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Les contrats de propriété intellectuelle. Par Matthieu Dhenne, Avocat.
Parution : samedi 16 mai 2020
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La valorisation des actifs immatériels d’une entreprise passe par les contrats de propriété intellectuelle auxquels cette dernière devra être particulièrement attentive si elle souhaite consolider sa position sur un marché donné.

Valoriser ses actifs immatériels (oeuvres, inventions, marques, dessin ou modèle, savoir-faire, etc.) exige de passer par un contrat conforme au droit applicable. Nous présenterons ci-après les principaux types de contrats (I) avant d’émettre quelques recommandations essentielles (II).

I. Les principaux types de contrats.

Il convient de distinguer les contrats selon qu’il y ait un (A) ou plusieurs (B) créateurs.

A. Gestion individuelle de la propriété intellectuelle.

Il s’agit de la situation dans laquelle il n’existe qu’un créateur, titulaire des droits. On distingue alors essentiellement deux types de contrats : la cession et la licence.

La cession transfère la propriété à un acquéreur en contrepartie d’une somme d’argent. Ce prix peut être forfaitaire, ou proportionnel au chiffre d’affaires réalisé par l’acquéreur. ll sera librement fixé par les parties. Cette cession peut être limitée dans le temps, dans l’espace, ou être limitée à une application donnée.

Une licence s’apparente au contrat de location du droit commun. Elle peut se définir comme un contrat de louage par lequel le propriétaire du bien intellectuel concède à un tiers le droit d’exploiter tout ou partie de son bien, moyennant le versement d’une redevance. Il n’y aura donc pas de transfert de la propriété dans ce cas. Le licencié, ou concessionnaire, pourra seulement utiliser le bien. La licence sera accordée contre le paiement de redevances (ou royalties) fixées par contrat. Cette licence précisera les conditions de la concession : par exemple pour une application déterminée, pour une certaine durée, sur un certain territoire. S’il s’agit d’une licence exclusive, seul le concessionnaire pourra exploiter le brevet. La contrepartie financière sera alors généralement plus importante que dans le cas d’une licence simple, qui pourra être accordées à plusieurs licenciés.

Stratégiquement, la licence permet d’étendre rapidement la présence d’une entreprise dans de nouveaux secteurs d’activité ou sur de nouvelles zones géographiques. Elle constituera aussi une contrepartie susceptible de donner accès à d’autres titres stratégiques détenus par des concurrents via des accords de licences croisées.

B. Gestion collective de la propriété intellectuelle.

La propriété intellectuelle peut aussi participer d’une stratégie partenariale, notamment dans les cadres d’une copropriété, d’une coopération ou encore d’une exploitation collective.

La copropriété d’un bien implique que les copropriétaires soient détenteurs chacun d’une quote-part dudit bien. La copropriété peut être la conséquence d’une co-création. Le calcul de ce pourcentage peut se faire selon des modalités diverses : au prorata des investissements de chaque propriétaire, en fonction de leur part inventive, etc.

Des contrats de coopération peuvent régir les relations entre des partenaires partageant les coûts de développement d’une innovation. Ce partenariat pourra porter, par exemple, sur le développement du produit. La tendance à « l’open innovation » accroît l’importance des contrats : notamment avec les contrats de consortium ou de collaboration de recherche.

Les patent pools sont un exemple marquant d’une nouvelle tendance à l’exploitation collective en ce qui concerne les brevets. En se regroupant au sein d’un consortium, les propriétaires de brevets mettent en place une sorte de guichet unique permettant d’exploiter et de valoriser leur propriété.

II. Quelques recommandations.

Préciser correctement l’étendue des droits. Il est tout d’abord fondamental de bien stipuler dans les contrats quels sont les droits détenus ou quels sont ceux cédés à des tiers. Ces contrats n’auront pas besoin d’être longs ni d’être présentés de façon très formelle. Ils doivent cependant être clairs et formulés dans des termes propres aux droits de propriété intellectuelle.

Demeurer vigilant quant aux contrats susceptibles d’impliquer de la propriété intellectuelle. Si on fait appel à des salariés, à des sous-traitants, à des consultants ou à d’autres sociétés pour pour tout projet de création ou d’innovation, il est essentiel d’établir un contrat avec cette personne, ou cette entité, avant que celle-ci ne commence son travail. Même la toute première phase des prestations fournies peut être l’origine de droits importants en vertu desquels le sous-traitant peut devenir l’auteur ou le propriétaire, ou éventuellement un copropriétaire des travaux qu’il a réalisés. Il faut donc stipuler dans les contrats que l’objet de propriété intellectuelle qui a été créé appartient à telle ou telle personne et sera utilisé dans l’avenir de telle ou telle façon.

Archiver tous les copies de contrats ayant un lien avec la propriété intellectuelle. Enfin, il est conseillé d’archiver des copies de tous les contrats ayant un lien avec la propriété intellectuelle. Il convient, en effet, d’en garder systématiquement des traces, afin de pouvoir retrouver des documents susceptibles de devenir importants par la suite. Ces contrats seront par exemple des pièces très précieuses pour une entreprise si elle prend part à des opérations d’acquisition, de fusion, d’investissements ou de cession d’actifs.

Matthieu Dhenne Avocat à la Cour, Docteur en droit https://www.dhenne-avocats.fr