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Agent commercial et clause de non concurrence : sur la délimitation du secteur géographique. Par Adrien Cohen-Boulakia, Avocat.
Parution : mercredi 13 mai 2020
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L’article L.134-14 du code de commerce prévoit que la clause de non concurrence post contractuelle prévue au contrat d’agent commercial n’est valable qu’à la condition qu’elle soit limitée au périmètre géographique sur lequel l’agent commercial exerçait son activité de représentation.

Mais quid de la clause de non concurrence post contractuelle applicable sur tout le territoire français ? Un contrat d’agent commercial [1] prévoyant une mission de prospection sur toute la France peut-il légitimement stipuler une obligation de non concurrence applicable sur tout le territoire français ? Telle est la problématique posée à la Cour d’appel de Versailles, à l’occasion d’un arrêt rendu le 7 mai 2020 [2].

1/ Rappel des règles applicables.

La délimitation géographique de la clause de non concurrence post contractuelle est une des conditions de validité expressément prévue par la loi. A défaut de précision quant à la zone géographique prévue pour l’obligation de non concurrence, la clause est nulle.
Aussi, la loi ne se contente pas de prévoir une exigence de délimitation géographique, elle indique quel doit être ce périmètre géographique : il doit s’agir du secteur géographique confié à l’agent commercial, ou du « groupe de personnes confiés à l’agent commercial » (pour en savoir plus : clause de non concurrence et agent commercial [3].

2/ Décision.

Ce deuxième aspect a été obéré par la cour d’appel de Versailles qui se contente d’affirmer que :
« Il convient de rappeler que pour être valable une clause de non-concurrence doit être limitée géographiquement et dans le temps ».

En effet, la Cour se contente de constater que « l’interdiction concerne l’ensemble des États sur le territoire desquels l’Agent aura entretenu des relations avec la clientèle » pour en déduire que « dès lors, la clause de non -concurrence est limitée à la France, qu’il peut exercer partout ailleurs, que le périmètre de la clause est dès lors circonscrit » et « que la clause de non concurrence est valable ».
Pourtant, et contrairement à la solution qui se dégage de la lecture de cet arrêt, il ne suffit pas que la clause de non concurrence soit délimitée géographiquement : encore faut-il que le périmètre géographique soit celui au sein duquel l’agent commercial exerçait son activité.

D’ailleurs, à l’aune de cet élément important, et par analogie avec la jurisprudence en matière de contrats de travail, la Cour de cassation n’hésite pas à utiliser les notions de caractère « justifié » et « proportionné ». Elle a en effet eu l’occasion d’affirmer que « pour être valable, une clause de non-concurrence doit être non seulement limitée dans le temps et dans l’espace, mais aussi proportionnée par rapport à l’objet du contrat et nécessaire à la protection des intérêts légitimes de son bénéficiaire » [4].

Il est vrai qu’en l’occurrence, l’agent commercial avait pour mission de prospecter sur un territoire très large. Il n’empêche que la clause prévoyant une interdiction de concurrence post contractuelle sur « l’ensemble des Etats sur le territoire desquels l’Agent aura prospecté » est particulièrement générale, ce qui appelait à une analyse in conceto de la justification et de la proportionnalité d’une telle interdiction.

Cette jurisprudence risque d’ouvrir la voix à des clauses de non concurrence de plus en plus larges, alors que les mandants étaient au contraire particulièrement vigilants quant à la rédaction de ces clauses et avaient tendance à délimiter de façon précise la zone géographique concernée par l’obligation de non-concurrence (exemple : X kilomètres autour du lieu d’établissement du mandant).

Me Adrien COHEN-BOULAKIA https://www.grege-avocat.fr

[2n° 18/07576

[4Cass., Com., 11 mai 2017, n°15-12.872