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Fraude à l’activité partielle : recours du salarié et sanctions de l’employeur. Par Frédéric Chhum et Mathide Mermet-Guyennet, Avocats.
Parution : vendredi 15 mai 2020
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Du fait de la pandémie du Covid-19, au 1er avril 2020, le Ministère du travail recensait près de 3,2 millions de salariés placés en activité partielle en France.

Ils sont passés à plus de 12 millions fin avril 2020.

Quels sont les droits du salarié dont l’employeur exigerait malgré tout une prestation de travail en période de chômage partiel et quelles sont les sanctions encourues.

1) Les obligations de l’employeur envers les salariés en activité partielle.

1.1) Mentions obligatoires sur le bulletin de paie.

Avec la parution du décret n°2020-325 du 25 mars 2020, le gouvernement annonçait mettre en place une obligation renforcée d’information du salarié sur le dispositif d’activité partielle.

Aussi et désormais en cas d’activité partielle, le bulletin de paie doit préciser :
- Le nombre d’heures indemnisées au titre de l’activité partielle ;
- Le taux appliqué pour le calcul de l’indemnité versée au titre de l’activité partielle ;
- Les sommes versées au salarié au titre de la période considérée (Article R3243-1 du Code du travail).

L’employeur dispose cependant d’un délai de 12 mois pour mettre en conformité les bulletins de paie.

En attendant, l’employeur est toujours tenu de délivrer au salarié concerné par une mesure d’activité partielle un document indiquant le nombre des heures indemnisées, les taux appliqués et les sommes versées au titre de la période considérée (article R5122-17 du Code du travail dans sa rédaction antérieure au 26 mars 2020), soit des informations identiques à celles prévues par le décret n°2020-325 25 mars 2020.

Aussi, et en réalité le contenu de l’information qui doit être donné au salarié demeure inchangé mais devra seulement être repris dans les bulletins de paie, dans le délai de 12 mois à compter de la publication du décret.

1.2) En activité partielle, le contrat de travail du salarié est suspendu.

Ensuite, lorsque le salarié est placé en activité partielle son contrat de travail est suspendu (Article L.5122-1 du Code du travail).

En conséquence, pendant ces périodes, le salarié ne doit, ni être sur son lieu de travail, ni se tenir à la disposition de l’employeur ou se conformer à ses directives, et l’employeur a l’interdiction de lui demander de travailler, y compris en télétravail.

Cela peut poser quelques difficultés dans l’hypothèse d’une seule réduction de la durée du travail (contrairement à un arrêt total du travail) puisque le salarié n’est pas tenu de travailler que pour les heures chômées. Cela surtout lorsque par ailleurs les heures travaillées sont effectuées en télétravail ; la frontière entre heures chômées et heures travaillées pourra être difficile à établir, notamment du fait de la charge de travail qui sera confiée par l’employeur.

Dans cette situation, l’employeur doit communiquer au salarié de manière précise ses horaires de travail, ou ses journées ou demi-journées de travail s’il est soumis à une convention de forfait en jours.

Si le travail confié nécessite pour sa réalisation le dépassement des heures prévues, la situation de fraude au dispositif de l’activité partielle pourra être constituée.

2) Les sanctions et recours possibles du salarié.

2.1) Recours du salarié qui a travaillé pendant son activité partielle.

Les heures effectivement travaillées et les heures chômées indemnisées sont donc reportées au mois le mois sur le bulletin de paie ou sur le document distinct.

Nous vous recommandons d’apporter une attention toute particulière à ces informations.

Aussi, si vous constatez que vous avez travaillé un nombre d’heures plus important que celui déclaré sur votre bulletin de paie au titre des heures effectivement travaillées, alors la fraude de votre employeur au dispositif d’activité partielle peut être caractérisée.

Il en est évidemment de même si, bien que placé en activité partielle totale votre employeur vous a demandé de travailler.

Dans une telle hypothèse, vous pouvez :
- Obtenir un rappel de salaire correspondant à la différence entre votre salaire et l’indemnité versée au titre de l’activité partielle ;
- Obtenir dans l’hypothèse ou votre contrat de travail aurait été rompu l’indemnité pour travail dissimulé de 6 mois de salaire prévue à l’article L8223-1 du Code du travail.

En effet, le travail dissimulé est défini de la sorte par l’article L.8221-5 du Code du travail :
« 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
 »

Attention cependant, l’intention de commettre le délit de travail dissimulé de l’employeur doit être démontrée par le salarié, et ne peut résulter que d’une simple erreur.

2.2) Preuves à conserver par le salarié en cas de travail pendant son activité partielle.

Il est conseillé au salarié de conserver toutes traces ou écrits possibles (courriel, sms, appel téléphonique, visio-conférences pour démontrer qu’il a travaillé pendant son activité partielle.

Cette preuve peut ressortir des éléments tels que courriels, sms, appels téléphoniques, convocations à des réunions en visio-conférence…

Cette preuve peut également être rapportée par la démonstration de ce que les tâches confiées ne pouvaient raisonnablement être réalisées dans les limites des horaires impartis.

2.3) Sanctions encourues par un employeur dont les salariés ont travaillé pendant les heures chômées au titre de l’activité partielle : travail dissimulé, sanctions administratives et délit d’escroquerie.

Le fait de déclarer un nombre d’heures travaillées inférieur au nombre d’heures réelles, lorsqu’il est volontaire, constitue le délit de travail dissimulé sanctionné pénalement par les peines suivantes :
- Jusqu’à 3 ans de prison et une amende pouvant atteindre 45 000 euros pour les personnes physiques ;
- Une amende susceptible d’atteindre 225 000 euros pour les personnes morales
(articles L.5124-1 du Code du travail et 441-6 du Code pénal).

De même, la fraude à l’activité partielle peut entraîner des sanctions administratives telles que le remboursement de l’allocation d’activité partielle perçue au cours des 12 derniers mois (article L.8272-1 et D8272-1 du Code du travail)

Enfin, le délit d’escroquerie peut également être constitué à la condition de démontrer l’existence de véritable manœuvres frauduleuses, l’escroquerie étant punie pour les personnes physiques, d’une amende de 375 000 euros et d’une peine d’emprisonnement de 5 ans, et pour les personnes morales, d’une amende de 1 875 000 euros (article 313-1 du Code pénal).

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum
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