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La sanction de l’abus de position dominante. Par Elodie Garoux, Etudiante.
Parution : vendredi 15 mai 2020
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Ces dernières années, les affaires d’abus de position dominante n’ont pas cessé de se multiplier : Molotov contre TF1, Apple, Google …

Cependant, la sanction de ces comportements n’a jamais été évidente. En effet, celle-ci pose la question du fait de savoir s’il est nécessaire de sanctionner des entreprises ayant une position dominante par le fruit de leurs efforts, alors que cela constitue la finalité même de la libre concurrence. La réponse à cette question est bien évidemment positive, il est nécessaire de réguler la concurrence pour que la compétition, entre les entreprises, puisse perdurer.

L’abus de position dominante trouve sa source dans les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce.

Le premier dispose qu’« est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci ». Le second dispose qu’ « est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ».

Ainsi, la qualification de ce comportement répréhensible repose essentiellement sur deux éléments constitutifs : une position dominante et un abus.

Une position dominante.

Concernant la position dominante de l’entreprise sur un marché, celle-ci doit être qualifiée de manière précise. La notion de position dominante avait été définie par un ancien arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne en date du 13 janvier 1979 Hoffman Laroche (aff 85/76, Rec 461) : « Une position de puissance économique détenue par une entreprise, qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des consommateurs ».

Cependant, cette définition a été plus amplement précisée par la jurisprudence. En effet, afin de caractériser une position dominante, il est nécessaire de délimiter le marché pertinent, à savoir le marché de produit et le marché géographique, pour ensuite, mesurer la position de l’entreprise en cause sur le marché pertinent.

Cette mesure s’effectue par trois critères qui sont :
- la part de marché détenue par l’entreprise,
- les parts de marché détenues par les concurrents,
- et l’ouverture du marché à la concurrence.

Ce dernier critère est essentiel car il prend en compte l’évolution du marché alors que les deux premiers opèrent une analyse statique de celui-ci. Tous ces critères permettent de qualifier l’abus de position dominante, parfois seuls ou corroborés entre eux.

Un abus de cette position dominante.

Il s’agit ici d’un comportement abusif de la part de l’entreprise en position dominante. En réalité, ce critère n’est pas si évident à identifier, cependant il est essentiel. Une entreprise en position dominante ne risque pas nécessairement d’être sanctionnée. La sanction relève de l’exploitation abusive faite par l’entreprise de sa position dominante. C’est le fait pour l’entreprise d’utiliser des moyens autres que ceux dictés par le jeu de la concurrence par les mérites afin de maintenir ou renforcer sa position dominante sur le marché. Il est clair que renforcer sa position sur le marché est l’un des objectifs de toute entreprise, seulement, le maintien ne doit s’exercer que par le mérite et non pas par d’autres moyens car les comportements d’une entreprise en position dominante sont de nature à influencer la structure d’un marché.

Il est toutefois intéressant de préciser que l’abus en tant que tel n’a pas de définition précise et il est ainsi nécessaire de se référer à un standard de conduite. Ceci implique que le comportement reproché peut tout à fait être licite et pourtant, il pourra être sanctionné. Autrement dit, un même comportement peut être autorisé de la part d’une entreprise n’étant pas en position dominante, alors qu’il devient répréhensible dès lors qu’il est réalisé par une entreprise en position dominante et que son comportement a des conséquences sur la structure du marché.

Ces deux éléments, bien qu’essentiels, doivent être complétés par une restriction de la concurrence. Il est en effet nécessaire de démontrer que cet abus résulte en une élimination d’un concurrent ou de la fermeture du marché à tout nouveau concurrent.

Ainsi démontré, l’abus de position dominante sera sanctionné par l’Autorité de la Concurrence et les tribunaux. Il est cependant intéressant de noter que l’article 102 du TFUE ne prévoit aucun mécanisme d’exemption pour les pratiques abusives. Toutefois, la Commission invite à examiner les arguments avancés par une entreprise en position dominante pour justifier son comportement. En droit français, l’article L. 420-4 du Code du commerce prévoit un mécanisme d’exemption pour les abus de position dominante. Ainsi, lorsque des pratiques abusives assurent un certain progrès économique permettant aux consommateurs de bénéficier du profit en résultant, celles-ci pourront être exemptées.

Elodie Garoux, Etudiante en Master 2 Droit des contrats internes et internationaux