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Homologation par le juge des accords obtenus à la suite d’un processus conventionnel des différends. Par Françoise Balaguer, Avocat.
Parution : jeudi 7 mai 2020
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Les accords obtenus à la suite d’un processus conventionnel des différends peuvent être soumis à l’homologation du juge. L’intérêt de cette homologation a pour but de conférer à l’acte présenté la force exécutoire. De façon globale les modalités de ce contrôle du juge sont régies par les articles 1565 et suivants du CPC.

Dans les pays libéraux, le droit au juge fait partie des principes fondamentaux qui constituent l’Etat de droit.

L’article 30 du code de procédure civile définit l’action en justice « comme le droit pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter du bien-fondé de cette prétention ». L’exercice de l’action en justice est laissé à la libre appréciation du justiciable.

Les autorités ont développé des mécanismes de résolution amiable des différends, pour inciter les parties au conflit à ne pas saisir les tribunaux. Ces mécanismes semblent être pour le pouvoir réglementaire une manière de réduire le nombre de dossiers à gérer et de contentieux à résoudre, mais au détriment de ce droit fondamental qu’est le recours au juge.

Certes, cet engouement pour les modes amiables est la conséquence d’un nouveau mode de pensée dans lequel l’humain est placé au cœur du droit ; mais il n’est pas sans soulever des critiques dans la mesure où les accords qui en résulteront, sans être soumis au contrôle du juge, produiront certes des effets juridiques, mais de portée limitée.

Dès lors, afin de consolider la force de l’accord et d’en faire un titre exécutoire, ces accords, fruits de négociation, doivent être soumis à l’homologation d’un juge.

Ainsi, le livre V du code de procédure civile relatif à la résolution extra-judiciaire des différends précise, en son article 1565, que « l’accord auquel sont parvenus les parties à une médiation, à une conciliation ou à une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire à l’homologation du juge compétent dans la matière considérée. Le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. »
L’article 1566 ajoute « (que le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu’il estime nécessaire d’entendre les parties. S’il fait droit à la requête tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu la décision. La décision qui a refusé d’homologuer l’accord peut faire l’objet d’un appel ».

Ainsi, quel que soit le mode amiable conventionnel qui a été utilisé pour parvenir à un accord, le juge, qui est saisi de son homologation, exerce un contrôle peu explicite quant à sa portée (1) mais dont les effets sont précis (2).

1. La portée du contrôle opéré par le juge de l’homologation.

Les articles 1565 et 1566 du CPC précisent donc que les accords obtenus lors d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative peuvent être soumis, aux fins de les rendre exécutoires, à l’homologation du juge, compétent en la matière considérée.

A noter que l’article 1567 du CPC étend les dispositions des articles précités aux transactions conclues sans recours aux processus de négociation que ces articles mentionnent.

L’homologation est exclusivement attribuée à un juge, car elle ne saurait être conçue comme un acte banal. L’intervention du juge est indispensable à l’obtention de l’effet de droit recherché même si la démarche est volontaire.
Afin de statuer sur la requête en homologation qui lui est présentée, le juge statue sans débat, à moins qu’il estime nécessaire d’entendre les parties [1], toutefois, il ne peut modifier les termes de l’accord lui est soumis.
Dès lors, il est nécessaire de s’interroger sur l’étendue du contrôle que le juge peut opérer.

Par un arrêt, la première chambre civile de la Cour de Cassation [2] précise « qu’il entre dans les pouvoirs du juge de refuser de rendre exécutoire une transaction dont il a constaté l’absence de formation ». Il faut en déduire que le juge peut exercer un contrôle de l’acte lui-même, ainsi que de la cohérence de ses termes avec l’ensemble des éléments qui constituent le dossier qui lui est transmis.

Ce raisonnement a été confirmé par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 27 octobre 2018 [3]. C’est dire que le juge en charge de l’homologation doit assurer une lecture attentive et précise de toutes les pièces qui lui sont soumises et demander aux parties des explications si cela doit éclairer sa décision. Les articles 27 et 1566 du CPC le confirment.

En conséquence, deux options se présentent pour le juge : soit le dossier qu’il détient ne lui permet pas de dire qu’il existe un motif de rejet de la demande qui lui est faite et dans ce cas il doit homologuer l’accord, soit il perçoit quelques difficultés et dans cette hypothèse il peut ne pas faire droit à la demande.

2. Les effets du contrôle opéré par le juge de l’homologation.

Comme nous venons de le voir, deux hypothèses s’offrent au juge dans le cadre de l’homologation d’un accord obtenu par un mode amiable extra-judiciaire : soit il l’homologue, soit il refuse de l’homologuer.

Lorsque le juge homologue l’accord, ce dernier est revêtu de la formule exécutoire. Cela résulte de l’arrêt prononcé le 28 septembre 2017 par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation [4]. Toutefois, l’obtention de cette formule exécutoire ne fait pas obstacle à ce que la validité de l’acte soit contesté devant le juge de l’exécution. En effet, l’article L.213-6, alinéa 1er, dispose que « Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ».

Lorsque le juge refuse d’homologuer l’accord, la validité de l’engagement n’est pas remise en cause puisque le juge de l’homologation n’est pas le juge du fond.
Par ailleurs, la décision de rejet est susceptible d’appel. L’article 1566, alinéa 3, du CPC précise que « Cet appel est formé par déclaration au greffe de la cour d’appel. Il est jugé selon la procédure gracieuse. »

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L’intervention du juge dans le cadre des homologations des accords obtenus grâce aux modes amiables extra-judiciaires démontrent que l’imprécision des dispositions qui existent en la matière peut créer une insécurité juridique tant pour les parties à l’accord que pour les tiers. Il faut également prendre en considération que le contrôle du juge en matière d’homologation n’a pas la même portée lorsqu’il agit dans le cadre d’une instance judiciaire. Il serait donc souhaitable que les dispositions des livres I et V du CPC soient unifiées et clarifiées.

Françoise Balaguer Avocat au Barreau des Pyrénées Orientales

[1Article 1566 CPC

[2Cass 1er civ 10/09/2014, n°13-11843

[3N°17-21.879 D 2018.2220

[4Civ 2 28 sept 2017, n°16-19.184- D 2018, 692

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