnance de protection.

Vous devez prendre contact avec un avocat lequel vous accompagnera dans cette démarche, il faudra réunir avant votre rendez-vous toutes les preuves de violence que vous aurez : certificats médicaux, photo des blessures, témoignages...

Il est important de savoir que vous pouvez bénéficier de l’aide juridictionnelle pour obtenir un avocat payé par l’Etat si vous disposez de faibles moyens financiers. Il existe également des avocats spécialisés dans ce type de défense.

En cas de danger pour vous ou vos enfants, le JAF (juge aux affaires familiales) peut en effet vous délivrer en urgence une « ordonnance de protection », même si vous n’avez pas déposé plainte au commissariat à l’encontre de votre conjoint.

Il faut savoir que le JAF devra statuer dans un délai maximum de 8 jours à compter de la date d’audience et donc après avoir recueilli les observations de chaque partie. Le JAF compétent est celui rattaché au Tribunal judiciaire de votre domicile.

L’ordonnance de protection vise d’abord à interdire à l’auteur des violences de vous contacter ou de s’approcher de vous, à votre domicile, sur votre lieu de travail ou ailleurs.

Le juge peut aussi décider que chacun de vous deux porte un bracelet électronique qui permet de s’assurer qu’il ne se rapproche pas de vous en dessous d’une certaine distance. Si l’auteur des violences s’oppose à cette mesure, le juge doit en informer le procureur de la République.

Le juge qui délivre une ordonnance de protection peut aussi prononcer l’interdiction du droit de détention ou de port d’arme de l’auteur des violences. D’ailleurs, s’il n’envisage pas de le faire, il doit justifier sa position dans l’ordonnance de protection.

Le juge peut aussi proposer à l’auteur des violences une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique, ou le suivi d’un stage de prévention contre les violences.

Le JAF doit également se prononcer sur la résidence commune des époux, pacsés ou concubins. La jouissance du logement doit en principe être attribuée à la victime. L’auteur des violences doit alors quitter le domicile commun dans le délai fixé par le juge et sera contraint de continuer à prendre en charge financièrement le logement commun.

Si vous avez des enfants communs, le juge devra aussi se prononcer sur l’exercice de l’autorité parentale lequel pourra être modifié et sur les droits de visite et d’hébergement. Il pourra alors supprimer le droit d’hébergement et ordonner que le droit de visite de l’auteur des violences s’exerce dans un espace de rencontre ou en présence d’un tiers de confiance.
S’il ne le fait pas, alors qu’il a interdit à l’auteur des violences d’entrer en contact avec vous, il doit justifier sa position dans l’ordonnance de protection.

Les mesures contenues dans l’ordonnance de protection sont prises pour une durée de 6 mois et peuvent être prolongées.
Pour toute victime de violences conjugales, il existe un numéro de téléphone spécifique à composer qui est le 3919, en dehors des numéros habituelles 17 pour la police, 15 pour le Samu et 18 pour les pompiers en cas d’extrême urgence.

Par ailleurs un nouveau dispositif a été mise en place à savoir le signalement de ces violences auprès de votre pharmacie donc au plus proche de la victime ou même dans des centres commerciaux au sein d’espaces consacrés et dédiés à ces victimes.

Il ne faut pas hésiter pour les victimes à se renseigner et signaler ces violences.

Ilanit SAGAND NAHUM Avocat au Barreau de Paris Avocat à la Cour, Consultante et Administratrice de l'UNPI.