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Le délit de conduite sous l’emprise de stupéfiants ou de drogues. Par Chloé Soulier et Jean Claude Arik, Juristes.
Parution : mercredi 13 mai 2020
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Les contrôles en recherche de traces de stupéfiants ou de drogues peuvent être effectués sur tout conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, sur une voie publique ou privée ouverte à la circulation publique (de type autoroute) et en dehors de toute contravention au code de la route ou délit connexe.

Le principe est simple : C’est la tolérance zéro.

A la différence des conducteurs qui conduiraient en ayant consommé de l’alcool, il n’existe aucun seuil minima en matière de drogue au volant et les poursuites seront engagées contre le conducteur, quel que soit le taux relevé, minime ou exorbitant.

1°/ Qu’est ce que le délit de conduite sous l’emprise de stupéfiants ou le conduite sous l’emprise de drogues ?

A titre liminaire, il convient de souligner la volonté affirmée du législateur de sanctionner toute consommation de drogues, même en dehors de toute conduite de véhicule terrestre à moteur.
Cela a pour conséquence que le taux prélevé dans votre sang ou votre urine ne fera pas varier le quantum de la peine. Il n’y a donc aucun seuil contraventionnel ou délictuel.

En effet, les conducteurs consommateurs de stupéfiants seront susceptibles d’être poursuivis quel que soit le taux de THC (ou autres molécules considérées comme des drogues interdites) présent dans leur organisme.

En cas de condamnation du chef de conduite sous l’emprise de stupéfiants, l’article L. 235-1 du Code de la Route [1] fait peser sur le conducteur les peines suivantes :
- Une amende de 4 500 euros ;
- Une peine d’emprisonnement de deux ans ;
- Une immobilisation et confiscation du véhicule avec mise en fourrière.

Le juge peut également assortir ces peines de mesures complémentaires telles que :
- La suspension du permis de conduire pour une durée maximale de trois ans ;
- L’annulation du permis de conduire pour une durée maximale de trois ans ;
- Une peine de travaux d’intérêt général ;
- Différents stages de sensibilisation ( stages de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants ou à la sécurité routière) à effectuer dans un délai déterminé par le juge ;
- L’interdiction de conduire certains véhicules pour une durée maximale de cinq ans.

D’un point de vue administratif, l’interpellation peut donner lieu à la suspension administrative du permis de conduire notifiée par le préfet pour une durée maximale d’un an depuis la loi récente d’orientation des mobilités [2].

Enfin, en cas de condamnation, six points seront automatiquement prélevés sur votre permis de conduire.

Certaines précisions méritent l’attention :
- En cas de refus de se soumettre aux tests de dépistage aux stupéfiants, un autre délit est constitué et les mêmes peines que la conduite sous l’emprise de stupéfiants sont encourues [3]. Les juges auront tendance à être plus sévère avec individu de mauvaise volonté ou de mauvaise foi.

Néanmoins, refuser les épreuves du premier test n’est pas constitutif d’une infraction pénale, contrairement à ce que pense la plupart des officiers de police ou de gendarmerie. Selon l’arrêt de la chambre criminelle en date du 11 mai 2017, les articles L. 234-8 et L. 235-3 [4] du code de la route ne concernent que le refus de se soumettre aux épreuves de vérifications qui font suite aux dépistages, c’est-à-dire aux prélèvements réalisés après le premier test.

- En cas de récidive de conduite sous stupéfiants (délit assimilé ou identique commis dans les cinq ans suivant la date de la dernière condamnation), les peines sont doublées [5] et l’annulation du permis de conduire est automatiquement prononcée.

- En cas d’accident de la circulation ayant causé des blessures ou la mort d’autrui, les officiers de police judiciaire procèderont automatiquement à la recherche de stupéfiants dans le sang des victimes et du conducteur. Si des traces de stupéfiants sont retrouvées dans le sang du conducteur, alors le délit de conduite sous l’emprise de stupéfiant deviendra une circonstance aggravante de l’homicide ou des blessures involontaires.

Le même délit pourra, en parallèle, être poursuivi individuellement.

La condamnation du chef de conduite sous l’emprise de stupéfiants est une cause d’exclusion des contrats d’assurance.
Les compagnies seront donc autorisées à ne pas indemniser le conducteur pour les dégâts matériels ou corporels subis par le conducteur et à se retourner contre ce dernier si les dégâts ont été commis sur autrui. La condamnation peut aussi leur permettre de majorer votre prime ou de mettre fin à votre contrat. Il peut alors être utile de faire analyser votre dossier par un avocat spécialisé en drogues au volant afin de vérifier si des vices de procédure sont présents ou pas dans la procédure en cas de dommages corporels ou matériels.

- Le délit de conduite sous l’emprise de stupéfiants est un délit : il donnera donc nécessairement lieu à une inscription de la condamnation sur le casier judiciaire.
Par exemple, les ordres professionnels et les administrations sont habilités à consulter le casier judiciaire B2. Un médecin qui serait condamné pour conduite sous l’emprise de stupéfiants pourrait se voir poursuivi sur le plan ordinal. L’avocat peut, à la demande du prévenu, faire une demande de dispense d’inscription au casier judiciaire afin d’éviter ces désagréments.

2°/ Quelles sont les étapes à connaître en matière de poursuites pour une conduite sous l’emprise de stupéfiants ou de drogues au volant ?

a) L’interpellation du conducteur qui conduit sous l’emprise de drogues.

Depuis la [loi de programmation de la justice 2019-2022 en date du 23 mars 2019, [6] le législateur a entendu étendre d’avantage le champ d’exercice des agents de police habilités à vous contrôler : désormais, les agents de police judiciaire peuvent procéder aux contrôles en matière d’alcoolémie et de recherche en stupéfiants.

Lorsque les agents procèderont au contrôle, ils effectueront un test : le test salivaire.
Si le test est positif, alors les autorités peuvent réaliser un prélèvement sanguin ou urinaire (et non un test) pour confirmer la présence de substances stupéfiantes.

Le laboratoire sera chargé de rechercher dans le sang ou les urines du conducteur la présence (ou l’absence) de cannabis (THC/THCOOT), cocaïne, ecstasy, amphétamines, crack, opiacés ainsi que leurs dérivés.

Néanmoins, certaines substances médicamenteuses peuvent expliquer la présence de stupéfiants dans le sang.

Par exemple, la prise de codéine à la suite d’une opération des dents de sagesse pourrait parfaitement révéler la présence d’opiacés. Idem dans le cas des anciens toxicomanes qui suivraient un traitement de subutex sous prescription médicale.

Attention, le conducteur veillera dans la mesure du possible à se réserver le droit de formuler une demande de contre expertise [7] dans les cinq jours suivant la notification de vos taux. Il faut donc observer une vigilance accrue aux documents signés pendant l’interpellation. Le respect du droit à la contre expertise se révèlera crucial par la suite.

Le conducteur peut également être placé en garde à vue. Lors de cette garde à vue, certains droits doivent être notifiés au conducteur, tel que le droit à être assisté d’un avocat, d’un interprète ou encore le droit de se taire. Il faudra veiller à se réserver le droit de demander la tenue d’une contre expertise, et bien relire le procès verbal des déclarations car ce sont ces déclarations que se fonderont les juges lors de votre jugement.

La confiscation du véhicule peut également être ordonnée depuis la nouvelle loi LOM [8] entrée en vigueur le 24 décembre 2019, ce qui peut couter très cher à l’automobiliste dans la mesure où des frais de fourrière sont susceptibles de lui être imposés [9] :
« Les officiers ou agents de police judiciaire peuvent, avec l’autorisation préalable donnée par tout moyen du représentant de l’État dans le département où l’infraction a été commise, faire procéder à titre provisoire à l’immobilisation et à la mise en fourrière du véhicule dont l’auteur s’est servi pour commettre l’infraction (…) Lorsqu’il est fait application des dispositions de l’article L235-2, si les épreuves de dépistage se révèlent positives ».

b) La suspension administrative du permis de conduire.

A la fin de sa garde à vue, les forces de l’ordre remettront au conducteur un avis de rétention d’une durée de 120 heures depuis cette année (anciennement 72 heures) : cela signifie que pendant cette période de cinq jours au cours de laquelle le permis de conduire est en possession des forces de l’ordre, le préfet est en capacité de notifier au conducteur une période de suspension de son permis de conduire pendant une durée d’un an (anciennement 6 mois).

c) Le jugement.

A la lecture de la procédure, le Procureur de la République, qui dispose de l’opportunité des poursuites, pourra décider de classer l’affaire ou de poursuivre pénalement le conducteur soit en procédant à une procédure simplifiée soit en renvoyant le prévenu devant le tribunal correctionnel.

L’opportunité de ce choix se fera souvent en fonction de la gravité des faits : lorsque d’autres délits ont été commis avant ou pendant l’interpellation ou en cas de récidive.
En cas de renvoi devant le tribunal correctionnel, le conducteur sera entendu par un juge unique. Il aura eu en amont accès à son dossier et pourra faire entendre ses arguments de défense. Il s’agit d’une procédure contradictoire.

Le jugement rendu sera susceptible d’un appel dans les dix jours.

L’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire mais est vivement conseillée.

Si le Procureur de la République préfère mettre en place une procédure simplifiée, trois cas peuvent se présenter :

Première hypothèse : la composition pénale.

L’officier de police judiciaire notifie un document écrit et signé du procureur intitulé « composition pénale ».

Un certain nombre de mesures sont proposées :
- Une amende au trésor public ;
- Un travail d’intérêt général ;
- Différents stages de citoyenneté ou de sensibilisation ;
- Le dessaisissement du véhicule ;
- La remise du permis de conduire pour une durée n’excédant pas six mois.

Seconde hypothèse : la convocation à l’ordonnance pénale.

Le conducteur reçoit chez lui une convocation à une ordonnance pénale par lettre recommandée. Il s’agit d’une procédure non contradictoire au cours de laquelle le prévenu n’aura pas les moyens de faire valoir ses arguments. Lors de l’audience, un juge lui notifiera simplement les peines prononcées. Il est conseillé de ne pas exécuter toute de suite les peines proposées et d’en discuter avec son avocat. En effet, il est possible de s’opposer à l’ordonnance dans un délai de 45 jours afin d’être jugé devant le tribunal correctionnel selon la procédure normale.

Troisième hypothèse : la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le « plaidé coupable » à la française.

Le procureur de la République convoquera le prévenu et lui proposera des peines à condition qu’il reconnaisse les faits. Lors de cette procédure, l’avocat, qui est obligatoire, va négocier avec le procureur le quantum de la peine.
L’avantage de la procédure réside en ce que la peine d’emprisonnement prononcée ne pourra excéder un an. Il convient de préciser en deçà d’un an, les peines d’emprisonnement fermes peuvent être aménagées en jour amende ou en travaux d’intérêt général.
Le conducteur a un délai de 10 jours pour refuser les peines proposées. Dans ce cas, la procédure classique devant le tribunal correctionnel sera lancée.
S’il accepte, le prévenu sera convoqué devant un juge, qui l’entendra succinctement sur les faits et s’assurera qu’il a pris pleine conscience de la gravité de son comportement. S’il estime que ce n’est pas le cas, alors il refusera d’homologuer et le prévenu sera convoqué ultérieurement devant le tribunal correctionnel. S’il accepte l’homologation, alors les peines auront valeur de jugement.

3°/ L’importance du rôle de l’avocat spécialisé en droit routier.

L’avocat spécialiste du droit routier analysera attentivement le dossier de procédure et décèlera éventuellement des vices de procédure.

Cette recherche ne s’improvise pas et doit être confiée à un expert du code pénal, du code de procédure pénale et du droit routier : les mentions légales obligatoires relatives aux modalités de dépistages, la procédure de garde à vue ou encore le défaut de notification du droit à la contre expertise peuvent vous faire relaxer.

En cas de relaxe, le délit et les poursuites tant administratives (perte de points) que pénales (peines d’amende et d’emprisonnement, inscription sur le casier judiciaire…) seront supposées ne jamais avoir existé.

Attention cependant, certains dossiers ne permettent pas de soulever un vice de procédure. Néanmoins, dans ce cas, l’avocat est toujours en capacité de négocier la peine en arguant des éléments de personnalité (vie familiale, contexte…).
Il est important de comprendre toute la dimension d’une condamnation du chef de conduite sous l’emprise de stupéfiant.

En cas de blessures ou d’homicide causé à autrui, la conduite sous l’emprise de stupéfiants aggravera sévèrement le quantum de la peine, en plus d’exclusion du contrat d’assurance qui sera opposé systématiquement par les compagnies d’assurance.

En cas de condamnation, le véhicule peut être définitivement confisqué.
Lors de l’audience, l’avocat invoquera la nécessité de conserver le véhicule, notamment en invoquant des éléments de personnalité.
Enfin, certains emplois sont autorisés à licencier leurs salariés en cas de perte du permis de conduire.

Attention ! En cas de cumul avec l’infraction de conduite sous alcool, l’article L235-1 du Code de la route [10] prévoit expressément que : « Si la personne se trouvait également sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du présent code, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 9 000 euros d’amende. »

La perte de points elle aussi sera plus sévère, au lieu de 6 points, 8 points seront ponctionnés sur votre permis de conduire.

Chloé Soulier, Juriste Droit pénal Procédure pénale Jean Claude Arik, Juriste Droit Médical Droit du Dommage Corporel Droit de la Responsabilité Médicale

[8n°2019-1428